Vu la requête, enregistrée le 14 avril 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la SOCIETE WASTEC-STROBEL GMBH, dont le siège social est situé ... Süd à D-66117 Saarbrücken, représentée par son gérant en exercice ; la SOCIETE WASTEC-STROBEL GMBH demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 97-1133 du 8 décembre 1997 relatif aux épandages de boues issues du traitement des eaux usées, de l'arrêté du 8 janvier 1998 fixant les prescriptions techniques applicables aux épandages de boues et de l'arrêté interministériel du 2 février 1998 portant abrogation de l'arrêté du 29 août 1988 portant application obligatoire d'une norme ;
2°) de condamner l'Etat à lui payer une somme de 20 000 F au titre de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne ;
Vu la directive 75/442/CEE modifiée du 15 juillet 1975 ;
Vu la directive 86/278/CEE du 12 juin 1986 ;
Vu le règlement n° 259/93/ CEE du 1er février 1993 ;
Vu le décret n° 97-1133 du 8 décembre 1997 ;
Vu l'arrêté du 29 août 1988 ;
Vu l'arrêté du 8 janvier 1998 ;
Vu l'arrêté du 2 février 1998 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Fougier, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Seban, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, pour demander l'annulation du décret n° 97-1133 du 8 décembre 1997 relatif à l'épandage des boues issues du traitement des eaux usées, celle de l'arrêté du 8 janvier 1998 fixant les prescriptions techniques applicables aux épandages de boues pour les sols agricoles pris en application du décret du 8 décembre 1997 précité et celle de l'arrêté du 2 février 1998 abrogeant l'arrêté du 29 août 1988 portant application obligatoire d'une norme, la SOCIETE WASTEC-STROBEL GMBH fait valoir que ces trois textes réglementaires sont entachés d'illégalité notamment en ce qu'ils ne transposent pas en droit interne la directive 86/278/CEE du 12 juin 1986 modifiée conformément aux dispositions de celle-ci ; qu'en outre, elle soutient que les textes attaqués sont entachés de détournement de pouvoir ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la directive 75/442/CEE du 15 juillet 1975 modifiée par la directive 91/156/CEE du 18 mars 1991 : "Aux fins de la présente directive, on entend par : a) déchet : toute substance ou objet qui relève des catégories figurant à l'annexe I, dont le détenteur se défait ou dont il a l'intention ou l'obligation de se défaire. La Commission agissant selon la procédure prévue à l'article 18 établira, au plus tard le 1er avril 1993, une liste de déchets appartenant aux catégories énumérées à l'annexe I ( ...)" ; que la liste de déchets établie par la décision de la commission du 20 décembre 1993 mentionne, dans son index, à la rubrique 19.08.05, les boues provenant du traitement des eaux usées urbaines ; qu'il résulte de ces dispositions que les boues provenant du traitement des eaux usées urbaines sont des déchets au sens de la directive 75/442/CEE du 15 juillet 1975 ;
Considérant, il est vrai, que le troisième considérant de la directive 86/278/CEE du 12 juin 1986 relative à la protection de l'environnement et notamment des sols, lors de l'utilisation des boues d'épuration en agriculture énonce que : "les boues d'épuration utilisées dans le cadre de l'exploitation agricole ne sont pas couvertes par la directive 75/442/CEE du Conseil du 15 juillet 1975, relative aux déchets" ;
Considérant, toutefois, que les articles de la directive 86/278/CEE, qui ont seuls un caractère normatif, ne reprennent pas explicitement une telle interprétation ; que l'article 3 paragraphe 2, de la directive réserve même, dans certaines hypothèses l'application des directives 75/442/CEE et 78/319/CEE du Conseil du 20 mars 1978 relative aux déchets toxiques et dangereux ; que la Cour de Justice des communautés européennes a par son arrêt du 28 mars 1990 rendu dans les affaires C-206/88 et C-207/88 dit pour droit que "la notion de déchet au sens des articles 1er des directives 75/442/CEE et 78/319/CEE ... ne doit pas s'entendre comme excluant les substances et objets susceptibles de réutilisation économique" ; qu'en outre, il ressort de l'arrêt rendu par la même juridiction le 17 mars 1993 dans l'affaire C-155/91 que l'article 1er de la directive 91/516/CEE du conseil du 18 mars 1991 modifiant la directive 75/442/CEE relative aux déchets, "a pour objet principal d'assurer, dans le souci de protéger l'environnement, l'efficacité de la gestion des déchets dans la communauté, quelle qu'en soit l'origine, et n'a qu'accessoirement des effets sur les conditions de la concurrence et des échanges" ; qu'il résulte de l'interprétation ainsi donnée du droit communautaire comme des dispositions combinées de la directive 86/278/CEE du 12 juin 1986 et de la directive 75/442/CEE du 15 juillet 1975 modifiée par la directive 91/156/CEE du 18 mars 1991 que si les boues d'épuration utilisées en agriculture ne sont pas normalement soumises aux dispositions de la directive du 15 juillet 1975, en tant qu'elles sont utilisées comme matières fertilisantes par épandages sur les sols agricoles, elles n'en répondent pas moins à la définition de la notion de déchets donnée par cette directive ; ce qui entraîne par là même leur soumission, en cas notamment de transfert d'un Etat membre de la Communauté européenne à un autre, aux dispositions du règlement du 1er février 1993 ;
Considérant, en premier lieu, que le décret du 8 décembre 1997 est intervenu pour transposer en droit interne la directive 86/278/CEE du 12 juin 1986 ; que, contrairement aux affirmations de la société requérante, ce décret n'établit pas une classification des boues résiduaires d'épuration différente de celle figurant à l'article 2 de la directive ; que les boues mentionnées au a) i) de l'article 2 de la directive font l'objet des dispositions du décret litigieux et de l'arrêté interministériel du 8 janvier 1998 ; qu'il en va de même des boues provenant de fosses septiques mentionnées au a) ii) de l'article 2 de la directive ; que l'assimilation de ces boues à celles des stations d'épuration urbaines, opérée par les articles 4 et 5 du décret, est conforme aux prescriptions du premier tiret du 2 de l'article 3 de la directive ; qu'en prévoyant l'exemption par l'article 2 du décret du 8 décembre 1997 des dispositions de ce décret pour les boues dont l'épandage fait l'objet de réglementations spécifiques, le décret n'a eu pour objet que de soumettre ces boues, conformément au deuxième tiret du 2 de l'article 3 de la directive du 12 juin 1986, à une réglementation spécifique édictée, par l'arrêté interministériel du 2 février 1998 relatif aux prélèvements et à la consommation d'eau ainsi qu'aux émissions de toute nature des installations classées pour la protection de l'environnement soumises à autorisation, et non de les dispenser de réglementation ;
Considérant, en deuxième lieu, que le décret du 8 décembre 1997 et l'arrêté du 8 janvier 1998 ne comportent pas de dispositions s'appliquant de façon différente aux boues résiduaires de stations d'épuration selon leur provenance nationale ; que les seules dispositions spécifiques applicables aux boues valorisables en agriculture qui visent des produits d'origine étrangère résultent de la reprise des prescriptions du règlement communautaire 259/93 du 1er février 1993, qui concernent les transferts de déchets entre Etats membres ;
Considérant, en troisième lieu, que les dispositions de l'article 8 du décret du 8 décembre 1997 exigent du producteur de boues la réalisation avant tout épandage d'une étude définissant l'aptitude du sol à le recevoir ; qu'il est spécifié que cette étude doit justifiernotamment que l'opération envisagée est compatible avec les plans de gestion des déchets prévus par la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 modifiée ; que de telles dispositions répondent à l'objectif de protection de l'environnement et des sols défini par la directive du 12 juin 1986 dont le décret du 8 décembre 1997 assure sur ce point la transposition en droit interne ;
Considérant, en quatrième lieu, que les pouvoirs de contrôle et de surveillance des opérations d'épandage conférés aux préfets notamment par les articles 10 et 11 du décret du 8 décembre 1997 et par la section 3 de l'arrêté du 8 janvier 1998 sont, contrairement aux affirmations de la société requérante, suffisamment définis et encadrés notamment par les articles 14 et 15 dudit arrêté et précisés par les annexes I et III ;
Considérant, enfin, que le gouvernement français était tenu par l'article 16 de la directive 86/278/CEE du 12 juin 1986 de transposer cette directive en droit interne ; que l'arrêté du 29 août 1988 rendant obligatoire l'application des chapitres 4, 5, 6 et 7 de la norme NFU 44-041 ne suffisait pas à assurer cette transposition ; que, par suite, le gouvernement devait pour assurer la transposition complète de ladite directive prendre une réglementation appropriée ; qu'à cette fin ont été pris tant le décret du 8 décembre 1997 que l'arrêté interministériel du 8 janvier 1998 ; que l'autorité compétente a pu légalement procéder le 2 février 1998 à l'abrogation de l'arrêté du 29 août 1988 qui n'avait plus d'effet utile ;
Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE WASTEC-STROBEL GMBH n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 8 décembre 1997, de l'arrêté du 8 janvier 1998 et de l'arrêté du 2 février 1998 ;
Sur les conclusions de la SOCIETE WASTEC-STROBEL GMBH tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à la SOCIETE WASTEC-STROBEL GMBH la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de la SOCIETE WASTEC-STROBEL GMBH est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE WASTEC-STROBEL GMBH, au Premier ministre et au ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.