Vu la requête sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 21 mai, 17 septembre 1999 et 9 mai 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le DEPARTEMENT D'ILLE-ET-VILAINE, représenté par le président du conseil général et dont le siège est Hôtel du Département ... (35042) ; le DEPARTEMENT D'ILLE-ET-VILAINE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 10 mars 1999 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a, à la demande des sociétés Sauvager et Guintoli, annulé le jugement du 12 juin 1996 du tribunal administratif de Rennes, ensemble les décisions du 1er juin 1993 par lesquelles la commission d'appel d'offres d'Ille-et-Vilaine a rejeté l'offre desdites sociétés relative au marché des travaux de terrassement de la déviation des routes départementales 772 et 777 à Bain-de-Bretagne et du 7 juin 1993 du président du conseil général d'Ille-et-Vilaine attribuant au groupement T.P.R. - Brougalay-Gendrot ledit marché ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Denis-Linton, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Ricard, avocat du DEPARTEMENT D'ILLE-ET-VILAINE et de la SCP Vier, Barthélemy, avocat de la société Sauvager et de la société Guintoli,
- les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que pour annuler les décisions par lesquelles la commission d'appel d'offres du 1er juin 1993 a, d'une part, rejeté l'offre des sociétés Guintoli et Sauvager et, d'autre part, attribué le marché pour la réalisation des travaux de terrassement de la déviation de la ville de Bain-de-Bretagne au groupement TPR-Brougalay-Gendrot, la cour administrative d'appel de Nantes a jugé que la commission avait déterminé son choix en recourant à un critère relatif au lieu d'approvisionnement des matériaux d'apport nécessaires aux remblais qui ne figurait pas dans le règlement particulier de l'appel d'offres et avait ainsi porté atteinte à l'égalité des entreprises soumissionnaires ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, loin de se déterminer selon un critère inédit, la commission s'est fondée sur les prix des matériaux et des autres prestations offertes par les deux groupements concurrents pour déterminer son choix ; qu'ainsi, en jugeant que la commission d'appel d'offres avait fondé son rejet de l'offre des sociétés Guintoli et Sauvager sur le critère tiré du lieu d'approvisionnement des matériaux de remblai, dont lesdites sociétés n'auraient pu bénéficier, la cour administrative d'appel de Nantes a dénaturé les pièces du dossier ; que son arrêt doit être annulé ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'aux termes de l'article 300 du code des marchés publics alors applicable, la commission "élimine les offres non conformes à l'objet du marché ; elle choisit librement l'offre qu'elle juge la plus intéressante, en tenant compte du prix des prestations, de leur coût d'utilisation, de leur valeur technique, des garanties professionnelles et financières présentées par chacun des candidats et du délai d'exécution" ;
Considérant que si le département a demandé à ses services techniques de procéder à une analyse des propositions des entreprises, il ne ressort pas des pièces du dossier que la commission d'appel d'offres se soit crue liée par cet avis lorsqu'elle a pris ses décisions le 1er juin 1993 ;
Considérant que si les sociétés requérantes font valoir que sur l'ensemble des offres conformes à l'objet du marché, la commission d'appel d'offres a limité son examen à celles des entreprises TPR Brougalay ûGendrot, d'une part, et Sauvager et Guintoli, d'autre part, il ressort des pièces du dossier que toutes les offres conformes à l'objet du marché ont été analysées par la commission ; que dès lors ce moyen manque en fait ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus la commission d'appel d'offres n'a pas déterminé son choix sur un critère relatif au lieu d'approvisionnement des matériaux de remblai qui ne figurait pas dans le règlement particulier d'appel d'offres ;
Considérant que si le groupement TPR Brougalay- Gendrot a proposé un tracé de la canalisation de drainage qui réduisait le coût de la prestation de 99 000 F (15 110 euros), cette proposition technique qui, compte tenu de sa faible importance et dans les termes où elle a été formulée, ne saurait revêtir le caractère d'une "variante" par rapport à l'objet du marché, eu égard au montant total de ce marché, n'a pas affecté les conditions de mise en concurrence ; que, par suite, le moyen tiré d'une inégalité de traitement entre les candidats doit être écarté ;
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 300 du code des marchés publics que la commission d'appel d'offres n'est pas tenue de retenir l'offre du candidat le moins disant ; qu'il ressort du rapport d'analyse des offres que les prix proposés par les sociétés requérantes étaient anormalement bas et que dès lors leur offre était susceptible d'entraîner des difficultés lors de l'exécution des travaux ; que dans ces conditions la commission d'appel d'offres a pu, sans erreur manifeste d'appréciation, après avoir demandé leurs explications, écarter la candidature des sociétés Guintoli et Sauvager et retenir celle du groupement TPR Brougalay- Gendrot ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les sociétés Guintoli et Sauvager ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que le DEPARTEMENT D'ILLE-ET-VILAINE qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser aux sociétés Guintoli et Sauvager la somme qu'elles lui réclament au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner les sociétés Guintoli et Sauvager à verser au groupement TPR- Brougalay-Gendrot la somme de 914 euros (6 000 F) qu'il demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 10 mars 1999 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par les sociétés Guintoli et Sauvager devant la cour administrative d'appel de Nantes est rejetée.
Article 3 : Les sociétés Guintoli et Sauvager sont condamnées à verser au groupement TPR-Brougalay-Gendrot une somme de 914 euros (6 000 F).
Article 4 : La présente décision sera notifiée au DEPARTEMENT D'ILLE-ET-VILAINE, à la société Sauvager, à la société Guintoli, au groupement TPR-Bougalay-Gendrot et au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.