Vu le recours enregistré le 27 juillet 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 25 mai 1999 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté ses demandes tendant à l'annulation :
1°) du jugement du 16 juin 1995 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a accordé à la SA Centrale nucléaire européenne à neutrons rapides (NERSA) la décharge pour les années 1988 et 1991 à 1994, et la réduction pour l'année 1990, de la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie dans les rôles de la commune de Creys-Pusignieu devenue Creys-Mepieu (Isère) ;
2°) du jugement du 16 juin 1995 par lequel le même tribunal a accordé à ladite société la décharge pour les années 1988, 1991, 1992 et 1993, et la réduction pour les années 1987 et 1990, de la taxe professionnelle mise à sa charge dans les rôles de la même commune ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 modifié notamment par le décret n° 88-905 du 2 septembre 1988 et par le décret n° 97-1127 du 24 décembre 1997 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Vallée, Auditeur,
- les observations de la SCP Coutard, Mayer, avocat de la SA Centrale nucléaire européenne à neutrons rapides (NERSA),
- les conclusions de Mme Mignon, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'exploitation de la centrale nucléaire dite "Superphénix" située à Creys-Malville a été confiée par un décret du 13 mai 1974 à la SA Centrale nucléaire européenne à neutrons rapides (NERSA) ; qu'à la suite de la découverte d'une fuite de sodium du barillet d'alimentation des éléments combustibles, le fonctionnement du réacteur a été interrompu fin mai 1987 ; que si le surgénérateur a été remis en fonction en 1989 après des modifications techniques, il a subi de nouvelles interruptions en 1989 et 1990 ; qu'en juillet 1990, un nouvel incident a conduit à l'arrêt quasi complet de la centrale jusqu'en 1995 ; que pendant toutes ces périodes d'arrêt du réacteur nucléaire, la production d'électricité par l'installation a été entièrement interrompue ; que l'administration fiscale, sans contester que l'arrêt du réacteur était indépendant de la volonté du contribuable, a cependant refusé de faire droit à la demande de la SA Centrale nucléaire européenne à neutrons rapides (NERSA) tendant à ce que lui soit accordée, en raison de cette suspension d'activité et de cette inexploitation, soit le dégrèvement total, soit le dégrèvement prorata temporis, d'une part, de la taxe foncière sur les propriétés bâties en application des dispositions de l'article 1389-I du code général des impôts, d'autre part, de la taxe professionnelle en application des articles 1478-I du même code et 310 HT de l'annexe II au même code ;
Considérant que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE se pourvoit contre l'arrêt du 25 mai 1999 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de deux jugements du 16 juin 1995 par lesquels le tribunal administratif de Grenoble a accordé à la SA Centrale nucléaire européenne à neutrons rapides (NERSA) la décharge, d'une part, pour les années 1988 et 1991 à 1994, et la réduction pour l'année 1990, de la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie dans les rôles de la commune de Creys-Pusignieu devenue Creys-Mepieu et, d'autre part, la décharge pour les années 1988, 1991, 1992 et 1993, et la réduction pour les années 1987 et 1990, de la taxe professionnelle mise à sa charge dans les rôles de la même commune ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1478 du code général des impôts : "I- La taxe professionnelle est due pour l'année entière par le redevable qui exerce l'activité le 1er janvier. Toutefois, le contribuable qui cesse toute activité dans un établissement n'est pas redevable de la taxe pour les mois restant à courir, sauf en cas de cession de l'activité exercée dans l'établissement ... III - Pour les établissements produisant de l'énergie électrique, la taxe professionnelle est due à compter du raccordement au réseau. Ces établissements sont imposés, au titre de l'année du raccordement au réseau, d'après les salaires et la valeur locative de cette année ; la valeur locative est corrigée en fonction de la période d'activité ..." ; qu'aux termes de l'article 310 HT de l'annexe II au même code : "Lorsqu'un contribuable suspend son activité dans un établissement pendant au moins douze mois consécutifs, l'opération constitue, au regard de l'article 1478 du code général des impôts, une cessation d'activité suivie d'une création d'établissement" ;
Considérant qu'après avoir relevé, d'une part, que le réacteur à neutrons rapides de Creys-Malville était une installation destinée à une production industrielle d'électricité et non à une production expérimentale, d'autre part, que le maintien des personnels sur le site, pendant les arrêts du réacteur, était justifié par la circonstance qu'il s'agissait d'une installation complexe nécessitant des dispositifs de sécurité spécifiques et requérant des procédés de maintenance très techniques, et enfin que la mise à l'étude des améliorations et des adaptations à apporter aux opérations d'exploitation afin de permettre la remise en fonction du réacteur ne correspondait pas au développement d'une nouvelle activité de recherche appliquée, la cour administrative d'appel de Lyon a donné aux faits qu'elle a ainsi souverainement appréciés, sans les dénaturer, une qualification juridique exacte et qui ne méconnaît pas le champ d'application de l'article 1447 du code général des impôts, en jugeant que la seule activité exercée sur le site de Superphénix était la production industrielle d'électricité et que l'interruption de cette production, consécutive à l'arrêt du réacteur, devait être regardée comme une suspension d'activité au sens des dispositions précitées de l'article 310 HT de l'annexe II au même code, ouvrant droit à décharge ou réduction de la taxe professionnelle en application des dispositions précitées de l'article 1478 du même code ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 1389 du code général des impôts : "I- Les contribuables peuvent obtenir le dégrèvement de la taxe foncière en cas de vacance d'une maison normalement destinée à la location ou d'inexploitation d'un immeuble utilisé par le contribuable lui-même à usage commercial ou industriel, à partir du premier jour du mois suivant celui du début de la vacance ou de l'inexploitation, jusqu'au dernier jour du mois au cours duquel la vacance ou l'inexploitation a pris fin. Le dégrèvement est subordonné à la triple condition que la vacance ou l'inexploitation soit indépendante de la volonté du contribuable, qu'elle ait une durée de trois mois au moins et qu'elle affecte soit la totalité de l'immeuble, soit une partie susceptible de location ou d'exploitation séparée ..." ;
Considérant que la cour n'a pas commis d'erreur de droit en déduisant de la qualification qu'elle avait exactement donnée à l'activité de "Superphénix" que l'arrêt du fonctionnement du réacteur et, par suite, de la production d'électricité par l'installation devait, dans les circonstances de l'espèce, être regardé comme ayant entraîné l'inexploitation intégrale de l'immeuble au sens de l'article 1389 précité ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE doit être rejeté ;
Sur les conclusions de la SA Centrale nucléaire européenne à neutrons rapides (NERSA) tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à la SA Centrale nucléaire européenne à neutrons rapides (NERSA) la somme de 20 000 F qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à la SA Centrale nucléaire européenne à neutrons rapides (NERSA) la somme de 20 000 F en application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SA Centrale nucléaire européenne à neutrons rapides (NERSA) et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.