Vu la requête sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 23 décembre 1996, 23 avril 1997 et le 23 juin 1997 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. André X..., demeurant ... ; M. PERLSTEIN demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 22 octobre 1996 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête à fin de décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et pénalités y afférentes auxquelles il a été assujetti au titre de chacune des années 1981 à 1984 par voie de rôle mis en recouvrement le 30 avril 1987 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Fabre, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Monod, Colin, avocat de M. PERLSTEIN,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel que M. PERLSTEIN, qui exerce la profession de photographe-reporter, et, principalement, dans les conditions d'où il résulte que cette activité est légalement assimilée à celle de journaliste professionnel salarié, a, au titre de chacune des années 1981 à 1984, après avoir fait l'objet d'une vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble, été assujetti à des cotisations d'impôt sur le revenu, primitive en ce qui concerne l'année 1982 et supplémentaires en ce qui concerne les années 1981, 1983 et 1984, qui, dans la mesure où elles ont été maintenues par l'administration, procèdent, en premier lieu, de l'imposition, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux et selon la procédure de l'évaluation d'office de profits non déclarés tirés de prestations effectuées dans des conditions caractérisant l'exercice d'une profession libérale, et, en second lieu, de l'imposition, dans la catégorie des traitements et salaires ou selon les règles prévues pour cette catégorie de revenus, de rémunérations salariales et de droits d'auteur que l'intéressé n'avait pas déclarés ou compris dans les revenus mentionnés sur ses déclarations ;
En ce qui concerne les bénéfices non commerciaux imposés au titre de chacune des années 1981 à 1984 :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi :
Considérant qu'en jugeant que, dès lors que la réalisation par M. PERLSTEIN de bénéfices issus d'un exercice à titre libéral, et non déclaré, de sa profession de photographe-reporter n'avait été révélée à l'administration qu'à l'occasion de la vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble entreprise à l'égard du contribuable, celle-ci avait pu régulièrement imposer, par voie d'évaluation d'office, lesdits bénéfices sans engager préalablement une vérification de comptabilité en ce qui les concerne, la cour administrative d'appel a, comme le soutient M. PERLSTEIN, commis une erreur de droit ; que l'arrêt attaqué doit, par suite, être annulé en tant qu'il a trait aux bénéfices non commerciaux susmentionnés ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article 11, deuxième alinéa, de la loi du 31 décembre 1987, de régler l'affaire au fond en ce qui concerne l'imposition des bénéfices non commerciaux ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du I de l'article 86 de la loi de finances pour 1998 du 30 décembre 1997, repris à l'article L. 47 C du livre des procédures fiscales : "Lorsque, au cours d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, sont découvertes des activités occultes ou mises en évidence des conditions d'exercice non déclarées d'une activité d'un contribuable, l'administration n'est pas tenue d'engager une vérification de comptabilité pour régulariser la situation fiscale du contribuable au regard de cette activité" ; et qu'aux termes du II du même article : "Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, les rappels notifiés selon les règles prévues au I avant le 1er janvier 1998 sont réputés réguliers en tant qu'ils seraient contestés par le moyen tiré du défaut d'engagement d'une vérification de comptabilité" ; que ces dispositions font désormais obstacle à ce que M.PERLSTEIN fasse utilement valoir qu'en l'espèce, la procédure aurait dû comporter l'engagement régulier d'une vérification de comptabilité, en vue de l'imposition des bénéfices issus de l'exercice libéral de sa profession, mis en évidence au cours de la vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble dont il a fait l'objet ;
Considérant, en deuxième lieu, que M. PERLSTEIN ne saurait utilement contester la régularité de la vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble dont il a fait l'objet, en ce qui concerne l'année 1981, en alléguant ne pas avoir eu l'occasion d'un débat oral avec le vérificateur, aucune disposition législative ou réglementaire n'imposant, en tout état de cause, que la possibilité d'un tel débat soit offerte au contribuable au cours d'une vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble ;
Considérant, en troisième lieu, que la vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble s'est, en ce qui concerne l'année 1981, achevée par une notification de redressements du 20 décembre 1985 ; que si, le 11 juin 1986, le vérificateur a adressé à M. PERLSTEIN une demande d'informations portant sur l'ensemble des quatre années 1981 à 1984, le requérant ne saurait soutenir que la procédure d'imposition se serait trouvée, de ce fait, entachée d'une violation des dispositions de l'article L. 50 du livre des procédures fiscales, en ce qui concerne l'année 1981, dès lors qu'aucun redressement complémentaire ne lui a été notifié au titre de ladite année à la suite de cette démarche ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'il est constant que M. PERLSTEIN s'est abstenu de déclarer, dans les conditions prévues aux articles 97 ou 101 du code général des impôts, les bénéfices qu'il a tirés de l'exercice de son activité libérale de photographe-reporter, au cours des années 1981 à 1984 ; qu'il s'est ainsi placé en situation de voir ces bénéfices évalués d'office par application du 2° de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales ; que l'administration a pu régulièrement user de cette procédure sans, au préalable, mettre le contribuable en demeure de réparer ses omissions de déclaration, les dispositions, issues du II de l'article 81 de la loi du 30 décembre 1986, reprises à l'article L. 68 du livre des procédures fiscales, et qui ont subordonné à l'accomplissement d'une telle démarche l'usage de la procédure de l'évaluation d'office, n'étant entrées en vigueur que postérieurement à l'expiration du délai de déclaration en l'espèce imparti à M. PERLSTEIN ; que le requérant n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales pour invoquer des recommandations faites, par voie d'instruction, aux agents de l'administration quant à la conduite de la procédure d'imposition ;
Considérant, en cinquième lieu, que, les impositions litigieuses ayant été mises en recouvrement le 30 avril 1987, sur les bases notifiées à M. PERLSTEIN dans une "réponse aux observations du contribuable" à lui adressée le 10 décembre 1986, le requérant n'est pas fondé à soutenir que ces impositions auraient été "prématurément" établies ;
Mais considérant, en dernier lieu, qu'il résulte de l'instruction que le vérificateur a, le 17 juillet 1986, demandé à M. PERLSTEIN, en faisant état des dispositions des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales, de justifier de l'origine de crédits enregistrés sur son compte bancaire au cours des années 1982 à 1984 ;
que, le 17 octobre 1986, le contribuable n'ayant pas répondu à cette demande, le vérificateur lui a notifié que, d'une part, il se proposait de taxer le montant des crédits inexpliqués en tant que revenus d'origine indéterminée, et que, d'autre part, au vu des "bulletins de recoupement" dont il disposait, il évaluait d'office ses bénéfices non commerciaux imposables à 2 127 F pour l'année 1982, 18 851 F pour l'année 1983et 54 237 F pour l'année 1984 ; que M. PERLSTEIN ayant, toutefois, postérieurement à cette notification, apporté la justification de certains des crédits bancaires sur lesquels il avait été interrogé, le vérificateur lui a notifié, le 10 décembre 1986, qu'eu égard aux crédits dont il s'avérait qu'ils correspondaient à des honoraires dont il n'avait pas, jusqu'alors, été tenu compte, l'évaluation de ses bénéfices non commerciaux était portée à 9 653 F pour l'année 1982, 39 591 F pour l'année 1983 et 61 415 F pour l'année 1984 ; que, dans la mesure où ces bases excèdent celles que le vérificateur avait d'abord notifiées à M. PERLSTEIN, leur détermination a procédé de l'utilisation d'éléments fournis par le contribuable en conséquence de la demande de justifications qui lui avait été adressée ; qu'il est constant que, pour l'année 1982, l'administration n'avait pas reçu de déclaration de revenus de M. PERLSTEIN, et que, pour les années 1983 et 1984, le montant des crédits enregistrés sur le compte bancaire du contribuable était très inférieur au double du montant des salaires par lui déclarés ; qu'ainsi, l'administration n'était pas en droit d'user, à l'égard de M. PERLSTEIN, de la procédure de demande de justifications à laquelle, en vertu de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, elle peut seulement recourir "lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés" ; qu'il suit de là que M. PERLSTEIN est fondé à soutenir que les impositions litigieuses ont été établies à l'issue d'une procédure entachée d'irrégularité, en tant que leurs bases incluent des bénéfices non commerciaux supérieurs à 2 127 F pour l'année 1982, 18 851 F pour l'année 1983 et 54 237 F pour l'année 1984, et que c'est à tort que, par le jugement dont il fait appel, le tribunal administratif ne lui a pas accordé la décharge des droits et pénalités correspondants ;
Sur le bien-fondé de l'imposition des bénéfices non commerciaux de l'année 1981 :
Considérant que, si M. PERLSTEIN soutient qu'à concurrence de 7 740 F, les bénéfices imposés par l'administration correspondraient à des honoraires par lui déclarés comme des salaires, et qui ont été imposés comme tels, il n'apporte aucune justification de nature à établir l'exactitude de cette allégation ;
En ce qui concerne les salaires et droits d'auteur imposés au titre des années 1982, 1983 et 1984 :
Considérant qu'en jugeant, d'une part, non établie la double imposition, alléguée par M. PERLSTEIN, de certaines rémunérations qui lui ont été versées par des sociétés du groupe Hachette, et, d'autre part, non justifiées par lui des sommes que l'administration aurait imposées comme des salaires alors que, selon le contribuable, elles auraient présenté le caractère de remboursements de frais non imposables, la cour administrative d'appel a, sans dénaturer, comme le soutient le requérant, les pièces du dossier qui lui était soumis, émis des appréciations souveraines et qui ne sauraient être discutées en cassation ; que M. PERLSTEIN n'est, dès lors, pas fondé à demander que l'arrêt attaqué soit annulé en ce qu'il a trait aux salaires et droits d'auteur susmentionnés ;
Sur l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que, si M. PERLSTEIN demande le remboursement des frais par lui engagés en instance d'appel et non compris dans les dépens, il ne précise pas le montant desdits frais ; que ces conclusions ne peuvent, par suite, être accueillies ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 22 octobre 1996 est annulé en tant que la Cour a statué sur l'imposition, comprise dans les cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles est resté assujetti M. PERLSTEIN au titre de chacune des années 1981 à 1984, de bénéfices non commerciaux.
Article 2 : Il est accordé à M. PERLSTEIN décharge de la différence entre le montant des cotisations d'impôt sur le revenu et pénalités y afférentes auxquelles il est resté assujetti au titre de chacune des années 1982, 1983 et 1984 et celui résultant de l'imposition de bénéfices non commerciaux limités, respectivement, à 2 127 F, 18 851 F et 54 237 F.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 6 juillet 1993 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 ci-dessus.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par M. PERLSTEIN devant la cour administrative d'appel de Paris en ce qui concerne l'imposition des bénéfices mentionnés à l'article 1er ci-dessus et le surplus des conclusions de sa requête devant le Conseil d'Etat sont rejetés.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. André PERLSTEIN et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.