Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 octobre 1998 et 16 février 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Marie-Antoinette X..., demeurant H.L.M. Missiesy, Bât. A4 à Toulon (83000) ; Mme X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler sans renvoi l'arrêt du 2 juillet 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa demande tendant 1° à l'annulation du jugement du 21 décembre 1995 du tribunal administratif de Nice rejetant sa demande tendant à la condamnation de la commune de Toulon à lui verser la somme de 69 000 F au titre du préjudice subi par elle à la suite d'une chute accidentelle sur un trottoir de la commune et 2° à la condamnation de cette commune à lui verser ladite somme, augmentée des intérêts de droit à compter du 30 décembre 1991, eux-mêmes capitalisés à compter du 12 juin 1996 ;
2°) de condamner la commune de Toulon à lui verser la somme de 10 000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale, notamment son article L. 376-1 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Logak, Auditeur,
- les observations Me Blanc, avocat de Mme X... et de la SCP Defrenois, Levis, avocat de la commune de Toulon,
- les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant que, pour rejeter la requête de Mme X..., l'arrêt attaqué s'est fondé sur le fait que cette dernière n'avait pas établi que la défectuosité existant le 8 avril 1988 sur le trottoir du boulevard de Strasbourg à Toulon, à hauteur du numéro 56, était d'une ampleur telle qu'elle était constitutive d'un défaut d'entretien normal de la voie publique ; qu'il appartenait à la commune, et non à Mme X..., d'apporter la preuve de l'entretien normal ; que la cour a ainsi entaché sa décision d'une erreur de droit ; que, dès lors, Mme X... est fondée à demander l'annulation de l'arrêt en date du 2 juillet 1998 de la cour administrative d'appel de Marseille ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : "S'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, le Conseil d'Etat peut ( ...) régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme X... est tombée le 8 avril 1988 en raison d'une défectuosité du trottoir du boulevard de Strasbourg à Toulon ; que la commune n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de l'entretien normal de l'ouvrage public ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'accident soit dû à une faute de la victime ; qu'ainsi la responsabilité de la commune de Toulon est engagée à l'égard de Mme X..., victime d'un défaut d'entretien de l'ouvrage public ;
Sur le préjudice :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les frais médicaux et pharmaceutiques exposés en conséquence de l'accident s'élèvent à 30 068,35 F ; que le préjudice subi par Mme X... du fait d'une incapacité partielle permanente de 6 % se monte à 30 000 F ; qu'ainsi le préjudice corporel doit être évalué à la somme globale de 60 068,35 F ;
Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice subi au titre des souffrances physiques et du préjudice esthétique en les chiffrant respectivement à 20 000 F et à 3 000 F ;
Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie du Var peut prétendre, en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale au remboursement de la somme de 30 068,35 F dont elle a justifié le versement ; que, dès lors, il y a lieu de condamner la ville de Toulon à verser à ladite caisse cette somme et de verser à Y... GARCIA la somme de 53 000 F ;
Sur les intérêts :
Considérant que Mme X... a droit aux intérêts de la somme de 53 000 F à compter de l'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif de Nice le 30 décembre 1991 ;
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée par Y... GARCIA le 12 juin 1996 ; qu'à cette date il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie du Var a droit aux intérêts de la somme de 30 068,35 F à compter de l'enregistrement de son intervention dans la procédure devant le tribunal administratif de Nice le 17 mars 1992 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X... est fondée à demander l'annulation du jugement du 21 décembre 1995 par lequel le tribunal administratif de Nice a écarté la responsabilité de la commune et a, par suite, rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant au remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la commune de Toulon à verser à Y... GARCIA la somme de 19 648 F qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la commune de Toulon à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Var la somme de 2 500 F qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Y... GARCIA qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à la commune de Toulon la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille en date du 2 juillet 1998 est annulé.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 21 décembre 1995 est annulé.
Article 3 : La commune de Toulon est condamnée à verser à Y... GARCIA la somme de 53 000 F. Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 30 décembre 1991. Les intérêts échus le 12 juin 1996 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 : Le surplus de la demande de Mme X... devant le tribunal administratif de Nice est rejeté.
Article 5 : La commune de Toulon est condamnée à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Var la somme de 30 068,35 F. Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 17 mars 1992.
Article 6 : La commune de Toulon versera à Y... GARCIA la somme de 19 648 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 7 : La commune de Toulon versera à la caisse primaire d'assurance maladie du Var la somme de 2 500 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 8 : Les conclusions de la commune de Toulon tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 9 : La présente décision sera notifiée à Mme Marie-Antoinette X..., à la caisse primaire d'assurance maladie du Var, à la commune de Toulon et au ministre de l'intérieur.