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22/05/2002 | FRANCE | N°237340

France | France, Conseil d'État, 3 ss, 22 mai 2002, 237340


Vu la requête, enregistrée le 16 août 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE qui demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 28 mai 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 13 décembre 2000 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme X... devant ce tribunal ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés f

ondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le ...

Vu la requête, enregistrée le 16 août 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE qui demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 28 mai 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 13 décembre 2000 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme X... devant ce tribunal ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Derepas, Maître des Requêtes-;
- les conclusions de M. Austry, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ... 3°) Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...)" ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X..., de nationalité ivoirienne, s'est maintenue en France au-delà du délai d'un mois à compter de la notification, le 14 août 2000, de la décision du PREFET DE POLICE du même jour rejetant sa demande de titre de séjour ; que l'intéressée se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;
Considérant que si Mme X... a soutenu devant le tribunal administratif qu'elle réside en France depuis 1988 où elle a poursuivi sa scolarité et obtenu un baccalauréat professionnel et qu'elle a un enfant né en France en 1998 et dont le père est titulaire d'une carte de résident, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressée, qui n'a plus de vie commune avec le père de son enfant et qui n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents et deux de ses frères et soeurs, au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que cet arrêté n'a donc pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation de Mme X... ; que le PREFET DE POLICE est en conséquence fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce motif pour annuler son arrêté du 13 décembre 2000 ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme X... devant le tribunal administratif de Paris et devant le Conseil d'Etat ;
En ce qui concerne l'exception d'illégalité :

Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée : "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : ( ...) 3° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant ( ...)" ; que Mme X..., qui a séjourné en France en qualité d'étudiant, ne justifie pas d'une durée de séjour de quinze ans et n'est, dès lors, pas fondée à se prévaloir de ces dispositions ;
Considérant qu'aux termes des dispositions du 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit ( ...) 7° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de refus" ; que si Mme X... invoque le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions, elle ne satisfait pas aux conditions susmentionnées, en l'absence, comme cela a été dit ci-dessus, d'atteinte portée à son droit au respect d'une vie privée et familiale normale, et n'est dès lors pas fondée à se prévaloir de ces dispositions ;
En ce qui concerne l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 : "Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale" ; que, s'il résulte de ces stipulations que dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant, il ne ressort pas des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, l'arrêté attaqué aurait méconnu ces stipulations ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à demander l'annulation du jugement du 28 mai 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 13 décembre 2000 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X... ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : "Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ( ...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution" ; que la présente décision qui rejette les conclusions aux fins d'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté préfectoral du 13 décembre 2000, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, dès lors, les conclusions de la requête tendant à ce que le Conseil d'Etat enjoigne au PREFET DE POLICE de délivrer un titre de séjour à Mme X... doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à Mme X... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du 28 mai 2001 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Paris par Mme X... et les conclusions qu'elle a présentées devant le Conseil d'Etat tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à Mme Affoué Françoise Y...
X... et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 3 ss
Numéro d'arrêt : 237340
Date de la décision : 22/05/2002
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Arrêté du 13 décembre 2000
Code de justice administrative L911-1, L761-1
Convention du 26 janvier 1990 New-York droits de l'enfant art. 3-1
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 8
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22, art. 12 bis


Publications
Proposition de citation : CE, 22 mai. 2002, n° 237340
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Derepas
Rapporteur public ?: M. Austry

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2002:237340.20020522
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