Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 avril et 15 mai 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Serge X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision en date du 4 février 1998 par laquelle la section disciplinaire du Conseil national de l'Ordre des médecins lui a infligé la sanction de l'interdiction d'exercer la médecine pendant six mois ;
2°) de renvoyer l'affaire devant la section disciplinaire du Conseil national de l'Ordre des médecins ;
3 °) de condamner le Conseil national de l'Ordre des médecins à lui verser la somme de 20 000 F au titre de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi n° 95-884 du 3 août 1995 portant amnistie ;
Vu le décret n° 48-1671 du 26 octobre 1948 modifié ;
Vu le décret n° 95-1000 du 6 septembre 1995 portant code de déontologie médicale ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Olson, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. X..., de la SCP Vier, Barthélemy, avocat du Conseil national de l'Ordre des médecins, et de Me Hennuyer, avocat du conseil départemental de l'ordre des médecins de la Côte-d'Or,
- les conclusions de M. Schwartz, Commissaire du gouvernement ;
Sur les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure suivie devant la section disciplinaire du Conseil national de l'Ordre des médecins :
Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera ( ...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil ( ...)" ;
Considérant qu'aux termes de l'article 22 du décret du 26 octobre 1948 relatif au fonctionnement des conseils de l'ordre des médecins, des chirurgiens-dentistes et des sagesfemmes et de la section disciplinaire du Conseil national de l'Ordre des médecins : "La section disciplinaire du conseil national est saisie des appels des décisions des conseils régionaux en matière disciplinaire ( ...)" ; qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article 23 du même décret : "le secrétariat du Conseil national de l'Ordre des médecins ( ...) notifie l'appel au président du conseil régional en cause qui doit lui faire parvenir sans délai le dossier de l'affaire. L'appel est également notifié à l'auteur de la plainte ainsi que, le cas échéant, au conseil départemental au tableau duquel est inscrit le praticien et aux personnes en cause, lesquels doivent présenter leurs observations écrites dans le délai d'un mois" ; qu'aux termes du quatrième alinéa du même article 23 : "( ...) Le président de la section disciplinaire désigne un rapporteur parmi les membres de cette section appartenant à l'ordre du praticien mis en cause. Ce rapporteur dirige l'instruction de l'affaire ; il a qualité pour recueillir les témoignages qu'il croit devoir susciter et pour procéder à toutes constatations utiles" ; que l'article 26 du même décret, relatif à l'audience disciplinaire dispose : "Le président de la section disciplinaire dirige les débats. Le rapporteur présente un exposé des faits ( ...) l'appelant a le premier la parole. Dans tous les cas le praticien incriminé peut prendre la parole en dernier lieu ( ...)" ;
En ce qui concerne la participation du rapporteur au délibéré :
Considérant, d'une part, que si en application des dispositions précitées du quatrième alinéa de l'article 23 précité du décret du 26 octobre 1948 un des membres composant la section disciplinaire est désigné comme rapporteur et peut procéder, dans le cadre et pour les besoins du débat contradictoire entre les parties, à des mesures d'instruction qui ont pour objet de vérifier la pertinence des griefs et observations des parties et dont les résultats sont versés au dossier pour donner lieu à communication contradictoire, de telles attributions ne diffèrent pas de celles que la formation collégiale de jugement pourrait elle-même exercer et ne confèrent pas au rapporteur le pouvoir de décider par lui-même de modifier le champ de la saisine de la juridiction ; qu'ainsi et alors même qu'il incombe par ailleurs au rapporteur, en vertu de l'article 26 du même décret, de faire à l'audience un exposé des faits consistant en une présentation de l'affaire, l'ensemble de ces dispositions n'ont pas pour effet de lui conférer des fonctions qui, au regard du principe d'impartialité comme des autres stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, feraient obstacle à sa participation au délibéré de la section disciplinaire ;
Considérant, d'autre part, qu'il n'est pas allégué que le rapporteur désigné en l'espèce aurait exercé ses fonctions en méconnaissance des dispositions précitées du décret du 26 octobre 1948 ou manqué à l'obligation d'impartialité qui s'imposait à lui ;
En ce qui concerne l'absence de communication préalable du "rapport" établi par le rapporteur :
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le décret du 26 octobre 1948 a pu légalement prévoir que l'exposé de l'affaire à l'audience est présenté par le membre de la section disciplinaire désigné comme rapporteur ; que le texte de cet exposé, qui peut au demeurant ne pas être écrit, n'est pas soumis au principe du contradictoire applicable à l'instruction entre les parties ; qu'il n'est pas allégué qu'en l'espèce la rapporteur aurait communiqué avant l'audience le texte de son exposé à l'auteur de la plainte formée contre M. X... ; que, par suite, celui-ci n'est pas fondé à soutenir que, faute de lui avoir communiqué préalablement à l'audience le "rapport" du rapporteur, la section disciplinaire aurait méconnu les règles de procédure applicables et notamment les stipulations précitées de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur les autres moyens de la requête :
Considérant qu'il ressort des motifs de la décision attaquée que la section disciplinaire, qui n'était pas tenue de répondre à chacun des arguments avancés par M. X... à l'appui de son appel, a énoncé avec une précision suffisante les faits de nature à justifier que soit prononcée une sanction à son encontre ; que la section disciplinaire du Conseil national de l'Ordre des médecins a implicitement mais nécessairement refusé le bénéfice de l'amnistie au requérant ; qu'elle n'était pas tenue de motiver ce refus dès lors que M. X... n'avait pas expressément demandé dans ses écritures le bénéfice des dispositions de la loi du 3 août 1995 portant amnistie ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'une insuffisance de motivation doit être écarté ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la section disciplinaire aurait entaché sa décision d'une erreur de droit en jugeant que l'appel formé par le conseil départemental de l'ordre des médecins de la Côte-d'Or avait été formé dansle délai de trente jours prescrit par les dispositions de l'article 22 du décret du 26 octobre 1948 susvisé ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond que ceux-ci auraient entaché leur décision d'une erreur matérielle ou d'une dénaturation desdites pièces en retenant que M. X... a multiplié les consultations et les visites dans des proportions ne permettant pas d'assurer à chaque patient des soins consciencieux et dévoués, ainsi que le prévoit l'article 32 du code de déontologie médicale, qu'il a prescrit des quantités excessives de médicaments en méconnaissance de l'article 8 du même code et qu'il a tenu les dossiers médicaux de ses patients avec une rigueur insuffisante ; qu'en estimant que ces agissements étaient contraires à la probité et à l'honneur et, par suite, étaient exclus du bénéfice de l'amnistie prévue par la loi du 3 août 1995, la section disciplinaire n'a pas fait une inexacte application de cette loi ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision de la section disciplinaire du Conseil national de l'Ordre des médecins du 4 février 1998 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 susvisée font obstacle à ce que le Conseil national de l'Ordre des médecins, qui n'est pas partie au litige opposant le requérant au conseil départemental de l'ordre des médecins de la Côte-d'Or, soit condamné à payer à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Serge X..., au Conseil national de l'Ordre des médecins, au conseil départemental de l'ordre des médecins de la Côte-d'Or et au ministre de l'emploi et de la solidarité.