Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 et 20 mars 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Serdar X..., ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) l'annulation de l'ordonnance du 18 février 2002 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande de suspension de la décision du préfet du Loiret du 8 novembre 2001, confirmée le 30 novembre, lui refusant le renouvellement de sa carte de séjour temporaire ;
2°) la suspension de la décision susmentionnée du 8 novembre 2001 ;
3°) qu'il soit enjoint au préfet du Loiret de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de 8 jours sous astreinte de 76,22 euros par jour de retard ;
4°) la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié réglementant les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Landais, Auditeur,
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. X...,
- les conclusions de Mlle Fombeur, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : "Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision" ;
Considérant que l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés, saisi d'une demande de suspension d'une décision refusant la délivrance d'un titre de séjour, d'apprécier si la condition d'urgence est remplie compte tenu de l'incidence immédiate du refus de titre de séjour sur la situation concrète de l'intéressé ; que cette condition d'urgence sera en principe satisfaite dans le cas d'un refus de renouvellement du titre de séjour, comme d'ailleurs d'un retrait de celui-ci ; que, dans les autres cas, il appartient au requérant de justifier de circonstances particulières caractérisant la nécessité pour lui de bénéficier à très bref délai d'une mesure provisoire dans l'attente d'une décision juridictionnelle statuant sur la légalité de la décision litigieuse ;
Considérant que, pour rejeter la demande de M. X... tendant à la suspension de l'exécution de la décision du préfet du Loiret du 8 novembre 2001, le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans a opposé au requérant la circonstance qu'il n'établissait pas la nécessité pour lui de bénéficier à très bref délai d'une mesure provisoire ; que, toutefois et ainsi qu'il a été dit plus haut, dans le cas de décisions refusant le renouvellement d'un titre de séjour, la condition d'urgence doit en principe être regardée comme remplie ; que la décision contestée du 8 novembre 2001 refuse à M. X... le renouvellement de sa carte de séjour temporaire ; que, dès lors, le juge des référés ne pouvait, sans erreur de droit, mettre à la charge du requérant le soin de justifier de circonstances particulières caractérisant la nécessité d'une mesure de suspension ; que, par suite, son ordonnance doit être annulée ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;
Considérant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que l'urgence à suspendre une décision de refus de renouvellement d'un titre de séjour doit, en principe, être reconnue ; qu'en défense, le ministre ne fait état d'aucune circonstance particulière de nature à faire échec en l'espèce à cette présomption d'urgence ; que, par suite, la condition d'urgence doit être regardée comme remplie ;
Considérant, par ailleurs, qu'est propre à créer un doute sur la légalité de la décision contestée le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une double erreur de droit en motivant le refus de renouvellement de la carte portant la mention "salarié", d'une part, par le défaut de visa de long séjour alors que ce visa n'est pas exigé par les articles 7 et 8 du décret du 30 juin 1946 susvisé en cas de renouvellement de la carte de séjour temporaire et, d'autre part, par la circonstance que M. X... était seulement titulaire d'un contrat de travail à durée déterminée sans indiquer en quoi cette durée constituait une condition d'emploi susceptible de justifier un refus de titre de travail en application de l'article R. 341-4 du code du travail ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de suspendre l'exécution de la décision du préfet du Loiret du 8 novembre 2001, confirmée le 30 novembre suivant, refusant à M. X... le renouvellement de sa carte de séjour temporaire ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : "Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ( ...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution" ; que la présente décision, si elle impose au préfet de statuer de nouveau sur la demande de renouvellement de titre de séjour présentée par M. X... et, dans l'attente de cette décision, de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour, n'implique pas nécessairement qu'un titre de séjour lui soit accordé ; qu'ainsi, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions précitées et de condamner l'Etat à verser à M. X... la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'ordonnance du 18 février 2002 du juge des référés du tribunal administratif d'Orléans est annulée.
Article 2 : L'exécution de la décision du préfet du Loiret du 8 novembre 2001, confirmée le 30 novembre suivant, refusant à M. X... le renouvellement de sa carte temporaire de séjour est suspendue jusqu'à ce que le préfet ait de nouveau statué sur sa demande et, au plus tard, jusqu'à ce qu'il ait été statué au fond sur sa demande d'annulation de cette décision.
Article 3 : L'Etat versera à M. X... la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par M. X... est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Serdar X... et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.