Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 17 mars 2000, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE ; le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 15 février 2000 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 10 février 2000 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Lazhar X..., et la décision du même jour fixant le pays de renvoi ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Toulouse ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- les conclusions de Mme Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire français au-delà du délai d'un mois à compter de la notification du refus ou du retrait ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X... s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 29 juillet 1999, de l'arrêté du 23 juillet 1999 par lequel le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : ".1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui". ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., ressortissant tunisien, est entré en France en 1989 et est domicilié chez un des ses frères à Toulouse ; que toute sa famille vit en France et qu'il n'a plus d'attaches familiales en Tunisie, depuis le décès de son père ; que deux de ses frères ont acquis la nationalité française et que les autres membres de sa famille proche disposent de titres de séjours réguliers ; que, dans ces conditions, et eu égard à l'intérêt de sa présence pour sa famille qui séjourne régulièrement en France, la mesure de reconduite à la frontière prise à l'encontre de M. X... a porté au droit de celui-ci, au respect de sa vie familiale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, l'arrêté attaqué méconnaît, dans les circonstances de l'espèce, les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté en date du 10 février 2000 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions susvisées et de condamner l'Etat à verser à M. X... la somme de 10 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête du PREFET DE LA HAUTE-GARONNE est rejetée.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. X... la somme de 10 000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Lazhar X... et au ministre de l'intérieur.