Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 15 novembre 2000, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le PREFET DE LA SEINE-MARITIME demande au Conseil d'Etat :
1° d'annuler le jugement du 13 octobre 2000 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 22 septembre 2000 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Mohamed Y... et la décision du même jour fixant le pays à destination duquel il doit être reconduit ;
2° de rejeter la demande présentée par M. Y... devant le tribunal administratif de Rouen ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Ménéménis, Maître des requêtes,
- les observations de Me Spinosi, avocat de M. Y...,
- les conclusions de M. Courtial, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Y..., de nationalité algérienne, qui est entré en France le 17 novembre 1999 et dont la demande d'asile territorial a été rejetée par décision du ministre de l'intérieur du 7 avril 2000, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 16 mai 2000, de l'arrêté du 5 mai 2000 par lequel le PREFET DE LA SEINE-MARITIME lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;
Considérant qu'à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, M. Y... a fait valoir que, si son mariage civil avec Mme X... a été célébré en France le 15 février 2000, le mariage religieux avait été prononcé en Algérie en 1989, qu'il exerce l'autorité morale d'un père vis-à-vis des cinq enfants, dont trois mineurs, de Mme X... et mène depuis son entrée en France une vie de famille harmonieuse, ainsi qu'en attestent de nombreux témoignages ; que ces circonstances ne permettent pas, eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, de faire regarder cet arrêté comme ayant porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que c'est, dès lors, à tort que, pour annuler l'arrêté attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Rouen s'est fondé sur ce qu'il méconnaissait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Y... devant le tribunal administratif de Rouen ;
Considérant que l'arrêté attaqué énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; qu'il est, par suite, suffisamment motivé ;
Considérant que l'arrêté de reconduite à la frontière pris par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME à l'encontre de M. Y... doit être regardé, dans les termes où il est rédigé, comme comportant une décision de renvoi de l'intéressé dans son pays d'origine ; que le requérant, qui soutient qu'en raison de son activité d'entrepreneur, il aurait reçu des menaces visant à lui extorquer des fonds, n'apporte toutefois aucun élément à l'appui de ses allégations relatives aux risques que comporterait pour lui son retour dans son pays d'origine ; que le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut, dès lors, être accueilli ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME est fondé à demander l'annulation du jugement du 13 octobre 2000 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 22 septembre 2000 ordonnant la reconduite à la frontière de M.Yousfi ;
Sur les conclusions présentées par M. Y... devant le tribunal administratif tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à M. Y... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du 13 octobre 2000 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Rouen par M. Y... est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA SEINE-MARITIME, à M. Mohamed Y... et au ministre de l'intérieur.