Vu 1°), sous le n° 203225, la requête, enregistrée le 4 janvier 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Patrick X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 98-1001 du 2 novembre 1998 relatif à la commission de conciliation prévue à l'article L. 710-1-2 du code de la santé publique et modifiant ce code ;
Vu 2°), sous le n° 203345, la requête, enregistrée le 7 janvier 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Jocelyne Y..., demeurant ... ; Mme Y... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 98-1001 du 2 novembre 1998 relatif à la commission de conciliation prévue à l'article L. 710-1-2 du code de la santé publique et modifiant ce code ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code pénal ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le décret n° 95-1000 du 6 septembre 1995 portant code de déontologie médicale ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Prada Bordenave, Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mme Boissard, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes de M. X... et de Mme Y... sont dirigées contre un même décret ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une même décision ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'emploi et de la solidarité :
Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 710-1-2 du code de la santé publique introduit dans le code par l'ordonnance n° 96-345 du 24 avril 1996 : "Dans chaque établissement de santé est instituée une commission de conciliation chargée d'assister et d'orienter toute personne qui s'estime victime d'un préjudice du fait de l'activité de l'établissement, et de lui indiquer les voies de conciliation et de recours dont elle dispose " ; que pour l'application de ces dispositions est intervenu le décret n° 98-1001 du 2 novembre 1998 contesté par les requêtes susvisées ;
Sur la légalité externe du décret :
En ce qui concerne les contreseings :
Considérant qu'aux termes de l'article 22 de la Constitution : "Les actes du Premier ministre sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution" ; que, s'agissant d'un acte de nature réglementaire, les ministres chargés de son exécution sont ceux qui ont compétence pour signer ou contresigner les mesures réglementaires ou individuelles que comporte nécessairement l'exécution du décret ;
Considérant que ni le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, ni le garde des sceaux, ministre de la justice ne sont chargés de l'exécution du décret litigieux au sens des dispositions de l'article 22 de la Constitution ; que, par suite et alors même que la commission de conciliation dont la composition est précisée par le décret attaqué comprend des représentants des usagers des établissements de santé et que le décret fait mention de dispositions du code pénal, le moyen tiré de ce que ces ministres auraient dû contresigner le décret ne peut qu'être écarté ;
En ce qui concerne le défaut de consultation du Conseil national de l'Ordre des médecins et des associations d'usagers :
Considérant que ni les dispositions de l'article L. 710-1-2 du code de la santé publique précité ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n'imposaient que le Conseil national de l'Ordre des médecins ou les associations d'usagers fussent consultés préalablement à l'intervention du décret litigieux ;
Sur la légalité interne :
En ce qui concerne le moyen tiré de la violation de l'article 226-13 du code pénal :
Considérant qu'aux termes de l'article 226-13 du code pénal : "La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 100 000 F d'amende" ;
Considérant que les dispositions du décret attaqué selon lesquelles : "Conformément aux dispositions de l'article 226-13 du code pénal, les membres de la commission sont tenus à l'obligation de secret professionnel", se bornent à rappeler l'obligation de secret professionnel définie par les dispositions législatives précitées qui incombe à tous les membres de la commission, y compris ceux qui n'appartiennent pas à des professions de santé, à raison de la fonction qu'ils exercent pendant la durée de leur mandat ; que, par suite, loin de méconnaître les dispositions de l'article 226-13 du code pénal, elles en font une exacte application ; qu'ainsi, le moyen tiré de la violation de ces dispositions ne peut qu'être écarté ;
En ce qui concerne le statut du médecin conciliateur :
Considérant que le décret prévoit que la commission de conciliation comprend un médecin conciliateur et son suppléant ; qu'aux termes de l'article R. 710-1-7 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue du décret litigieux : "Le directeur de l'établissement public de santé ou le représentant légal de l'établissement de santé privé ( ...) désigne le médecin conciliateur et son suppléant parmi les médecins exerçant ou ayant exercé dans l'établissement" ; que si ces dispositions ne mentionnent pas expressément les garanties de l'indépendance des médecins conciliateurs, elles ne soustraient en rien ces derniers au principe de l'indépendance du médecin dans l'exercice de son art rappelé par le code de déontologie qui s'applique à tout médecin ; qu'au surplus, l'article R. 710-18 du code de la santé publique introduit par le décret attaqué prévoit que "lorsque le médecin conciliateur est concerné par une réclamation, sa mission doit être assurée par son suppléant ou par le président de la commission médicale ou de la conférence médicale" ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le décret serait illégal faute de comporter les garanties de l'indépendance des médecins conciliateurs ne peut qu'être écarté ;
En ce qui concerne le moyen tiré de l'atteinte à la vie privée :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 710-1-7 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue du décret litigieux : "Le médecin conciliateur rencontre le patient. Il peut également rencontrer ses proches lorsqu'il l'estime utile ou à la demande de ces derniers" ; que ces dispositions, qui n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir légalement pour effet de permettre au médecin conciliateur de rencontrer les proches du patient lorsque ce dernier a fait connaître son opposition à une telle rencontre, ne portent pas atteinte au droit du patient au respect de sa vie privée ;
En ce qui concerne la désignation des personnes pouvant formuler une réclamation :
Considérant que si les requérants reprochent à l'auteur du décret d'avoir ouvert le droit de saisir la commission de conciliation "à toute personne qui s'estime victime d'un préjudice du fait de l'activité de l'établissement", alors qu'il aurait dû le limiter, selon eux, aux patients et aux tiers autorisés par ces derniers, ils ne précisent pas à quelle disposition législative ou à quel principe général de droit seraient contraires les dispositions critiquées, qui ne font d'ailleurs que reprendre les termes mêmes du deuxième alinéa de l'article L. 710-1-2 du code de la santé publique ;
En ce qui concerne le moyen tiré de l'absence de mention de la possibilité pour le patient de faire appel à l'assistance d'un médecin ou d'un avocat de son choix :
Considérant que le décret litigieux n'a pas eu pour objet et ne saurait avoir légalement pour effet de faire obstacle au droit des personnes atteintes de troubles mentaux hospitalisées sans leur consentement d'être assistées, en application de l'article L. 326-3 du code de la santé publique, du médecin ou de l'avocat de leur choix ; que, par suite, le moyen tiré de ce quele décret, qui n'avait pas à rappeler ces dispositions, priverait les patients de ce droit ne peut qu'être écarté ;
En ce qui concerne le moyen tiré de ce que le décret aurait dû préciser les effets de la saisine de la commission sur le cours de la prescription quadriennale :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 : "Sont prescrites au profit de l'Etat, des départements et des communes ( ...) sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Sont prescrites dans le même délai et sous les mêmes réserves les créances sur les établissement publics dotés d'un comptable public" ; qu'aux termes de l'article 2 de la même loi : "La prescription est interrompue par : ( ...) Toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative ( ...) Toute communication écrite d'une administration intéressée ..." ;
Considérant que l'auteur du décret, qui n'avait pas compétence pour modifier les règles susrappelées, n'était pas tenu d'indiquer si la saisine de la commission de conciliation a pour effet d'interrompre la prescription quadriennale ; que, par suite, le moyen analysé ci-dessus ne peut qu'être rejeté ;
Considérant que les moyens tirés de ce que le décret méconnaîtrait l'ordonnance du 24 avril 1996 ou "le droit des consommateurs"ou le principe de l'égalité des charges ne sont pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
Considérant que, de l'ensemble de ce qui précède, il résulte que les requêtes de M. X... et de Mme Y... doivent être rejetées ;
Article 1er : Les requêtes de M. X... et de Mme Y... sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée sera notifiée à M. Patrick X..., à Mme Jocelyne Y..., au Premier ministe et au ministre de l'emploi et de la solidarité.