Vu le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 9 août 1999 ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt en date du 10 juin 1999 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son recours tendant d'une part à l'annulation du jugement en date du 16 avril 1996 par lequel le tribunal administratif de Paris, après avoir jugé n'y avoir pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande de M. Dieter X... à concurrence de la somme de 1 093 230 F en ce qui concerne la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu relative à l'année 1987, a déchargé l'intéressé des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1986 et 1987, d'autre part à la remise de ces compléments d'impôt sur le revenu à la charge de M. X... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 modifié par le décret n° 97-1177 du 24 décembre 1997 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Stefanini, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Parmentier, Didier, avocat de M. Dieter X...,
- les conclusions de M. Austry, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée DGT Services, créée le 20 juin 1986 par M. X... a acquis des parts de différentes sociétés en nom collectif les 11 juillet 1986, 2 mars 1987 et 29 décembre 1987, qu'elle a revendues le 27 juillet 1988 ; qu'après être devenue bénéficiaire, le 30 décembre 1987, d'une promesse de vente d'un bien immobilier situé à Paris, elle a cédé le 20 janvier 1988 les droits qu'elle détenait en vertu de cet acte ; que les déficits constatés par l'entreprise provenant des résultats constatés par les sociétés en nom collectif à vocation immobilière susmentionnées ayant été présentés comme des déficits commerciaux résultant d'une activité de marchand de biens de l'entreprise, M. X... a imputé l'intégralité de ces déficits sur son revenu global ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de l'entreprise, l'administration a remis en cause la nature des déficits réalisés par l'entreprise au titre des sociétés en nom collectif et les a qualifiés de déficits fonciers non imputables sur le revenu global de l'intéressé ; qu'en conséquence, M. X... a été assujetti à des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu, d'un montant de 237 335 F, pénalités comprises, au titre de l'année 1986 et de 5 783 189 F, pénalités comprises, au titre de l'année 1987, dont il a été déchargé par le tribunal administratif de Paris par jugement du 16 avril 1996 confirmé par la cour administrative d'appel de Paris dans son arrêt du 10 juin 1999 qui fait l'objet du pourvoi du ministre ;
Considérant que si la cour administrative d'appel a relevé que l'activité de marchand de biens figure dans l'objet social de l'entreprise DGT Services, elle n'a pas répondu au moyen tiré, par le ministre appelant, de ce que l'inscription au registre spécial du greffe du tribunal de commerce de Paris de la modification statutaire concernant cette extension de l'objet social n'étant intervenue qu'à la date du 2 mai 1988, l'extension ne pouvait être regardée comme certaine à la date à laquelle l'entreprise requérante avait acquis les parts de sociétés susévoquées ; que, dès lors, l'arrêt attaqué est insuffisamment motivé ; que, par suite, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à en demander l'annulation ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 du code général des impôts : "Sous réserve des dispositions de l'article 6, les associés des sociétés en nom collectif ( ...) sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. Il en est de même, sous les mêmes conditions : ( ...) 4° De l'associé unique d'une société à responsabilité limitée lorsque cet associé est une personne physique" et qu'aux termes du I de l'article 35 du code général des impôts : "Présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnesphysiques désignées ci-après : 1° Personnes qui, habituellement, achètent en leur nom, en vue de les revendre ... des actions ou parts de sociétés immobilières ou qui, habituellement, souscrivent en vue de les revendre, des actions ou parts créées ou émises par les mêmes sociétés ( ...) 4° Personnes bénéficiaires d'une promesse unilatérale de vente portant sur un immeuble qui est vendu par fractions ou par lots à la diligence de ces personnes ( ...)" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X... a cherché à donner à L'EURL dont il était l'associé unique l'apparence d'un marchand de biens afin que les déficits des SNC dont elle détenait des parts soient rattachés à la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et que le déficit catégoriel de l'EURL en résultant soit imputable sur son revenu global des années 1986 et 1987 ; qu'à cette fin, M. X... a fait revendre par l'EURL à une société anonyme dont il était le directeur général, les parts de sociétés en nom collectif que l'EURL avait précédemment acquises de cette même société ; qu'il a fait adopter une modification statutaire de l'objet de l'EURL et lui a fait acheter, puis revendre une promesse de vente ; que toutefois, les agissements de l'EURL, intervenus à des dates proches, ne suffisent pas à établir qu'elle était animée par une intention spéculative aux dates où elle a acquis les parts qu'elle avait d'ailleurs inscrites lors de leur acquisition à son actif immobilisé et non en stocks ; qu'en l'absence de tout élément établissant l'intention spéculative de l'EURL lors de l'acquisition des parts de SNC, celle-ci ne peut être regardée comme ayant agi en tant que marchand de biens au sens de l'article 35-I-1° du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé, pour prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles M. X... a été assujetti au titre des années 1986 et 1987, sur le motif que les revenus de l'entreprise DGT Services devaient être imposés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Considérant que les cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu mises à la charge de M. X... ont été assorties des pénalités prévues par les articles 1729 et 1731 du code général des impôts dans le cas où la bonne foi du contribuable n'est pas admise ; que, dans les circonstances de l'espèce, le ministre n'établit pas que M. X... a agi de mauvaise foi ; que ce dernier est donc fondé à demander la décharge des pénalités qui lui ont été infligées pour 1986 et 1987 ; que, toutefois, pour 1986, il y a lieu de substituer les intérêts de retard aux pénalités de mauvaise foi dans la limite de leur montant ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a déchargé M. X... des droits en principal correspondant aux compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1986 et 1987 ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt en date du 10 juin 1999 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.
Article 2 : Le jugement en date du 16 avril 1996 du tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il a prononcé la décharge des droits en principal correspondant aux compléments d'impôt sur le revenu auxquels M. X... a été assujetti au titre des années 1986 et 1987.
Article 3 : M. X... est déchargé des pénalités qui lui ont été infligées au titre de 1986. Des intérêts de retard sont substitués à ces pénalités dans la limite du montant de celles-ci.
Article 4 : M. X... est déchargé des pénalités qui lui ont été infligées au titre de 1987.
Article 5 : Le surplus des conclusions de M. X... devant le tribunal administratif de Paris est rejeté.
Article 6 : Les conclusions de M. X... tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 7 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à M. Dieter X....