Vu la requête du PREFET DE LA HAUTE-GARONNE enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 18 juillet 2000 ; le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 26 juin 2000 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé, à la demande de Mme Souad Y... épouse X..., l'arrêté du 22 juin 2000 par lequel il a ordonné la reconduite à la frontière de celle-ci et la décision distincte fixant le Maroc comme pays de destination ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Colmou, Maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Bergeal, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ..." ;
Considérant qu'en application de ces dispositions, le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE a, par un arrêté du 22 juin 2000, ordonné la reconduite à la frontière de Mme Y... épouse X..., de nationalité marocaine, qui s'était maintenue sur le territoire au-delà du délai d'un mois suivant la notification, le 4 mai 2000, de la décision du 28 avril 2000, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ;
Considérant que la décision du 18 juillet 2000, par laquelle le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE a opposé un nouveau refus de délivrance d'un titre de séjour à Mme Y... épouse X..., est sans effet sur la décision précédente du 28 avril 2000 ; que, dès lors, les conclusions de Mme Y... épouse X... tendant à ce qu'il n'y ait pas lieu de statuer sur la requête du PREFET DE LA HAUTE-GARONNE ne peuvent être accueillies, cette requête ayant conservé son objet ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée : "Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent ( ...)" ; qu'aux termes de l'article 3 de cette même loi : "La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision." ;
Considérant que, si la décision du 28 avril 2000 refusant à Mme Y... épouse X... le titre de séjour qu'elle sollicitait comporte l'énoncé des considérations de fait qui en constituent le fondement, elle se borne à mentionner l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée sans préciser les dispositions de cette ordonnance ou des textes pris pour l'application de celle-ci dont elle fait application ; qu'ainsi, cette décision est insuffisamment motivée, en violation des dispositions précitées de la loi du 11 juillet 1979 ; que, par suite, le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a fait droit, pour annuler l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Y... épouse X..., à l'exception d'illégalité soulevée par celle-ci à l'encontre de la décision de refus de séjour que le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE lui avait opposée le 28 avril 2000 ;
Sur la légalité de la décision distincte de l'arrêté de reconduite à la frontière fixant le pays à destination duquel Mme Y... épouse X... sera reconduite :
Considérant que, l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Y... épouse X... étant privé de base légale, la décision distincte fixant le pays de renvoi est par voie de conséquence elle-même illégale ; que le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement qu'il attaque, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé cette décision ;
Sur les conclusions de Mme Y... épouse X... tendant à l'application des dispositions de l'article 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer à Mme Y... épouse X... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête du PREFET DE LA HAUTE-GARONNE est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Mme Y... épouse X... la somme de 10 000 F en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA HAUTE-GARONNE, à Mme Souad Y... épouse X... et au ministre de l'intérieur.