Vu la requête, enregistrée le 7 octobre 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Cémil X..., demeurant chez Mme Nevin X..., ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 27 mai 1999 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 9 octobre 1998 par lequel le préfet de police a ordonné sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Vallée, Auditeur,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...) " ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., de nationalité turque, qui a fait l'objet le 7 mai 1998 d'un refus de délivrance de titre de séjour qui lui a été notifié le 29 mai suivant, s'est maintenu sur le territoire français au-delà du 30 juin 1998 et entrait donc, lorsqu'a été pris l'arrêté attaqué de reconduite à la frontière du 9 octobre 1998, dans le champ d'application des dispositions précitées ;
Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : ... 3° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ..." ;
Considérant qu'aux termes de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée : "Ne peuvent faire l'objet d'un arrêté d'expulsion, en application de l'article 23 : ... 3° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans ... Les étrangers mentionnés aux 1° à 6° ... ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière en application de l'article 22 de la présente ordonnance ..." ;
Considérant qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, qu'il s'agisse d'un arrêté d'expulsion pris selon la procédure normale ou d'un arrêté de reconduite à la frontière, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;
Considérant toutefois qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, M. X... ne justifiait pas résider habituellement en France depuis plus de dix ans ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police ne pouvait légalement prendre à son encontre l'arrêté attaqué sans méconnaître les dispositions du 3° de l'article 12 bis de l'ordonnance précitée ne peut qu'être écarté ;
Considérant que si M. X... a fait valoir qu'il est intégré à la société française, cette circonstance n'est pas de nature à faire regarder l'arrêté attaqué comme entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Considérant que si M. X..., né le 1er juillet 1959 en Turquie, fait valoir qu'il a perdu ses parents, il ne soutient pas être dépourvu de toute attache dans son pays d'origine ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'il est célibataire et sans enfant ; que, dans les circonstances de l'espèce et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du préfet de police en date du 9 octobre 1998 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a donc pas méconnu les stipulations susmentionnées de l'article 8 de la conventioneuropéenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 9 octobre 1998 par lequel le préfet de police a ordonné sa reconduite à la frontière ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Cémil X..., au préfet de police et au ministre de l'intérieur.