Vu le recours, enregistré le 26 janvier 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ET DE L'ENVIRONNEMENT ; le MINISTRE DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ET DE L'ENVIRONNEMENT demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt en date du 10 décembre 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté son recours tendant à l'annulation du jugement du 9 janvier 1998 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les décisions des 4 décembre 1996 et 7 janvier 1997 par lesquelles le préfet de la Moselle s'est opposé à l'importation de boues de station d'épuration urbaine en provenance de Nürtingen (Allemagne) et a enjoint au préfet de la Moselle, sous astreinte de 2 000 F par jour de retard, d'accorder une autorisation de transfert de boues à la société Wastec-Strobel pour une durée d'un an et de rejeter la requête de ladite société devant le tribunal administratif de Strasbourg ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité de Rome du 25 mars 1957 instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne ;
Vu la directive du conseil 75/442/CEE modifiée du 15 juillet 1975 ;
Vu la directive du conseil 86/278/CEE du 12 juin 1986 ;
Vu le règlement (CEE) n° 259/93 du conseil du 1er février 1993 ;
Vu la décision de la Commission n° 94/3/CE du 20 décembre 1993 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Fougier, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Seban, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que le Regierungspräsidium de Stuttgart, autorité compétente d'expédition au sens de l'article 2 du règlement n° 259/93 du conseil du 1er février 1993 concernant la surveillance et le contrôle des transferts de déchets à l'entrée et à la sortie de la communauté européenne, a notifié le 4 novembre 1996 au préfet de la Moselle, autorité compétente de destination, un transfert de boues d'épuration valorisables en agriculture en provenance de la station d'épuration de Nürtingen et destinées à une exploitation agricole de la Moselle ; que le préfet a accusé réception de cette notification le 6 novembre 1996 ; que le délai de trente jours pendant lequel des objections pouvaient être émises expirait le 7 décembre 1996 ; que le 4 décembre 1996 le préfet de la Moselle a fait part au Regierungspräsidium de Stuttgart d'objections portant sur la capacité technique de l'exploitation agricole destinataire à assurer la valorisation effective des quantités de boues dont le transfert lui avait été notifié ; que par courrier du 13 décembre 1996, le Regierungspräsidium de Stuttgart a fait savoir au préfet de la Moselle qu'il n'avait plus à intervenir en tant qu'autorité compétente d'expédition conformément à l'article 7 du règlement du conseil du 1er février 1993 ; que le 7 janvier 1997, le préfet a, cependant, informé le Regierungspräsidium de Stuttgart ainsi que les autres parties dont la société Wastec-Strobel, qu'en l'absence de réponse à l'objection faite il ne pouvait réserver une suite favorable à la notification de transfert du 4 novembre 1996 ; que le 10 février 1997, la société Wastec-Strobel, mandataire du notifiant au sens de l'article 2 du règlement du conseil précité, a déféré les décisions du préfet de la Moselle du 4 décembre 1996 et du 7 janvier 1997 au tribunal administratif de Strasbourg qui, par jugement du 9 janvier 1998, les a annulées ; que le tribunal a enjoint à l'administration, sous astreinte, de délivrer une autorisation de transfert ; que sur appel du ministre de l'environnement, la cour administrative d'appel de Nancy a, par arrêt du 10 décembre 1998, censuré les motifs du jugement du tribunal administratif de Strasbourg en jugeant que les boues valorisables en agriculture n'étaient pas des déchets au sens de la directive 75/442/CEE du 15 juillet 1975 modifiée et ne se trouvaient pas, de ce fait, soumises aux dispositions du règlement du conseil du 1er février 1993 mais à celles de la directive du conseil 86/278/CEE du 12 juin 1986 relative à la protection de l'environnement et notamment des sols, lors de l'utilisation des boues d'épuration en agriculture transposée en droit interne par l'arrêté interministériel du 29 août 1988 ; que le MINISTRE DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ET DE L'ENVIRONNEMENT demande l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er point 1 du règlement (CEE) n° 259/93 du conseil du 1er février 1993 concernant la surveillance et le contrôle des transferts de déchets à l'entrée et à la sortie de la communauté européenne : "Le présent règlement s'applique auxtransferts de déchets à l'intérieur, à l'entrée et à la sortie de la communauté" ; qu'aux termes de l'article 2 du même règlement : "Aux fins du présent règlement, on entend par : a) "déchets : substances ou objets définis à l'article 1er de la directive 75/442/CEE ( ...)" ; qu'aux termes de l'article 1er de la directive 75/442/CEE du 15 juillet 1975 modifiée par la directive 91/156/CEE du 18 mars 1991 : "Aux fins de la présente directive, on entend par : a) déchet : toute substance ou objet qui relève des catégories figurant à l'annexe I, dont le détenteur se défait ou dont il a l'intention ou l'obligation de se défaire. La Commission agissant selon la procédure prévue à l'article 18 établira, au plus tard le 1er avril 1993, une liste des déchets appartenant aux catégories énumérées à l'annexe I ( ...)" ; que la liste des déchets établie par la décision de la Commission du 20 décembre 1993 mentionne, dans son index, à la rubrique 19.08.05, les boues provenant du traitement des eaux usées urbaines ; qu'il résulte de ces dispositions que les boues provenant du traitement des eaux usées urbaines sont des déchets tels que ces derniers sont définis par la directive 75/442/CEE du 15 juillet 1975 ;
Considérant, il est vrai, que le troisième considérant de la directive 86/278/CEE du 12 juin 1986 relative à la protection de l'environnement et notamment des sols, lors de l'utilisation des boues d'épuration en agriculture énonce que : "les boues d'épuration utilisées dans le cadre de l'exploitation agricole ne sont pas couvertes par la directive 75/442/CEE du conseil du 15 juillet 1975, relative aux déchets" ;
Considérant, toutefois, que les articles de la directive 86/278/CEE, qui ont seuls un caractère normatif, ne reprennent pas explicitement une telle interprétation ; que l'article 3 paragraphe 2 de la directive réserve même, dans certaines hypothèses, l'application des directives 75/442/CEE et 78/319/CEE du Conseil du 20 mars 1978 relative aux déchets toxiques et dangereux ; que la Cour de Justice des communautés européennes a par son arrêt du 28 mars 1990 rendu dans les affaires C-206/88 et C.207/88 dit pour droit que "la notion de déchet au sens des articles 1er des directives 75/442/CEE et 78/319/CEE ... ne doit pas s'entendre comme excluant les substances et objets susceptibles de réutilisation économique" ; qu'en outre, il ressort de l'arrêt rendu par la même juridiction le 17 mars 1993 dans l'affaire C-155/91 que l'article 1er de la directive 91/156/CEE du conseil du 18 mars 1991 modifiant la directive 75/442/CEE relative aux déchets, "a pour objet principal d'assurer, dans le souci de protéger l'environnement, l'efficacité de la gestion des déchets dans la communauté, quelle qu'en soit l'origine, et n'a qu'accessoirement des effets sur les conditions de la concurrence et des échanges" ; qu'il résulte de l'interprétation ainsi donnée du droit communautaire comme des dispositions combinées de la directive 86/278/CEE du 12 juin 1986 et de la directive 75/442/CEE du 15 juillet 1975 modifiée par la directive 91/156/CEE du 18 mars 1991 que si les boues d'épuration utilisées en agriculture ne sont pas normalement soumises aux dispositions de la directive du 15 juillet 1975, en tant qu'elles sont utilisées comme matières fertilisantes par épandages sur les sols agricoles, elles n'en répondent pas moins à la définition de la notion de déchets donnée par cette directive ; ce qui entraîne par là même leur soumission en cas notamment de transfert d'un Etat membre de la Communauté européenne à un autre, aux dispositions du règlement du 1er février 1993 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er point 2 du règlement du conseil n° 259/93 du 1er février 1993 : "Sont exclus du champ d'application du présent règlement : ( ...) d) les transferts de déchets mentionnés à l'article 2 paragraphe 1 point b) de la directive 75/442/CEE lorsqu'ils sont déjà couverts par une autre législation pertinente" ; qu'aux termes de l'article 1er de la directive 86/278/CEE du 12 juin 1986 : "le but de la présente directive est de réglementer l'utilisation des boues d'épuration en agriculture de manière à éviter les effets nocifs sur les sols, la végétation, les animaux et l'homme, tout en encourageant leur utilisationcorrecte" ; qu'il résulte clairement de la combinaison des dispositions rappelées ci-dessus que la directive du 12 juin 1986, dont l'objet est ainsi qu'il a été dit de réglementer l'utilisation des boues d'épuration en agriculture, ne peut être regardée comme une législation pertinente au sens de l'article 1er point 2 du règlement du conseil du 1er février 1993 qui régit la surveillance et le contrôle de transferts de déchets, même lorsqu'ils sont destinés à être valorisés ;
Considérant que la circonstance que les boues d'épuration utilisables en agriculture soient conformes à la norme NFU 44-041 rendue d'application obligatoire par l'arrêté du 29 août 1988, pris pour la transposition en droit interne de la directive 86/278/CEE du 12 juin 1986, est sans incidence sur l'application des dispositions du règlement communautaire n° 259/93 du 1er février 1993 dans la mesure où, ainsi qu'il est dit ci-dessus, la directive du 12 juin 1986 ne constitue pas une législation pertinente susceptible d'entraîner la non-application de ce règlement ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la cour administrative d'appel de Nancy a commis une erreur de droit en jugeant que le règlement du conseil du 1er février 1993 n'était pas applicable aux transferts de boues de station d'épuration urbaine valorisables en agriculture ; que, dès lors, le MINISTRE DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ET DE L'ENVIRONNEMENT est fondé à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 10 décembre 1998 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ; Sur les fins de non-recevoir soulevées par la société Wastec-Strobel contre l'appel du MINISTRE DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ET DE L'ENVIRONNEMENT :
Considérant, en premier lieu, que l'appel interjeté par le MINISTRE DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ET DE L'ENVIRONNEMENT a été adressé au président de la cour administrative d'appel de Nancy ; que, par suite, la requête a été régulièrement déposée auprès de la cour administrative d'appel de Nancy ;
Considérant, en second lieu, que M. X..., directeur de la prévention de la pollution et des risques au ministère de l'environnement, signataire de la requête d'appel, avait, par arrêté du 23 juin 1997, publié au Journal officiel de la République française le 27 juin 1997, reçu délégation pour signer tous actes à l'exclusion des décrets ; que, dans ces conditions, la requête d'appel du MINISTRE DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ET DE L'ENVIRONNEMENT est recevable ;
Sur la légalité des décisions du préfet de la Moselle en date des 4 décembre 1996 et du 7 janvier 1997 :
Considérant que pour contester en appel le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 9 janvier 1998, le MINISTRE DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ET DE L'ENVIRONNEMENT soutient que le dossier de notification de transfert doit comporter auxtermes du paragraphe 5 de l'article 6 du règlement du conseil du 1er février 1993 : "les informations concernant notamment : ( ...) Les opérations de valorisation visées à l'annexe II B de la directive 75/442/CEE" ; que l'annexe II B de ladite directive comporte la rubrique "RIO Epandage sur le sol au profit de l'agriculture et de l'écologie" ; qu'aux termes de l'article 7.4 a) du règlement du conseil précité : "les autorités compétentes de destination ( ...) peuvent soulever des objections motivées contre le transfert envisagé : - s'il n'est pas conforme aux dispositions législatives et réglementaires nationales en matière d'environnement ( ...)" ; que la France soumet à autorisation ou déclaration selon leur importance les opérations d'épandage de boues d'épuration ; que le pétitionnaire doit préciser l'échéancier exact d'épandage afin d'apporter la preuve que les boues seront épandues et non pas stockées sur une durée plus ou moins longue ;
Considérant que le préfet de la Moselle a adressé le 4 décembre 1996 au Regierungspräsidium de Stuttgart, autorité compétente d'expédition, un courrier dans lequel il soulignait notamment que les durées de stockage des boues n'étaient pas précisées ; que le plan d'épandage était établi globalement au niveau de l'exploitation pour des quantités de boues plus importantes et dans une perspective décennale ; qu'il se trouvait dans l'impossibilité d'apprécier si les boues transportées feraient réellement l'objet d'une valorisation par épandage ou d'un stockage ; qu'ainsi, le préfet de la Moselle entendait émettre une objection relative à la capacité de l'exploitation agricole destinataire à valoriser les boues transférées dans des conditions conformes aux dispositions législatives nationales en matière de protection de l'environnement et de protection de la santé" ; que, par suite, le préfet a, le 4 décembre 1996, légalement soulevé une objection au sens de l'article 7.4 a) du règlement du 1er février 1993 aux transferts de boues objet de la notification du 4 décembre 1996 ; que le MINISTRE DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ET DE L'ENVIRONNEMENT est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg s'est fondé sur ce que les réserves émises par le préfet ne constituaient pas un motif légal d'objection pour annuler des décisions préfectorales des 4 décembre 1996 et 7 janvier 1997 ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par la société Wastec-Strobel devant le tribunal administratif de Strasbourg ;
Considérant, en premier lieu, que la requérante soutient que le préfet de la Moselle ne lui a, contrairement aux dispositions de l'article 7, paragraphe 2 du règlement du 1er février 1993, pas accusé réception de la notification du transfert envisagé ; qu'il ressort des pièces du dossier, que l'accusé de réception a été adressé le 6 novembre 1996, dans le délai prévu par le règlement, à
la société Wastec-Strobel ainsi qu'aux autres parties ; que cet accusé de réception ne pouvait prêter à confusion dans la mesure où il portait la mention du numéro du document de suivi DE 1350/102-688 ainsi que cela ressort du dossier ; que l'accusé de réception a donc été régulièrement établi ;
Considérant, en second lieu, que le préfet de la Moselle a adressé le 4 décembre 1996, au Regierungspräsidium de Stuttgart, autorité compétente d'expédition, l'objection qu'il émettait à l'encontre du transfert notifié ; que la transmission de l'objection au Regierungspräsidium de Stuttgart alors que celui-ci avait, en application du paragraphe 8 de l'article 8 du règlement du 1er février 1993 effectué lui-même la notification du transfert envisagé à l'autorité compétente de destination, est en tout état de cause sans influence sur la légalité des décisions attaquées ;
Considérant, enfin, que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ET DE L'ENVIRONNEMENT est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les décisions du préfet de la Moselle des 4 décembre 1996 et 7 janvier 1997 ;
Sur les conclusions de la société Wastec-Strobel devant le tribunal administratif de Strasbourg aux fins d'injonction et d'astreinte :
Considérant que la présente décision ne nécessite l'intervention d'aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions susanalysées doivent être rejetées ;
Sur les conclusions de la société Wastec-Strobel tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à la société Wastec-Strobel les sommes qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 10 décembre 1998 et le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 9 janvier 1998 sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par la société Wastec-Strobel devant le tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de la Société Wastec-Strobel tendant à l'application de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Wastec-Strobel et au ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.