Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 décembre 1998 et 22 avril 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SA X... FRANCE, dont le siège est ... à Cergy-Saint-Christophe (95000 Cergy-Pontoise) ; la SA X... FRANCE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 26 octobre 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement du 1er juillet 1996 du tribunal administratif de Marseille rejetant sa demande en réduction de la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre des années 1991 à 1993 à raison de ses établissements de Fos-sur-Mer et de Martigues ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 15 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Vallée, Auditeur,
- les observations de Me Blanc, avocat de la SA X... FRANCE,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SA X... France a été assujettie à la taxe foncière sur les propriétés bâties au titre des années 1991 à 1993 à raison des établissements industriels dont elle est propriétaire à Fos-sur-Mer et à Martigues ; qu'elle a demandé la réduction des cotisations de taxe foncière mises à sa charge au titre de ces années au motif que la majoration d'un tiers de la valeur locative prévue par les dispositions du III de l'article 1518 du code général des impôts avait été appliquée à tort à la valeur locative des réservoirs d'hydrocarbures et des voies ferrées desdits établissements ; que la SA X... FRANCE se pourvoit contre l'arrêt du 26 octobre 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a confirmé le jugement du 1er juillet 1996 du tribunal administratif de Marseille rejetant ladite demande en réduction de la taxe foncière sur les propriétés bâties ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens du pourvoi ;
Considérant qu'en jugeant que l'administration avait pu, à bon droit, appliquer aux réservoirs d'hydrocarbure et aux voies ferrées dont s'agit la majoration prévue au III de l'article 1518 du code général des impôts, sans répondre au moyen tiré de ce que la société pouvait se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'interprétation contraire de la loi fiscale contenue dans la documentation administrative de base 6 C et dans l'instruction de la direction générale des impôts en date du 21 juin 1971, lequel moyen n'était pas inopérant et avait été soulevé dans un mémoire enregistré avant la clôture de l'instruction, la cour a entaché son arrêt d'une omission de statuer ; que l'arrêt attaqué doit, dès lors, être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1380 du code général des impôts : "La taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés bâties sises en France à l'exception de celles qui en sont expressément exonérées par les dispositions du présent code" ; qu'aux termes de l'article 1381 du même code : "Sont également soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties : 1° - Les installations destinées (à) à stocker des produits (à) ; 2° - Les ouvrages d'art et les voies de communication ; (à) ; 4°- Les sols des bâtiments de toute nature et les terrains formant une dépendance indispensable et immédiate de ces constructions (à) ; 5° - Les terrains non cultivés employés à un usage commercial ou industriel, tels que chantiers, lieux de dépôt de marchandises et autres emplacements de même nature, soit que le propriétaire les occupe, soit qu'il les fasse occuper par d'autres à titre gratuit ou onéreux" ; qu'aux termes du III de l'article 1518 du même code : "L'incorporation dans les rôles d'impôts directs locaux, autres que la taxe professionnelle, des résultats de la première actualisation des valeurs locatives foncières est fixée au 1er janvier 1980. La date de référence est fixée au 1er janvier 1978. Pour cette première actualisation : - les valeurs locatives des sols, terrains et bâtiments industriels évaluées à partir du prix de revient conformément aux articles 1499, 1499 A et 1501, sont majorées d'un tiers" ; qu'enfin, aux termes de l'article 1499 du même code, relatif aux établissements industriels : "La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments, revalorisé à l'aide des coefficients (Ann. III, art. 21) qui avaient été prévus pour la révision des bilans, des taux d'intérêt fixés par décret en Conseil d'Etat" ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi n° 79-15 du 3 janvier 1979, que le législateur a entendu appliquer la majoration d'un tiers prévue au III de l'article 1518 aux valeurs locatives de l'ensemble des biens considérés comme immeubles qui sont assujettis à la taxe foncière et utilisés pour l'exploitation industrielle ; que les réservoirs d'hydrocarbures et les voies ferrées dont la SA X... FRANCE est propriétaire à Fos-sur-Mer et à Martigues, sont des immobilisations industrielles soumises à la taxe foncière sur les propriétés bâties ; que, par suite, la SA X... FRANCE n'est pas fondée à soutenir, sur le terrain de la loi fiscale, que ces biens ne devaient pas être soumis à la majoration d'un tiers prévue par les dispositions précitées du III de l'article 1518 du code général des impôts ;
Considérant que la documentation administrative de base 6 C 111 et 6 C 112 se borne à commenter les dispositions des articles 1380 et 1381 du code général des impôts et ne contient pas d'interprétation formelle de celles du III de l'article 1518 du même code ; que, par suite, la SA X... FRANCE n'est pas fondée à s'en prévaloir sur le terrain de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; qu'elle n'est en tout état de cause pas davantage fondée à se prévaloir de l'instruction du 21 juin 1971 qui est antérieure à la disposition législative dont s'agit ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA X... FRANCE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande en réduction des impositions contestées ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à la SA X... FRANCE la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille en date du 26 octobre 1998 est annulé.
Article 2 : La requête de la SA X... FRANCE devant la cour administrative d'appel de Marseille et le surplus des conclusions de la SA X... FRANCE devant le Conseil d'Etat sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SA X... FRANCE et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.