Vu la requête, enregistrée le 2 août 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU TERRITOIRE-DE-BELFORT ; le PREFET DU TERRITOIRE-DE-BELFORT demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 6 juin 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Besançon a annulé son arrêté du 22 mai 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Nabil X... et la décision du même jour fixant le pays à destination duquel il doit être reconduit ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Besançon ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles modifié ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Sanson, Maître des Requêtes ;
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Olson, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., de nationalité algérienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification de l'arrêté du 17 novembre 1999 par lequel le PREFET DU TERRITOIRE-DE-BELFORT lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant que si, à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, M. X..., âgé de trente et un ans, fait valoir qu'il a passé les quinze premières années de sa vie en France, que ses frères et soeurs, de nationalité française ainsi que sa mère, titulaire d'une carte de résident, sont installés en France depuis de nombreuses années, qu'il y exerce actuellement une activité professionnelle et qu'il n'aurait plus de contact avec son père demeuré en Algérie, il ressort des pièces du dossier qu'il a poursuivi à partir de 1985 sa scolarité en Algérie et a volontairement rejoint l'Italie de 1990 à 1992 puis la Suisse de 1992 à 1998 ; qu'il est revenu en France en juillet 1998, s'y est marié en 1999 avec une ressortissante française, dont il était en instance de divorce à la date de l'arrêté de reconduite à la frontière ; qu'aucun enfant n'est né de cette union ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté qu'il conteste n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'il méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli ; qu'il n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ; que le PREFET DU TERRITOIRE-DE-BELFORT est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Besançon s'est fondé sur ces deux motifs pour annuler son arrêté du 22 mai 2001 ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par M. X... devant le tribunal administratif de Besançon ;
Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : "Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale" ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que, toutefois, les enfants dont s'agit sont ceux de la ressortissante française épousée en 1999 avec laquelle M. X..., en instance de divorce, a brièvement vécu ; qu'eu égard à la brièveté de cette vie commune , les stipulations précitées n'ont pas été méconnues par l'arrêté attaqué ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DU TERRITOIRE-DE-BELFORT est fondé à demander l'annulation du jugement du 6 juin 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Besançon a annulé son arrêté du 22 mai 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du 6 juin 2001 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Besançon est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Besançon et les conclusions qu'il a présentées devant le Conseil d'Etat tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DU TERRITOIRE-DE-BELFORT, à M. Nabil X... et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.