Vu le recours enregistré le 14 décembre 1998, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, qui demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 13 octobre 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, annulant le jugement du 5 octobre 1995 du tribunal administratif de Paris, a accordé à M. René X... la réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1987 et 1988 et l'a condamné à verser à M. X... la somme de 8 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Piveteau, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Le Prado, avocat de M. X...,
- les conclusions de Mme Mignon, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 82 du code général des impôts : "Pour la détermination des bases d'imposition, il est tenu compte du montant net des traitements, indemnités et émoluments, salaires, pensions et rentes viagères, ainsi que de tous les avantages en argent ou en nature accordés aux intéressés" et qu'aux termes de l'article 83 : "Le montant du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés 1°) les cotisations de sécurité sociale ... 2°) Les cotisations ou les primes versées aux organismes de retraite et de prévoyance complémentaires auxquels le salarié est affilié à titre obligatoire ... Lorsque le total des versements du salarié et de l'employeur tant aux caisses de sécurité sociale au titre de l'assurance vieillesse qu'aux organismes de retraite et de prévoyance complémentaire excède 19 % d'une somme égale à huit fois le plafond annuel moyen retenu pour le calcul des cotisations de sécurité sociale ou lorsque, à l'intérieur de cette limite, les versements aux seuls organismes de prévoyance dépassent 3 % de la même somme, l'excédent est ajouté à la rémunération ..." ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les cotisations ou les primes versées par l'employeur en exécution d'un contrat groupe de retraite et de prévoyance complémentaires, pour autant que les clauses dudit contrat soient conformes à cet objet et stipulent l'affiliation obligatoire des salariés du groupe concerné, ne sont pas au nombre des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés auxdits salariés, dès lors qu'elles ne sont pas versées entre les mains des bénéficiaires du contrat et ne consistent pas dans la mise à disposition des salariés, pendant l'exécution du contrat de travail, d'un bien ou d'un service ; qu'elles ne peuvent par suite être comprises dans les revenus imposables au nom de ceux-ci dans la catégorie des traitements et salaires sous réserve des dispositions susrappelées de l'article 83-2° deuxième alinéa qui prévoient que lorsque le total des versements du salarié et de l'employeur ou que les versements aux seuls organismes de prévoyance dépassent des plafonds indiqués, "l'excédent" est ajouté à la rémunération du salarié ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue d'un examen de situation fiscale personnelle, consécutif à une vérification de comptabilité conduite par l'administration fiscale auprès de la SARL René
X...
, M. X... a été assujetti à des suppléments d'impôt sur le revenu à raison de cotisations que la société René X... avait versées à la société d'assurances "Suisse", en application d'un contrat de retraite complémentaire souscrit au bénéfice de certaines catégories de son personnel ; que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie se pourvoit régulièrement en cassation contre l'arrêt du 13 octobre 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, annulant le jugement du 5 octobre 1995 du tribunal administratif de Paris, a accordé à M. X... la décharge des suppléments à l'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1987 et 1988 à raison de la réintégration dans l'assiette de son revenu imposable des cotisations versées par la société René X... d'un montant respectif de 70 028 F et 80 126 F ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, si le contrat collectif souscrit interdisait aux assurés de retirer de leur vivant quelque capital que ce soit, la formule de garantie choisie par la société René X... ouvrait par ailleurs aux bénéficiaires désignés par les assurés le droit au remboursement du montant atteint par le compte individuel de ces derniers dans le cas où l'assuré décéderait avant son départ à la retraite ; que cette formule de garantie avait pour objet principal la fourniture à certaines catégories de personnels de la sociétéRené X... affiliés obligatoirement d'une couverture retraite complémentaire et pour objet accessoire la fourniture à titre de prévoyance de la couverture du risque décès du bénéficiaire ; qu'elle revêtait ainsi le caractère d'une couverture complémentaire de retraite et de prévoyance au sens des dispositions précitées de l'article 83-2° du code général des impôts, nonobstant la présence d'une clause de prévoyance qui, couvrant le risque décès, comportait à ce titre un versement en capital ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, alors qu'il n'est par ailleurs ni établi ni même allégué que les plafonds fixés par le deuxième alinéa de l'article 83-2° du code général des impôts auraient été dépassés, que les cotisations versées par la société ne pouvaient être comprises dans l'assiette, catégorie des traitements et salaires, de l'impôt sur le revenu de M. X... ; que ce motif doit être substitué au motif retenu par la cour administrative d'appel de Paris dont il justifie le dispositif ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner l'Etat à payer à M. X... la somme de 15 000 F qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à M. X... la somme de 15 000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à M. René X....