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29/11/2000 | FRANCE | N°197319

France | France, Conseil d'État, 8 / 3 ssr, 29 novembre 2000, 197319


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 17 juin et 19 octobre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la S.A. FRAPPAZ dont le siège est 15, Porte du Grand Lyon à Neyron (01707) ; la S.A. FRAPPAZ demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt en date du 15 avril 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a, d'une part, annulé l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 23 octobre 1996 et, d'autre part, rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 juillet 1994 pa

r laquelle le ministre du budget a rejeté sa demande d'agrément e...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 17 juin et 19 octobre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la S.A. FRAPPAZ dont le siège est 15, Porte du Grand Lyon à Neyron (01707) ; la S.A. FRAPPAZ demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt en date du 15 avril 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a, d'une part, annulé l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 23 octobre 1996 et, d'autre part, rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 juillet 1994 par laquelle le ministre du budget a rejeté sa demande d'agrément en vue d'obtenir le transfert, à son bénéfice, des créances nées du report en arrière des déficits des sociétés Frappaz Matériel et Frappaz Chimie ;
2°) d'annuler ladite décision ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 12 000 F au titre de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la directive n° 78-855 CEE du 9 octobre 1978 du conseil des communautés européennes et la directive n° 90-434 CEE du 23 juillet 1990 du conseil des communautés européennes ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Piveteau, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Nicolay, de Lanouvelle, avocat de la S.A. FRAPPAZ,
- les conclusions de Mme Mignon, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 220 quinquies du code général des impôts dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision litigieuse : "I. ( ...) le déficit constaté au titre d'un exercice ouvert à compter du 1er janvier 1984 par une entreprise soumise à l'impôt sur les sociétés peut, sur option, être considéré comme une charge déductible du bénéfice de l'antépénultième exercice et, le cas échéant, de celui de l'avant-dernier exercice puis de celui de l'exercice précédent, dans la limite de la fraction non distribuée de ces bénéfices ( ...). L'excédent d'impôt sur les sociétés résultant de l'application du premier alinéa fait naître au profit de l'entreprise une créance égale au produit du déficit imputé dans les conditions prévues au même alinéa par le taux de l'impôt sur les sociétés applicable à l'exercice déficitaire. La constatation de cette créance, qui n'est pas imposable, améliore les résultats de l'entreprise et contribue au renforcement des fonds propres. La créance est remboursée au terme des cinq années suivant celle de la clôture de l'exercice au titre duquel l'option visée au premier alinéa a été exercée. Toutefois, l'entreprise peut utiliser la créance pour le paiement de l'impôt sur les sociétés dû au titre des exercices clos au cours de ces cinq années. Dans ce cas, la créance n'est remboursée qu'à hauteur de la fraction qui n'a pas été utilisée dans ces conditions. La créance est inaliénable et incessible, sauf dans les conditions prévues par la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981 modifiée par la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 modifiée, ou dans des conditions fixées par décret. -II- L'option visée au I ne peut pas être exercée au titre d'un exercice au cours duquel intervient une cession ou une cessation totale d'entreprise, une fusion de sociétés ou une opération assimilée, ou un jugement prononçant la liquidation des biens ou la liquidation judiciaire de la société. En cas de fusion ou opération assimilée intervenant au cours des cinq années suivant celle de la clôture de l'exercice au titre duquel l'option visée au I a été exercée, le transfert de tout ou partie de la créance de la société apporteuse ou absorbée à la société bénéficiant de l'apport ou absorbante, peut être autorisé sur agrément délivré dans les conditions prévues à l'article 1649 nonies." ;
Considérant qu'il résulte des dispositions du II de l'article précité, éclairées par les travaux préparatoires des lois dont il est issu, que le législateur, en s'abstenant de fixer expressément des conditions à l'obtention de l'agrément, a entendu donner au ministre le pouvoir d'apprécier si les opérations de fusion et opérations assimilées prévues par ces dispositions justifient, compte tenu de l'objectif poursuivi par le législateur, l'octroi de l'avantage fiscal qu'elles comportent ; que cette appréciation implique nécessairement l'examen de la situation de chacune des sociétés parties à l'opération ;

Considérant que la S.A. FRAPPAZ s'est vu refuser l'agrément qu'elle sollicitait en vue du transfert, à son profit, des créances détenues en application de l'article 220 quinquies précité par deux autres sociétés, appartenant au même groupe, qu'elle projetait d'absorber ; qu'il résulte de ce qui précède que la cour administrative d'appel de Lyon ne pouvait se fonder, pour censurer le jugement annulant le refus d'agrément, sur ce que le ministre, pour apprécier l'intérêt du transfert demandé des créances de report en arrière détenues par les sociétés absorbées n'avait pas à prendre en considération la situation de la S.A. FRAPPAZ en raison de ce qu'elle était la société absorbante ; qu'ainsi l'arrêt déféré est entaché d'erreur de droit et doit être annulé ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Sur les conclusions du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie dirigées contre l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 23 octobre 1996 :
Considérant que, comme le soutient d'ailleurs le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, les pouvoirs que lui confèrent les dispositions précitées du II de l'article 220 quinquies du code général des impôts lui permettent, eu égard à l'objectif poursuivi par le législateur, de prendre en considération, pour l'octroi de l'avantage fiscal qu'elles prévoient, le maintien de l'emploi ou la modernisation ou la rénovation de l'outil de production auxquels les opérations de fusion, ou assimilées, concourent éventuellement ; qu'il ressort des pièces du dossier que la S.A. FRAPPAZ, dont la situation nette s'était gravement détériorée, a entendu opérer une fusion avec les sociétés Frappaz Matériel et Frappaz Chimie, détentrices de créances acquises en application des dispositions précitées de l'article 220 quinquies du code général des impôts pour un montant de 1 559 886 F, en vue de renforcer ses fonds propres et d'assurer ainsi la survie de l'entreprise et le maintien de ses emplois ; qu'ainsi, eu égard aux conditions dans lesquelles la S.A. FRAPPAZ a sollicité l'agrément litigieux, l'autorité administrative ne pouvait, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, refuser cet agrément au motif que l'opération projetée s'analysait essentiellement comme une réorganisation financière et une simplification de structure ; qu'il suit de là que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er de son jugement du 23 octobre 1996, le tribunal administratif de Lyon a annulé le refus d'agrément opposé le 13 juillet 1994 à la S.A. FRAPPAZ ;
Sur la demande de la S.A. FRAPPAZ tendant, en application de l'article L. 8-4 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, à ce que soit assurée l'exécution de l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Lyon du 23 octobre 1996 :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 8-4 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt définitif, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. En cas d'inexécution d'un jugement frappé d'appel, la demande d'exécution est adressée à la juridiction d'appel. Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution ( ...)" ;
Considérant que si l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Lyon qui annule le refus d'agrément opposé à la S.A. FRAPPAZ a pour effet de saisir à nouveau le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de la demande de cette société tendant à bénéficier de l'avantage fiscal prévu par le II de l'article 220 quinquies du code général des impôts, son exécutionn'implique pas nécessairement que le ministre délivre à la S.A. FRAPPAZ l'agrément qu'elle demande ; qu'il y a lieu, toutefois, d'enjoindre au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de se prononcer sur la demande de la S.A. FRAPPAZ dans un délai qui ne pourra excéder trois mois à compter de la notification de la présente décision ;
Sur les conclusions de la S.A. FRAPPAZ tendant à l'application des dispositions des articles 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à la S.A. FRAPPAZ une somme de 20 000 F au titre des frais exposés par elle en instance d'appel et de cassation et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon en date du 15 avril 1998 est annulé.
Article 2 : Le recours présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie devant la cour administrative d'appel de Lyon est rejeté.
Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de se prononcer dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision sur la demande présentée par la S.A. FRAPPAZ tendant à bénéficier, dans le cadre de sa fusion avec les sociétés Frappaz Matériel et Frappaz Chimie, de l'agrément prévu au II de l'article 220 quinquies du code général des impôts.
Article 4 : L'Etat versera à la S.A. FRAPPAZ une somme de 20 000 F au titre des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 5 : Le surplus des conclusions des requêtes de la S.A. FRAPPAZ est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la S.A. FRAPPAZ et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 8 / 3 ssr
Numéro d'arrêt : 197319
Date de la décision : 29/11/2000
Sens de l'arrêt : Annulation rejet injonction
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - QUESTIONS COMMUNES - POUVOIRS DU JUGE FISCAL - RECOURS POUR EXCES DE POUVOIR - REFUS D'AGREMENT - CATransfert en cas de fusion ou opération assimilée de la créance née du report en arrière de déficits (II de l'article 220 quinquies CGI) - a) Critère - Existence - Situation de la société absorbante - b) Contrôle du juge - Contrôle restreint - c) Refus fondé sur ce que l'opération de fusion s'analysait essentiellement comme une réorganisation financière et une simplification de structure - Erreur manifeste d'appréciation - Existence en l'espèce.

19-02-01-02-01-02 Société requérante s'étant vu refuser l'agrément qu'elle sollicitait en vue du transfert, à son profit, des créances détenues en application de l'article 220 quinquies du code général des impôts par deux autres sociétés, appartenant au même groupe, qu'elle projetait d'absorber.

19-02-01-02-01-02 a) Il résulte des dispositions du II de l'article 220 quinquies du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée, éclairées par les travaux préparatoires des lois dont il est issu, que le législateur, en s'abstenant de fixer expressément des conditions à l'obtention de l'agrément, a entendu donner au ministre le pouvoir d'apprécier si les opérations de fusion et opérations assimilées prévues par ces dispositions justifient, compte tenu de l'objectif poursuivi par le législateur, l'octroi de l'avantage fiscal qu'elles comportent. Cette appréciation implique nécessairement l'examen de la situation de chacune des sociétés parties à l'opération. Il résulte de ce qui précède que la cour ne pouvait se fonder, pour censurer le jugement annulant le refus d'agrément, sur ce que le ministre, pour apprécier l'intérêt du transfert demandé des créances de report en arrière détenues par les sociétés absorbées, n'avait pas à prendre en considération la situation de la société requérante en raison de ce qu'elle était la société absorbante.

19-02-01-02-01-02 b) Le juge exerce un contrôle restreint sur la légalité de la décision par laquelle le ministre refuse à une société l'agrément prévu au II de l'article 220 quinquies du code général des impôts en vue du transfert des créances détenues par des sociétés absorbées par la voie d'une fusion ou d'une opération assimilée.

19-02-01-02-01-02 c) Les pouvoirs que confèrent au ministre de l'économie et des finances les dispositions du II de l'article 220 quinquies du code général des impôts lui permettent, eu égard à l'objectif poursuivi par le législateur, de prendre en considération, pour l'octroi de l'avantage fiscal qu'elles prévoient, le maintien de l'emploi ou la modernisation ou la rénovation de l'outil de production auxquels les opérations de fusion, ou assimilées, concourent éventuellement. La société requérante, dont la situation nette s'était gravement détériorée, a entendu opérer une fusion avec deux sociétés, détentrices de créances acquises en application des dispositions de l'article 220 quinquies du code général des impôts, en vue de renforcer ses fonds propres et d'assurer ainsi la survie de l'entreprise et le maintien de ses emplois. Ainsi, eu égard aux conditions dans lesquelles elle a sollicité l'agrément litigieux, l'autorité administrative ne pouvait, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, lui refuser cet agrément au motif que l'opération projetée s'analysait essentiellement comme une réorganisation financière et une simplification de structure.


Références :

CGI 220 quinquies
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-4
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 29 nov. 2000, n° 197319
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Fouquet
Rapporteur ?: M. Piveteau
Rapporteur public ?: Mme Mignon
Avocat(s) : SCP Nicolay, de Lanouvelle, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2000:197319.20001129
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