Vu, enregistrée le 21 octobre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la requête présentée pour M. Charles X..., demeurant ... ; M. X... demande au juge des référés du Conseil d'Etat :
1°) de suspendre la décision du ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche en date du 6 septembre 2002, notifiée par le président de l'université d'Aix-Marseille III, mettant fin aux fonctions de M. X... en tant que directeur du Centre de recherches administratives de l'université d'Aix-Marseille et responsable du droit des médias pour nommer à sa place MM. Pontier et Frayssinet, à défaut, la décision du 9 septembre 2002 du président de l'université informant M. X... que MM. B... et Z... le remplaceront à ces fonctions, la décision du 13 septembre 2002 prononçant la dissolution de l'Institut international de droit des médias dirigé par M. X..., la décision du 9 juillet 2002 privant M. X... de son bureau à la Faculté de droit, enfin de la décision du 25 septembre 2002 fixant la liste des enseignements attribués à M. X... ;
2°) d'enjoindre à l'université d'Aix-Marseille III dans un délai de quinze jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard une fois ce délai expiré, de rétablir M. X... dans ses fonctions de directeur du centre de recherches administratives et de responsable du DEA de droit des médias, de président de l'Institut international de droit des médias, ainsi que de lui restituer son enseignement de droit administratif et de prendre toutes mesures nécessaires pour lui permettre de réintégrer son bureau ;
3°) d'enjoindre à l'université d'Aix-Marseille III dans un délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard une fois ce délai expiré, de procéder à l'affichage de l'ordonnance de suspension, de la publier dans la revue de l'université et d'en informer tous les membres de la faculté de droit et des conseils de l'université et des UER par lettre ;
4°) de condamner l'université d'Aix-Marseille III à lui verser 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
M. X... soutient que la condition d'urgence est remplie car les mesures dont il a été l'objet, qui le privent de ses responsabilités de direction, l'empêchent d'exercer ses activités de recherche et d'enseignement et portent atteinte à sa réputation, préjudicient de manière grave et immédiate à sa situation ; qu'elles perturbent en outre de manière irréversible les enseignements jusqu'ici dispensés par l'intéressé, en méconnaissance de l'intérêt des étudiants ; que l'ensemble des décisions contestées font grief au requérant et sont illégales dès lors qu'elles constituent des sanctions disciplinaires déguisées, prises en violation des règles de compétence et de procédure régissant le pouvoir disciplinaire ; qu'elles constituent en tout état de cause des décisions prises en considération de la personne, qui auraient dû être précédées d'une information préalable permettant à l'intéressé de consulter son dossier et de présenter des observations ; qu'il existe donc un doute sérieux sur la légalité de ces décisions qui sont également entachées de détournement de pouvoir et de procédure ;
Vu les décisions dont la suspension est demandée ;
Vu, enregistré le 7 novembre 2002, le mémoire en défense présenté pour l'université de droit, d'économie et des sciences d'Aix-Marseille ; il conclut : 1°) au rejet de la requête ; 2°) à la condamnation de M. X... à payer à l'université la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; l'université soutient que le juge des référés du Conseil d'Etat n'est pas compétent pour connaître en premier et dernier ressort de la requête en suspension dès lors que, faute d'intéresser les droits, avantages ou obligations résultant du statut du requérant ou de constituer des sanctions déguisées, le litige ne peut être regardé comme étant relatif à la situation individuelle d'un fonctionnaire nommé par décret du Président de la République ; que, subsidiairement, la condition d'urgence n'est pas remplie dès lors que les décisions critiquées ne portent pas atteinte à la situation statutaire de M. X... et qu'elles ne sont pas de nature, pour celles modifiant la direction du Centre de recherche et du DEA de droit des médias, à perturber les enseignements ou à préjudicier aux intérêts des étudiants ; que les décisions ne sont pas des sanctions disciplinaires déguisées ; qu'à supposer qu'elles aient été prises en considération de la personne, elles ont été précédées des garanties procédurales appropriées ;
Vu, enregistré le 7 novembre 2002, le mémoire en défense présenté par le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche ; le ministre conclut au rejet de la requête ; il soutient que la prétendue décision ministérielle du 6 septembre 2002 ne fait que prendre note des décisions prises par les instances de l'université dans le cadre de leurs compétences ; que l'urgence n'est pas démontrée dès lors que les mesures ne remettent pas en cause la rémunération de M. X... et sont sans influence sur sa carrière dans le corps des professeurs des universités ; que ces mesures ne constituent pas des sanctions disciplinaires déguisées ; que l'intéressé a été mis à même de présenter des observations préalables ;
Vu, enregistrées le 12 novembre 2001, les observations complémentaires présentées pour l'université, qui tendent aux mêmes fins que le mémoire en défense par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'éducation ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. X..., d'autre part, l'université d'Aix-Marseille III et le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche,
Vu le procès verbal de l'audience publique du 14 novembre 2002 à 9 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Y..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. X...,
- Me A..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de l'université d'Aix-Marseille III,
- M. Charles X...,
- le président de l'université d'Aix-Marseille III,
- les représentants du ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche,
Sur la compétence en premier ressort du Conseil d'Etat :
Considérant qu'eu égard à la nature des mesures dont la suspension est demandée, qui sont relatives au moins en partie à la situation individuelle de M. X... en tant que professeur des universités nommé par décret du Président de la République, le juge des référés n'est pas manifestement incompétent pour connaître, en application du 3° de l'article R. 311-1 du code de justice administrative, de la demande de suspension présentée par M. X... ;
Sur les conclusions aux fins de suspension :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;
En ce qui concerne la décision ministérielle du 6 septembre 2002 :
Considérant que la circonstance que la proposition de l'université de droit, d'économie et de sciences d'Aix-Marseille de mettre fin aux fonctions de M. X... en qualité de directeur du Centre de recherches administratives et de responsable du diplôme d'études approfondies de droit des médias a été transmise au ministre chargé de l'enseignement supérieur afin de s'assurer que le changement du responsable de ces formations ne remettait pas en cause l'habilitation ministérielle précédemment délivrée par le ministre sur le fondement de l'article L. 613-1 du code de l'éducation et que le ministre, ainsi saisi, a indiqué par lettre du 6 septembre 2002 que ce changement était pris en compte dans la base de données SIREDO et l'annuaire des formations doctorales, n'est pas de nature à faire regarder le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche comme l'auteur des décisions précitées prises à l'égard de M. X... ; que la lettre du 9 septembre 2002 par laquelle le président de l'université a notifié à M. X... cette prétendue décision ministérielle doit, par suite, être considérée comme la décision des instances compétentes de l'université mettant fin aux fonctions de M. X... en ses qualités de directeur du Centre de recherches administratives et de responsable du D.E.A. de droit des médias ; qu'il n'y a donc pas lieu de se prononcer sur la demande de suspension de la décision ministérielle en date du 6 septembre 2002, qui n'a pas l'objet que lui attribue le requérant ;
En ce qui concerne les décisions prises par l'université :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Charles X..., professeur de droit à l'université de droit, d'économie et des sciences d'Aix-Marseille a fait l'objet le 20 février 2002, en raison de ses agissements à la présidence de la Fondation Vasarely qu'il a assurée de 1981 à 1993 en sus de ses activités universitaires, d'une condamnation par le tribunal correctionnel d'Aix-en-Provence qui lui a notamment infligé une peine de trois ans d'emprisonnement, dont un avec sursis ; que ce jugement, dont l'intéressé a fait appel, a donné lieu à un important retentissement médiatique et suscité des questions, interrogations et débats parmi les enseignants et étudiants de l'université ; que, réuni le 14 mars 2002, le conseil scientifique de l'université, constatant l'émotion soulevée par la condamnation en première instance de M. X..., a mandaté le président de l'université pour prendre les mesures conservatoires qui s'imposent ; que la disposition de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, qui permet de suspendre un fonctionnaire en cas de faute grave résultant notamment d'une infraction de droit commun, n'étant pas applicable aux professeurs des universités et celle de l'article L. 951-4 du code de l'éducation, qui donne au ministre le pouvoir de prononcer la suspension d'un membre du personnel de l'enseignement supérieur, prévoyant que la durée de cette suspension ne peut excéder un an, durée qui ne correspond pas nécessairement au délai dans lequel sera jugé l'appel formé par M. X... contre le jugement du tribunal correctionnel, les instances compétentes de l'université ont proposé deux mesures ; que la première, proposée par le conseil scientifique de l'Université les 14 mai et 27 juin 2002 et décidée par le président, comme il a été dit ci-dessus, le 9 septembre, a consisté à retirer à M. X... la direction du Centre de recherches administratives et du D.E.A. de droit des médias ; que la seconde, proposée par le conseil de faculté le 13 juin et notifiée le 25 septembre par le président de l'Université après qu'il a reçu l'avis du président de la commission de spécialistes de droit public, s'est traduite par le retrait du cours de droit administratif de deuxième année jusqu'ici assuré par M. X..., qui a reçu en remplacement, pour un service équivalent en heures, divers enseignements destinés à des doctorants ou candidats à des concours ; que les décisions demandant d'une part à M. X... de libérer son bureau pour permettre à son successeur de l'occuper, notifiée prématurément à l'intéressé le 9 juillet 2002 afin qu'elle puisse être effective au mois de septembre, et prononçant d'autre part, le 13 septembre, la dissolution de l'Institut international de droit des médias, en raison du risque de confusion de cette structure administrative avec l'équipe d'accueil, ayant la même appellation et un objet proche, dirigée au sein de l'université par le successeur de M. X... à la tête du D.E.A. de droit des médias, ne font que tirer les conséquences des deux mesures décrites ci-dessus ;
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que les mesures rappelées plus haut ont été prises, non pour sanctionner M. X..., mais pour d'une part protéger la réputation de l'institution universitaire, atteinte par la condamnation pénale de l'un de ses membres qui y occupait des fonctions éminentes, d'autre part assurer, dans l'intérêt de l'ensemble des étudiants, enseignants et chercheurs de l'université, la sérénité nécessaire à la dispensation des enseignements et à la poursuite de l'activité scientifique ; que, prises ainsi dans l'intérêt du bon fonctionnement du service public universitaire et alors même que leur caractère conservatoire apparaîtrait moins clairement que s'il s'agissait de mesures de suspension, dont la mise en ouvre, rendue difficile pour les raisons indiquées plus haut, aurait en tout état de cause eu pour effet d'éloigner plus complètement M. X... de ses activités d'enseignement et de recherche, elles ne peuvent être regardées comme des sanctions disciplinaires déguisées ; que les moyens tirés de ce qu'elles auraient dû être prononcées par l'autorité compétente en matière disciplinaire et selon la procédure applicable aux sanctions de cette nature ne sont donc pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de ces décisions ;
Considérant, en deuxième lieu, que M. X... a été informé, au cours de l'entretien qu'il a eu le 25 avril 2002 avec le président de l'université, dont le requérant a confirmé la teneur au cours de l'audience de référé, puis par la lettre qui lui a été adressée le 3 juin, des mesures que proposait de prendre à son égard l'université et mis à même de présenter des observations préalables ; que, par suite, le moyen tiré de ce que, prises en considération de la personne, ces décisions auraient dû être précédées des garanties permettant à l'intéressé d'exercer les droits de la défense n'est pas non plus de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de ces décisions ;
Considérant enfin que les moyens tirés du détournement de pouvoir et du détournement de procédure ne sont pas de nature à susciter un tel doute ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions aux fins de suspension présentées par M. X... ne peuvent être accueillies ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
Considérant que ces conclusions doivent, par voie de conséquence du rejet des conclusions aux fins de suspension, être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que l'université de droit, d'économie et de sciences d'Aix-Marseille, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à payer à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de condamner M. X... à verser à l'université une somme de 2 000 euros, au titre des frais exposés par cette dernière et non compris dans les dépens ;
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de M. Charles X... est rejetée.
Article 2 : M. X... versera à l'université de droit, d'économie et de sciences d'Aix-Marseille la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de l'université de droit, d'économie et de sciences d'Aix-Marseille est rejeté.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Charles X..., à l'université de droit, d'économie et des sciences d'Aix-Marseille et au ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.