Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 juillet et 23 septembre 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la FEDERATION NATIONALE DES INFIRMIERS (F.N.I.), dont le siège est 7, rue Godot-de-Mauroy à Paris (75009), représentée par son président habilité par une délibération du 2 juin 1999 du conseil fédéral de la fédération et la FEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS DES SERVICES DE SANTE ET SERVICES SOCIAUX (CFDT), dont le siège est ... (75950), représentée par son représentant légal en exercice ; la FEDERATION NATIONALE DES INFIRMIERS et la FEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS DES SERVICES DE SANTE ET SERVICES SOCIAUX (CFDT) demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le décret n° 99-426 du 27 mai 1999 habilitant certaines catégories de personnes à effectuer des aspirations endo-trachéales ;
2°) d'annuler l'arrêté du 27 mai 1999 relatif à la formation des personnes habilitées à effectuer des aspirations endo-trachéales ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales ;
Vu le décret n° 93-345 du 15 mars 1993 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession d'infirmier ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Prada Bordenave, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Parmentier, avocat de la FEDERATION NATIONALE DES INFIRMIERS et de la FEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS DES SERVICES DE SANTE ET SERVICES SOCIAUX (CFDT) et de la SCP Richard, Mandelkern, avocat de l'Association française contre les myopathies,
- les conclusions de Mme Boissard, Commissaire du gouvernement ;
Sur l'intervention de l'Association française contre les myopathies :
Considérant que l'Association française contre les myopathies a intérêt au maintien des actes attaqués ; que, par suite, son intervention est recevable ;
Sur le décret attaqué :
Considérant que, par son dernier alinéa, l'article L. 372 du code de la santé publique écarte de l'incrimination d'exercice illégal de la médecine qu'il institue, d'une part, les étudiants en médecine ou membres de certaines professions agissant comme aide d'un médecin ou placés par un médecin auprès de ses malades, d'autre part, les "personnes qui accomplissent dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat pris après avis de l'académie nationale de médecine les actes professionnels dont la liste est établie par ce même décret" ;
Considérant que, en vertu de ces dernières dispositions, le ministre de l'emploi et de la solidarité a saisi, par lettre du 24 août 1998, l'académie nationale de médecine du projet de décret faisant l'objet du présent litige ainsi que du projet d'arrêté ; que ce courrier faisait état tant des aspirations trachéales que des aspirations endo-trachéales ; que, dans sa réponse du 17 novembre 1998, ladite académie, se référant à ces deux pratiques, a émis l'avis sollicité ; que, par suite, le moyen tiré par la FEDERATION NATIONALE DES INFIRMIERS et la FEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS DES SERVICES DE SANTE ET SERVICES SOCIAUX (CFDT) de ce que l'académie nationale de médecine n'aurait pas été régulièrement consultée manque en fait ;
Considérant qu'en prévoyant que des personnes ayant validé une formation spécifique pourront accomplir des aspirations endo-trachéales, le décret contesté fait une exacte application des dispositions susmentionnées de l'article L. 372 du code de la santé publique ; qu'il n'a pas pour objet et ne saurait avoir légalement pour effet de conférer aux personnes en cause la qualité d'auxiliaire médical ;
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret attaqué du 27 mai 1999 : "Les aspirations endo-trachéales ne peuvent être pratiquées chez des malades trachéotomisés depuis plus de trois semaines dont l'état ne justifie pas leur admission dans un établissement sanitaire et qui ne peuvent, en raison d'affections invalidantes chroniques, assurer eux-mêmes ce geste d'urgence nécessaire à leur survie immédiate, que sur prescription médicale précisant en particulier les modèles de sonde d'aspiration pouvant être utilisés et, en l'absence d'infirmier, par des personnes ayant validé une formation spécifique définie par arrêté du ministre chargé de la santé" ; qu'ainsi, cet article, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 372 du code de la santé publique, définit les "personnes" pouvant pratiquer des "actes professionnels" médicaux ; que, par suite, doit être écarté le moyen selon lequel ces "personnes" et ces "actes" seraient, en violation de l'article L. 372 du code de la santé publique, déterminés par l'arrêté litigieux du 27 mai 1999, lequel se borne à décrire "la formation des personnes habilitées à effectuer des aspirations endo-trachéales" ;
Considérant qu'aux termes de l'article 3 du décret du 15 mars 1993 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession d'infirmier intervenu dans le cadre des dispositions précitées de l'article L. 372 du code de la santé publique : "Dans le cadre de son rôle propre, l'infirmier accomplit les actes ou dispense les soins infirmiers suivants, visant notamment à assurer le confort du patient et comprenant, en tant que de besoin, son éducation et celle de son entourage : ( ...) maintien de la liberté des voies aériennes supérieures, aspiration des sécrétions d'un patient qu'il soit ou non intubé ou trachéotomisé ( ...)" ;
Considérant que cette disposition ne distingue pas entre les différentes formes d'aspirations de sécrétions nécessaires au "maintien de la liberté des voies aériennes supérieures" et prévoit l'"éducation" de l'"entourage" du patient ; que, par suite, le moyen tiré par les fédérations requérantes de ce que l'infirmier n'aurait pas compétence pour pratiquer des aspirations endo-trachéales ou enseigner cette manipulation à l'"entourage" du patient doit être écarté ;
Considérant, enfin, que l'arrêté litigieux n'a pas pour objet et ne saurait légalement avoir pour effet de conférer la qualité d'auxiliaire médical aux personnes qui, après avoir validé la formation requise, pratiquent des aspirations endo-trachéales sur un patient de leur entourage ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la FEDERATION NATIONALE DES INFIRMIERS et la FEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS DES SERVICES DE SANTE ET SERVICES SOCIAUX (CFDT) ne sont pas fondées à demander l'annulation du décret n° 99-426 du 27 mai 1999 habilitant certaines catégories de personnes à effectuer des aspirations endo-trachéales" et de l'arrêté du même jour "relatif à la formation des personnes habilitées à effectuer des aspirations endo-trachéales ;
Article 1er : L'intervention de l'Association française contre les myopathies est admise.
Article 2 : La requête de la FEDERATION NATIONALE DES INFIRMIERS et de la FEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS DES SERVICES DE SANTE ET SERVICES SOCIAUX (CFDT) est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la FEDERATION NATIONALE DES INFIRMIERS, à la FEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS DES SERVICES DE SANTE ET SERVICES SOCIAUX (CFDT), à l'Association française contre les myopathies et au ministre de l'emploi et de la solidarité.