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03/03/2000 | FRANCE | N°203129

France | France, Conseil d'État, 4 / 6 ssr, 03 mars 2000, 203129


Vu la requête, enregistrée le 30 décembre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Abdessamad X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 31 mars 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, après avoir annulé le jugement du 16 mars 1995 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation d'une décision du 12 août 1993 par laquelle le secrétaire général de l'institut français de recherche scientifique pour le développement en coopération (ORSTOM) a reje

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Vu la requête, enregistrée le 30 décembre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Abdessamad X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 31 mars 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, après avoir annulé le jugement du 16 mars 1995 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation d'une décision du 12 août 1993 par laquelle le secrétaire général de l'institut français de recherche scientifique pour le développement en coopération (ORSTOM) a rejeté le recours qu'il a formé contre un arrêté du 30 juin 1993 mettant fin à ses fonctions de technicien de la recherche de 3ème classe à compter du 1er juillet 1993 à l'issue de sa période de stage et contre ledit arrêté du 30 juin 1993, a, après avoir évoqué, rejeté la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté susmentionné du 30 juin 1993 ;
3°) d'ordonner sa réintégration dans ses fonctions et sa titularisation, sous astreinte de 3 000 F par jour de retard ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 82-610 du 15 juillet 1982 ;
Vu le décret n° 83-1260 du 30 décembre 1983 modifié fixant les dispositions statutaires communes aux corps de fonctionnaires des établissements publics, scientifiques et technologiques ;
Vu le décret n° 84-430 du 5 juin 1984 modifié portant organisation et fonctionnement de l'institut de recherche scientifique pour le développement en coopération ;
Vu le décret n° 85-1060 du 2 octobre 1985 modifié portant statuts particuliers des corps de fonctionnaires de l'institut français de recherche scientifique pour le développement en coopération ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 modifiée ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Mion, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, avocat de M. X... et de la SCP Delaporte, Briard, avocat de l'Institut français de recherche scientifique pour le développement en coopération,
- les conclusions de M. Schwartz, Commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel en date du 31 mars 1998 :
Considérant que, pour demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris ayant rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 30 juin 1993 par lequel le directeur général de l'institut français de recherche scientifique pour le développement en coopération (ORSTOM) a mis fin à ses fonctions à l'issue de sa période de stage et de la décision du 12 août 1993 ayant rejeté le recours gracieux formé contre ledit arrêté, M. X... a fait valoir que la commission administrative paritaire consultée sur cette décision n'a pas été suffisamment informée des conditions dans lesquelles son stage s'est déroulé ; que la cour administrative d'appel n'a pas répondu à ce moyen qui n'est pas inopérant ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. X... est fondé à demander l'annulation de l'article 2 de l'arrêt attaqué, par lequel la cour administrative d'appel a rejeté sa demande présentée devant le tribunal administratif de Paris ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, lorsqu'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut régler l'affaire au fond, si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 30 juin 1993 :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 17 de la loi n° 82-610 du 15 juillet 1982, le personnel des établissements publics à caractère scientifique et technologique est régi par des statuts particulières qui, pour certaines catégories de personnels peuvent, comme il est dit à l'article 26 de la même loi, revêtir un caractère dérogatoire ; qu'en outre, il est spécifié à l'article 25 de la loi que pour l'accomplissement des missions de la recherche publique, les statuts des personnels de recherche doivent garantir notamment "l'autonomie de leur démarche scientifique" et "leur participation à l'évaluation des travaux qui leur incombent" ;
Considérant que, sur le fondement de ces dispositions législatives le décret du 30 décembre 1983 pris en Conseil d'Etat, a fixé les dispositions statutaires "communes" aux corps de fonctionnaires des établissements publics scientifiques et technologiques ; que, dans son article 2, ce décret a prévu cependant qu'un décret en Conseil d'Etat détermine les dispositions statutaires complémentaires propres aux corps créés dans chaque établissement public à caractère scientifique et technologique, ou communs à plusieurs établissements et, en tant que de besoin, les dérogations aux dispositions "statutaires communes" que justifie la spécificité de l'établissement" ;

Considérant que le décret n° 85-1060 du 2 octobre 1985 relatif aux statuts particuliers des corps de fonctionnaires de l'Institut français de recherche scientifique pour le développement en coopération (ORSTOM), énonce dans son article 1er que ces corps de fonctionnaires sont régis par ses dispositions ainsi que par celles du décret du 30 décembre 1983 ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces textes que, dans la mesure où il n'est pas expressément dérogé par le décret du 2 octobre 1985 relatif aux statuts des personnels de l'ORSTOM, au décret du 30 décembre 1983 fixant les dispositions statutaires communes, ces dernières doivent recevoir application ; qu'ainsi, pour le recrutement et la titularisation des techniciens de la recherche de l'ORSTOM l'autorité administrative doit se conformer aux dispositions de l'article 110 du décret du 30 décembre 1983 qui prévoient que les techniciens reçus aux concours externes sont soumis à un stage d'un an qui fait lui-même l'objet d'un rapport établi par le directeur de l'unité de recherche ou le chef du service auprès duquel l'agent est affecté et que ledit rapport intervient "après consultation du conseil de laboratoire ou de l'instance en tenant lieu" ; qu'en outre, eu égard à sa finalité, cette garantie est également requise au cas où, à l'issue d'une première année de stage, l'intéressé a été autorisé à effectuer un nouveau et dernier stage d'une année ;
Considérant, à la vérité, que le décret n° 84-430 du 5 juin 1984 portant organisation et fonctionnement de l'Institut français de recherche pour le développement en coopération n'a institué ni "conseil de laboratoire" ni de "structure en tenant lieu" ;
Mais considérant qu'une telle omission ne saurait affranchir l'autorité administrative du respect des prescriptions de l'article 110 du décret du 30 décembre 1983 auxquelles le décret du 2 octobre 1985 n'a pas, comme il a été dit ci-dessus, prévu de déroger ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., recruté le 16 juillet 1991 en qualité de technicien stagiaire après sa réussite au concours externe, n'a été titularisé ni à l'issue de son stage initial d'un an, ni au terme du nouveau stage d'une année qu'il avait été autorisé à effectuer ; qu'il est constant que le refus de le titulariser est intervenu sans consultation préalable du conseil de laboratoire ou de l'instance en tenant lieu, en méconnaissance des prescriptions de l'article 110 du décret du 30 décembre 1983 ; que le requérant est par suite fondé à soutenir que la décision du 30 juin 1993 refusant de le titulariser est intervenue sur une procédure irrégulière et doit pour ce motif être annulée ; qu'il en va de même de la décision du 12 août 1993 ayant rejeté le recours gracieux de l'intéressé ;
Sur les conclusions relatives aux frais exposés par les parties et non compris dans les dépens :

Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que M. X..., qui n'est pas la partie perdante, soit condamné à payer à l'ORSTOM la somme réclamée par cet établissement public au titre des frais exposés par lui et non compris dans lesdépens ; qu'en revanche, il y a lieu de condamner l'ORSTOM à verser au requérant la somme de 10 000 F qu'il réclame au titre des frais de même nature qu'il a lui-même exposés ;
Sur les conclusions tendant à ce que le Conseil d'Etat ordonne la réintégration dans ses fonctions et la titularisation de M. X... sous astreinte :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 6-1 ajouté à la loi du 16 juillet 1980 par la loi du 8 février 1995 : "Lorsqu'il règle un litige au fond par une décision qui implique nécessairement une mesure d'exécution dans un sens déterminé, le Conseil d'Etat, saisi de conclusions en ce sens, prescrit cette mesure et peut assortir sa décision d'une astreinte à compter d'une date qu'il détermine" ;
Considérant que l'annulation pour vice de procédure de la décision refusant de titulariser l'intéressé implique que l'autorité administrative statue à nouveau sur son cas dans des conditions régulières, sans qu'elle soit nécessairement tenue de le titulariser ; qu'ainsi les conclusions susvisées ne peuvent être accueillies ;
Article 1er : L'article 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 31 mars 1998 est annulé.
Article 2 : Sont annulés, l'arrêté du 30 juin 1993 mettant fin aux fonctions de technicien de la recherche de 3ème classe de M. X... ainsi que la décision du 12 août 1993 par laquelle le secrétaire général de l'Institut français de recherche scientifique pour le développement en coopération (ORSTOM) a rejeté le recours gracieux de l'intéressé.
Article 3 : L'Institut français de recherche scientifique pour le développement en coopération (ORSTOM) versera à M. X... la somme de 10 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de l'Institut français de recherche scientifique pour le développement en coopération tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Abdessamad X..., à l'Institut de recherche scientifique pour le développement et au ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.


Synthèse
Formation : 4 / 6 ssr
Numéro d'arrêt : 203129
Date de la décision : 03/03/2000
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

- RJ1 ETABLISSEMENTS PUBLICS - REGIME JURIDIQUE - PERSONNEL - STATUT - CADispositions statutaires communes aux corps de fonctionnaires des établissements publics à caractère scientifique et technologique (décret du 30 décembre 1983) - Dérogations apportées à ces dispositions communes par les dispositions statutaires complémentaires propres aux corps créés dans chaque établissement (article 2 de ce décret) - Nécessité d'une dérogation expresse (1).

33-02-06-02 En vertu des dispositions de l'article 17 de la loi du 15 juillet 1982 d'orientation et de programmation pour la recherche et le développement technologique de la France, le personnel des établissements publics à caractère scientifique et technologique est régi par des statuts particuliers qui, pour certaines catégories de personnel peuvent, comme il est dit à l'article 26 de la même loi, revêtir un caractère dérogatoire. En outre, il est spécifié à l'article 25 de la loi que, pour l'accomplissement des missions de la recherche publique, les statuts des personnels de recherche doivent garantir notamment "l'autonomie de leur démarche scientifique" et "leur participation à l'évaluation des travaux qui leur incombent". Sur le fondement de ces dispositions législatives, le décret du 30 décembre 1983 a fixé les dispositions statutaires "communes" aux corps de fonctionnaires des établissements publics scientifiques et technologiques. Dans son article 2, ce décret a prévu cependant qu'un décret en Conseil d'Etat détermine les dispositions statutaires complémentaires propres aux corps créés dans chaque établissement public à caractère scientifique et technologique, ou communs à plusieurs établissements et, en tant que de besoin, les dérogations aux dispositions "statutaires communes que justifie la spécificité de l'établissement". Le décret du 2 octobre 1985 relatif aux statuts particuliers des corps de fonctionnaires de l'Institut français de recherche scientifique pour le développement en coopération (ORSTOM), énonce dans son article 1er que ces corps de fonctionnaires sont régis par ses dispositions ainsi que par celles du décret du 30 décembre 1983.

33-02-06-02 Il résulte de l'ensemble de ces textes que, dans la mesure où il n'est pas expressément dérogé, par le décret du 2 octobre 1985 relatif aux statuts des personnels de l'ORSTOM, au décret du 30 décembre 1983 fixant les dispositions statutaires communes, ces dernières doivent recevoir application. Ainsi, pour le recrutement et la titularisation des techniciens de la recherche de l'ORSTOM l'autorité administrative doit se conformer aux dispositions de l'article 110 du décret du 30 décembre 1983 qui prévoient que les techniciens reçus aux concours externes sont soumis à un stage d'un an qui fait lui-même l'objet d'un rapport établi par le directeur de l'unité de recherche ou le chef du service auprès duquel l'agent est affecté et que ledit rapport intervient "après consultation du conseil de laboratoire ou de l'instance en tenant lieu". En outre, eu égard à sa finalité, cette garantie est également requise au cas où, à l'issue d'une première année de stage, l'intéressé a été autorisé à effectuer un nouveau et dernier stage d'une année. La circonstance que le décret du 5 juin 1984 portant organisation et fonctionnement de l'ORSTOM n'a institué ni "conseil de laboratoire" ni "structure en tenant lieu" ne saurait affranchir l'autorité administrative du respect des prescriptions de article 110 du décret du 30 décembre 1983.


Références :

Arrêté du 30 juin 1993
Décret 83-1260 du 30 décembre 1983 art. 110
Décret 84-430 du 05 juin 1984
Décret 85-1060 du 02 octobre 1985 art. 1
Loi 80-539 du 16 juillet 1980 art. 6-1
Loi 82-610 du 15 juillet 1982 art. 17, art. 26, art. 25
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75
Loi 95-125 du 08 février 1995

1.

Rappr. Ass. 1998-07-03, Syndicat national de l'environnement CFDT et autres, p. 272


Publications
Proposition de citation : CE, 03 mar. 2000, n° 203129
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Genevois
Rapporteur ?: M. Mion
Rapporteur public ?: M. Schwartz

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2000:203129.20000303
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