La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/07/2001 | FRANCE | N°206097

France | France, Conseil d'État, 4 / 6 ssr, 25 juillet 2001, 206097


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 mars et 28 juillet 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Cécile de X..., demeurant ... ; Mme de BOSSON demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule l'arrêt en date du 28 janvier 1999 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a limité à 80 000 F, tous intérêts compris, le montant de l'indemnité accordée en réparation du préjudice causé par la décision du chancelier de l'Institut de France refusant de la rétablir dans une position statutaire régulière ;

2°) condamne l'Institut de France à lui payer la somme de 1 766 000 F, augm...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 mars et 28 juillet 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Cécile de X..., demeurant ... ; Mme de BOSSON demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule l'arrêt en date du 28 janvier 1999 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a limité à 80 000 F, tous intérêts compris, le montant de l'indemnité accordée en réparation du préjudice causé par la décision du chancelier de l'Institut de France refusant de la rétablir dans une position statutaire régulière ;
2°) condamne l'Institut de France à lui payer la somme de 1 766 000 F, augmentée des intérêts ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Struillou, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de Mme de X... et de la SCP Tiffreau, avocat de l'Institut de France,
- les conclusions de Mme Roul, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que par un jugement du 7 juin 1990, devenu définitif, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision implicite de rejet opposée par le chancelier de l'Institut de France à la demande de réintégration dans une situation statutaire régulière de Mme de BOSSON, fonctionnaire mis à la disposition par le ministre de l'éducation nationale au terme de la disponibilité dont elle avait bénéficié du 1er mars au 31 août 1987 ; que Mme de BOSSON a demandé réparation des préjudices que lui a causés cette décision ; que, par l'arrêt attaqué du 28 janvier 1999, la cour administrative d'appel de Paris a jugé, d'une part, que la responsabilité de l'Institut de France était engagée en raison de l'illégalité fautive de la décision implicite de son chancelier et, d'autre part, que l'intéressée n'était fondée à demander ni le versement d'une indemnité correspondant, pour la période pendant laquelle elle a été illégalement mise à la disposition d'une association, à la perte du complément de rémunération qui lui était versé par l'Institut en sus de son traitement servi par le ministère de l'éducation nationale, ni la réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de la perte de droits à la retraite afférents à ce complément de rémunération pendant cette même période ;
Sur le pourvoi incident formé par l'Institut de France :
Considérant, en premier lieu, qu'en estimant, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, que la transaction conclue le 2 avril 1993 entre Mme de BOSSON et l'Institut de France ne comportait aucune renonciation de la part de l'intéressée à former une réclamation aux fins d'obtenir la réparation des préjudices que lui avait causés la décision illégale du chancelier refusant de la rétablir dans une situation statutaire régulière, la cour s'est livrée à une appréciation souveraine qui n'est pas susceptible d'être utilement discutée devant le juge de cassation ;
Considérant, en second lieu, que si l'Institut de France soutient que sa responsabilité ne saurait être engagée du seul fait du caractère illégal de la décision prise par son chancelier dès lors que le comportement de Mme de BOSSON avait lui-même fait obstacle à sa réintégration, la cour a pu, sans entacher son arrêt d'erreur de droit, estimer que les critiques émises par l'Institut de France à l'encontre du comportement de Mme de BOSSON n'étaient pas de nature à l'exonérer de sa responsabilité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le pourvoi incident formé par l'Institut de France doit être rejeté ;
Sur le pourvoi principal de Mme de BOSSON :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'Etat et à certaines modalités de cessation définitive de fonctions : "Un fonctionnaire peut, avec son accord, être mis à la disposition : 1° D'une administration de l'Etat ou d'un établissement public de l'Etat à caractère administratif ... 2° D'un organisme d'intérêt général, public ou privé ; 3° D'un organisme à caractère associatif qui assure une mission d'intérêt général" ; qu'aux termes de l'article 12 de ce même décret : "Le fonctionnaire mis à disposition demeure dans son corps d'origine et continue à percevoir la rémunération correspondant à l'emploi qu'il occupe. Le fonctionnaire mis à disposition dans les cas prévus aux 2° et 3° de l'article 1er ... ne peut percevoir aucun complément de rémunération. Toutefois, cette disposition ne fait pas obstacle à l'indemnisation des frais et sujétions auxquels il s'expose dans l'exercice de ses fonctions" ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le fonctionnaire mis à la disposition d'un établissement public administratif de l'Etat, qui continue à percevoir de son administration d'origine la rémunération correspondant à son emploi, peut, en outre, bénéficier d'un complément de rémunération versé par ledit établissement, sans préjudice de l'indemnisation des frais et sujétions liés à l'exercice de ses fonctions ;
Considérant qu'il résulte des dispositions rappelées ci-dessus que la seule circonstance que Mme de BOSSON ait perçu son traitement d'agent de l'Etat ne faisait pas obstacle à ce qu'elle reçût un complément de rémunération versé par l'établissement public administratif au sein duquel elle était mise à disposition, ledit complément pouvant être lié ou non à l'exercice effectif de ses fonctions au sein de l'Institut de France ; qu'il suit de là que la cour ne pouvait, sans entacher son arrêt d'une erreur de droit, estimer, d'une part, que les sommes versées à l'intéressée par l'Institut de France devaient être regardées comme un avantage lié à l'exercice effectif de ses fonctions au seul motif qu'elles étaient versées en sus de son traitement et, par suite, être exclues de l'évaluation du préjudice subi par Mme de BOSSON pendant la période où elle n'avait pas été placée dans une position statutaire régulière, et, d'autre part, que l'intéressée n'était pas fondée, pour cette même période, à demander réparation du préjudice résultant de l'absence de versement à des caisses de retraite de cotisations sur lesdites sommes ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler l'arrêt de la cour en tant qu'il a rejeté l'appel de Mme de BOSSON ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Sur les conclusions tendant à la réparation des préjudices nés, pendant la période où Mme de BOSSON n'a pas été placée dans une position statutaire régulière, de l'absence de versement du complément de rémunération et de paiement aux organismes de retraite des cotisations sur ledit complément :

Considérant qu'en mettant illégalement Mme de BOSSON, à l'issue de sa disponibilité, à la disposition d'une association du 1er septembre 1987 au 17 janvier 1993, l'Institut de France a privé l'intéressée du bénéfice du complément de rémunération auquel elle pouvait prétendre pendant cette période ; qu'il résulte de l'instruction que ce complément, dont le montant est fixe et qui est soumis à retenues pour pension, n'est pas destiné à indemniser des frais et sujétions et ne constitue pas une prime de rendement ; que, par suite, il doit être regardé non comme une indemnité liée à l'exercice effectif des fonctions mais comme un supplément de traitement ; qu'il suit de là que si Mme de BOSSON n'est pas fondée à demander réparation des préjudices dus à la perte du complément afférent à l'emploi qu'elle occupait au sein de l'Institut de France antérieurement à sa disponibilité dès lors qu'elle n'avait aucun droit à être réintégrée sur ledit emploi, elle est, en revanche, en droit d'obtenir réparation de l'ensemble des préjudices résultant de la perte d'un complément auquel elle pouvait prétendre pendant la période allant du 1er septembre 1987 au 17 janvier 1993 ; qu'il sera fait une exacte appréciation de l'indemnité à laquelle Mme de BOSSON peut prétendre en condamnant l'Institut de France à lui payer la somme de 500 000 F, y compris tous intérêts échus au jour de la présente décision ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que Mme de BOSSON, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à payer à l'Institut de France la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le recours incident de l'Institut de France et ses conclusions tendant à ce que Mme de BOSSON soit condamnée à lui verser la somme de 15 000 F au titre des frais non compris dans les dépens sont rejetés.
Article 2 : L'Institut de France est condamné à verser à Mme de BOSSON la somme de 500 000 F, tous intérêts compris au jour de la présente décision.
Article 3 : L'article 4 du jugement du 3 juin 1997 du tribunal administratif de Paris et l'article 1er de l'arrêt du 28 janvier 1999 de la cour administrative d'appel de Paris sont annulés en tant qu'ils ont rejeté les conclusions présentées par Mme de BOSSON tendant à la condamnation de l'Institut de France à lui verser la somme de 500 000 F.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par Mme de BOSSON ainsi que le surplus de ses conclusions présentées devant le tribunal administratif de Paris et la cour administrative d'appel de Paris sont rejetés.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Cécile de BOSSON, à l'Institut de France et au ministre de l'éducation nationale.


Synthèse
Formation : 4 / 6 ssr
Numéro d'arrêt : 206097
Date de la décision : 25/07/2001
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

36-05 FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - POSITIONS.


Références :

Code de justice administrative L821-2, L761-1
Décret 85-986 du 16 septembre 1985 art. 1


Publications
Proposition de citation : CE, 25 jui. 2001, n° 206097
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Struillou
Rapporteur public ?: Mme Roul

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2001:206097.20010725
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award