Vu la requête enregistrée le 26 février 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Evgénii Y... demeurant chez M. X..., 322 villa La Giberne à La Gaude (06610) ; M. Y... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 12 février 1999 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 février 1999 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a décidé sa reconduite à la frontière et a fixé l'Ukraine comme pays de destination ;
2°) annule pour excès de pouvoir les décisions ci-dessus mentionnées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, notamment par la loi du 2 août 1989, la loi du 10 janvier 1990, la loi du 26 février 1992 et la loi du 24 août 1993 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Vestur, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Seban, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que si M. Y... soutient que la procédure devant le tribunal administratif de Nice aurait été irrégulière du fait de la production devant celui-ci, par le préfet des Alpes-Maritimes, d'une lettre adressée par l'un de ses amis à son ex-compagne, dont les termes lui seraient défavorables et qui constituerait une violation des règles relatives au secret de la correspondance, il ressort des motifs même du jugement attaqué que celui-ci ne s'est pas fondé sur cet élément mais sur d'autres pièces du dossier ; que ce moyen doit, dès lors, en tout état de cause, être écarté ;
Sur la légalité de la décision de reconduite à la frontière du 5 février 1999 :
Considérant qu'aux termes de l'article 22-I de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le Préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ... 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire français au-delà d'un délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ..." ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Y..., ressortissant ukrainien, s'est maintenu sur le territoire français au-delà d'un délai d'un mois à compter de la date de notification de la décision du préfet des Alpes-Maritimes refusant son admission exceptionnelle au séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il était ainsi dans le cas visé au 3° de l'article 22-I de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut décider de la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Ne peuvent faire l'objet d'un arrêté d'expulsion, en application de l'article 23 : ... 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français résidant en France à la condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins ; ( ...) Les étrangers mentionnés aux 1° à 6 et 8° ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière en application de l'article 22 de la présente ordonnance" ; que si M. Y... est père d'un enfant de nationalité française, né en 1997, il n'exerce pas sur celui-ci l'autorité parentale, qui lui a été refusée par une ordonnance du juge aux affaires familiales du tribunal de Grasse en date du 2 décembre 1997 ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il subviendrait aux besoins de cet enfant ; qu'ainsi, il ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ;
Considérant, en second, lieu qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté contesté M. Y... était séparé de son enfant et n'entretenait aucune relation avec celui-ci ; qu'il n'est dès lors pas fondé à soutenir que l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière aurait porté atteinte à son droit au respect de sa vie familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la légalité de la décision distincte fixant le pays de destination :
Considérant que les allégations de M. Y... relatives aux risques que lui ferait courir son retour dans son pays d'origine ne sont assorties d'aucune précision ni justification probantes ; que d'ailleurs la demande de M. Y... tendant à ce que lui soit reconnue la qualitéde réfugié politique a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 19 février 1999 ; que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut donc être accueilli ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes en date du 5 février 1999 ;
Article 1er : La requête de M. Y... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Evgénii Y..., au préfet des Alpes-Maritimes et au ministre de l'intérieur.