Vu le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, enregistré le 23 mars 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt en date du 25 janvier 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a réformé le jugement du tribunal administratif de Marseille du 16 mai 1997 et accordé à M. Régis X... la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et pénalité y afférentes auxquelles il a été assujetti au titre des années 1985, 1986 et 1987 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Herondart, Auditeur,
- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. X...,
- les conclusions de Mme Mitjavile, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. X... était salarié jusqu'au 31 décembre 1983 comme prothésiste dentaire ; qu'à compter du 1er janvier 1984, il a exploité un cabinet de prothèses dentaires à titre individuel ; qu'il a entendu se prévaloir, au titre de ses premiers exercices, du régime d'exonération d'impôt prévu à l'article 44 quater du code général des impôts ; qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité qui s'est déroulée en 1988 et a porté sur la période s'étendant du 1er janvier 1985 au 31 décembre 1987, l'administration a remis en cause l'application de cette exonération à l'activité de M. X... et a estimé que les mensualités versées à une société pour l'acquisition de certains éléments d'actif ne pouvaient être admises en déduction des bénéfices ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 25 janvier 2000 qui, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif de Marseille du 16 mai 1997, a accordé à M. X... la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles il a été assujetti au titre des années 1985, 1986 et 1987 ;
Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : "Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration" ; que le paragraphe 5 du chapitre III de ladite charte indique que "Si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les redressements envisagés, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l'inspecteur principal. Si après ces contacts des divergences importantes subsistent, vous pouvez faire appel à l'interlocuteur départemental qui est un fonctionnaire de rang élevé spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur" ;
Considérant que si la méconnaissance de l'exigence d'une rencontre avec l'interlocuteur départemental posée par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié a le caractère d'une irrégularité substantielle portant atteinte aux droits et garanties reconnus par la charte au contribuable vérifié, celle-ci n'impose pas que l'interlocuteur départemental informe le contribuable des résultats de sa démarche ; que, par suite, en jugeant qu'en n'informant pas M. X... des résultats de sa démarche, l'administration l'a privé d'une garantie offerte par les dispositions susvisées, la cour administrative d'appel de Marseille a entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que, par suite, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'il n'est pas contesté que le conseil de M. X... a rencontré l'interlocuteur départemental pour lui exposer ses divergences le 8 juin 1989 ; que contrairement à ce que soutient M. X..., la saisine de l'interlocuteur départemental prévue par la charte des droits et garanties du contribuable vérifié n'impose pas à l'administration d'informer le contribuable des résultats de ses démarches ;
Considérant que si M. X... soutient qu'une telle obligation d'information découle de la note de la direction générale des impôts du 18 juin 1976 qui prévoit qu'aucune imposition ne peut être mise en recouvrement tant qu'il n'a pas été statué sur le recours formé auprès de l'interlocuteur départemental, il ne peut en tout état de cause utilement invoquer ces dispositions en se fondant sur l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dès lors qu'elles traitent de questions touchant à la procédure d'imposition qui n'entrent pas dans le champ d'application de cet article ; qu'il ne peut davantage invoquer le bénéfice de ces dispositions sur le fondement de l'article 1er du décret du 28 novembre 1983 aux termes duquel "tout intéressé est fondé à se prévaloir, à l'encontre de l'administration, des instructions (.) lorsqu'elles ne sont pas contraires aux lois et règlements", dès lors qu'aucune disposition de loi ou de règlement ne donnait compétence au ministre pour édicter la note du 18 juin 1976 ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant qu'aux termes de l'article 44 quater du code général des impôts : "Les entreprises créées du 1er janvier 1983 au 31 décembre 1986, soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d'imposition de leurs résultats et répondant aux conditions prévues à l'article 44 bis II, 2° et 3°, et III, sont exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices industriels et commerciaux qu'elles réalisent à compter de la date de leur création jusqu'au terme du trente-cinquième mois suivant celui au cours duquel cette création est intervenue. Les bénéfices réalisés au cours des vingt-quatre mois suivant la période d'exonération précitée ne sont retenus dans les bases de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés que pour la moitié de leur montant ..." ; qu'aux termes du III de l'article 44 bis : "les entreprises créées dans le cadre d'une concentration ou d'une restructuration d'activités préexistantes, ou pour la reprise de telles activités, ne peuvent bénéficier de l'abattement ci-dessus" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X... a exercé jusqu'au 31 décembre 1983 une activité de prothésiste dentaire salarié puis une activité de prothésiste dentaire à titre individuel à compter du 1er janvier 1984 ; que si M. X... soutient qu'il utiliserait des techniques plus élaborées depuis qu'il est installé à titre individuel, cette circonstance, qu'il n'établit d'ailleurs pas, ne saurait être regardée comme un changement d'activité entre la période où il était salarié et la période où il s'est installé à titre individuel ; que M. X... a réalisé au cours de sa première année d'activité 80% de son chiffre d'affaires avec son ancien employeur ; que son ancien employeur a cédé à M. X... des équipements nécessaires à son activité et les locaux dont lesquels il exerçait précédemment son activité ; que, dans ces circonstances, l'activité exercée à titre individuel par M. X... doit être regardée comme ayant été créée dans le cadre d'une restructuration d'activités préexistantes au sens du III de l'article 44 bis du code général des impôts ; que, par suite, l'administration fiscale pouvait légalement refuser à M. X... le bénéfice des dispositions de l'article 44 quater du code général des impôts ;
Considérant qu'en vertu de l'article 39 du code général des impôts, les dépenses d'acquisition des éléments de l'actif immobilisé ne sont pas au nombre des charges déductibles ; qu'il n'est pas contesté que M. X... a conclu un contrat avec la société Locabail prévoyant l'acquisition de deux fours moyennant le versement de mensualités ; que cette opération constituait, par ces modalités, une vente à tempérament et non une opération de crédit-bail ; que, par suite, les mensualités versées en application de ce contrat constituent des dépenses d'acquisition d'éléments d'actif et ne sont pas au nombre des charges déductibles, sans que puisse y faire obstacle la circonstance que le contrat avait été conclu pour une durée très courte et que les factures établies par la société Locabail faisaient état de loyers et non de mensualités de crédit ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 16 mai 1997, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles il a été assujetti au titre des années 1985, 1986 et 1987 ;
Sur les conclusions présentées par M. X... et tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à M. X... la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt du 25 janvier 2000 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.
Article 2 : La requête de M. X... devant la cour administrative d'appel de Marseille est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de M. X... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Régis X... et au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE.