La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/04/2000 | FRANCE | N°205495

France | France, Conseil d'État, 10 ss, 19 avril 2000, 205495


Vu la requête, enregistrée le 10 mars 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU NORD ; le PREFET DU NORD demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 5 février 1999 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté en date du 3 février 1999 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... ;
2°) rejette la demande de M. X... au tribunal administratif de Lille ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droit

s de l'homme et des libertés fondamentales et notamment son article 8 ;
Vu l'o...

Vu la requête, enregistrée le 10 mars 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU NORD ; le PREFET DU NORD demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 5 février 1999 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté en date du 3 février 1999 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... ;
2°) rejette la demande de M. X... au tribunal administratif de Lille ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et notamment son article 8 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Lévy, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Daussun, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que pour faire droit aux conclusions de la demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 février 1999 du PREFET DU NORD ordonnant la reconduite à la frontière de M. X..., le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Lille a accueilli le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de l'arrêté dudit préfet en date du 9 décembre 1998 refusant l'admission au séjour de M. X..., en ce que cet arrêté méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantissant le respect de la vie privée et familiale ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et, notamment, des productions de M. X... que celui-ci, né en 1970, ait résidé habituellement en France depuis son entrée sur le territoire, en août 1988, jusqu'au 21 décembre 1998 ; que, notamment, il n'apporte pas de justifications suffisantes de sa présence habituelle en France durant les années 1992 à 1996, compte tenu des visas et passeports qui lui ont été délivrés aux Pays Bas durant cette période, ainsi que de la délivrance, en 1995, d'une carte d'identité marocaine ; que, d'autre part, s'il était marié avec une ressortissante marocaine en situation régulière de séjour en France, l'acte de mariage n'a été établi, au Maroc, que le 8 janvier 1998 et y a été homologué le 4 février 1998 ; que les époux X... n'ont pas d'enfant ; que, dans ces conditions la décision du 9 décembre 1998 refusant l'admission au séjour de M. X... n'a pas méconnu les stipulations susrappelées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et que le PREFET DU NORD est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge s'est fondé sur le moyen tiré, par la voie de l'exception, de cette méconnaissance ;
Considérant, toutefois, qu'il y a lieu pour le Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance et en appel par M. X... ;
Considérant que M. X... qui s'est maintenu sur le territoire français, plus d'un mois après la notification de l'arrêté susrappelé du 9 décembre 1998, était dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet pouvait ordonner sa reconduite à la frontière ;
Sur les autres moyens tirés par la voie de l'exception de l'illégalité du refus de titre de séjour du 9 décembre 1998 :
Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier que l'arrêté du 9 décembre 1998 a été signé par le secrétaire général de la préfecture du Nord auquel le préfet avait délégué sa signature en la matière par un arrêté du 1er juillet 1998 publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture du Nord ; que le secrétaire général était, ainsi, compétent pour signer cet arrêté ;

Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dans sa rédaction issue de la loi du 11 mai 1998 : "La carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit ... 3° à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans" et qu'à ceux de l'article 15 "la carte de résident est délivrée de plein droit sous réserve de la régularité du séjour ... 12° à l'étranger qui est en situation régulière depuis plus de dix ans ... 13° à l'étranger titulaire d'une carte de séjour temporaire en application des articles 12 bis ou 12 ter lorsqu'il remplit les conditions prévues aux alinéas précédents ou à défaut lorsqu'il justifie de cinq années de résidence régulière ininterrompue en France" ;
Considérant que M. X... soutient qu'il devait être admis au séjour en application des dispositions précitées et que le préfet ne pouvait refuser son admission qu'après avoir consulté la commission du titre de séjour, conformément à l'article 12 quater de la même ordonnance ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que M. X... ne justifiait pas d'une résidence habituelle de plus de dix ans en France à la date du 9 décembre 1998, d'autre part qu'il n'était pas en situation régulière de séjour ; qu'il ne pouvait, ainsi, se prévaloir ni des unes, ni, en tout état de cause, des autres des dispositions précitées ; que le requérant n'étant pas, dès lors, au nombre des étrangers mentionnés par ces dispositions, le préfet n'était pas tenu de consulter sur son cas, en application de l'article 12 quater, la commission du titre de séjour ;
Considérant qu'il suit de là que M. X... n'est pas fondé à se prévaloir, par la voie de l'exception, de l'illégalité de l'arrêté du 9 décembre 1998 lui refusant un titre de séjour ;
Sur les autres moyens de la requête :
Considérant que l'arrêté attaqué énonce avec une précision suffisante les considérations de droit et de fait, qui en constituent le fondement ; qu'il est, ainsi, suffisamment motivé ;
Considérant que M. X... soutient que ledit arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, toutefois, la situation du requérant ne s'étant pas modifiée entre le 9 décembre 1998, date du refus de séjour, et le 3 février 1999, date de l'arrêté attaqué, il y a lieu, par les mêmes motifs que ceux ci-dessus énoncés en ce qui concerne l'arrêté du 9 décembre 1998, d'écarter ce moyen ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DU NORD est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 3 février 1999 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... ; que, par suite, il n'y a pas lieu, en tout état de cause, de faire droit aux conclusions de celui-ci tendant à ce qu'il soit enjoint au PREFET DU NORD de lui délivrer, sous astreinte, une carte de séjour temporaire "vie privée et familiale" ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement en date du 5 février 1999 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Lille et le surplus de ses conclusions sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DU NORD, à M. X... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 10 ss
Numéro d'arrêt : 205495
Date de la décision : 19/04/2000
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 8
Loi 98-349 du 11 mai 1998 art. 15, art. 12 quater, art. 75
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22, art. 12 bis


Publications
Proposition de citation : CE, 19 avr. 2000, n° 205495
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Lévy
Rapporteur public ?: Mme Daussun

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2000:205495.20000419
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award