Vu la requête, enregistrée le 11 juillet 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Alain X..., syndic judiciaire, demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat : l'annulation du jugement du 10 juillet 1992 du tribunal administratif de Paris ayant rejeté sa demande en décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1981 et 1982 ;
2°) de renvoyer l'affaire devant une cour administrative d'appel, sauf à la régler au fond ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser, sur le fondement des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991, la somme de 10 000 F ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Bonnot, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Tiffreau, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X..., qui avait versé en 1965, lors de sa prise de fonctions de syndic judiciaire, un droit d'entrée de 297 000 F à la Compagnie des Syndics de Paris, a estimé qu'il avait perdu son droit au remboursement de cette somme, prévu par les statuts de la Compagnie, dès lors que la Compagnie avait ultérieurement supprimé le droit d'entrée ; qu'il a, pour ce motif, déduit le montant du droit d'entrée de ses recettes en l'imputant par moitié, soit 148 500 F, sur celles réalisées en 1981 et 1982 ; que l'administration a refusé d'admettre ces déductions ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le droit d'entrée exigé du nouveau membre de la Compagnie des syndics de Paris et qui était versé au trésorier de la Compagnie, était utilisé par ce dernier pour rembourser au syndic démissionnaire, ainsi remplacé, le droit d'entrée que celui-ci avait lui-même acquitté lors de sa prise de fonctions ; que, par suite, la cour administrative d'appel de Paris, en estimant qu'il n'était pas établi que les sommes versées à titre de droit d'entrée ne seraient pas demeurées disponibles dans la trésorerie de la Compagnie et n'auraient pas été susceptibles d'être réparties entre les syndics intéressés, a dénaturé les pièces qui lui étaient soumises ; que son arrêt doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 93 du code général des impôts relatif au bénéfice des professions non commerciales : "1 - Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession ..." ; que, si les versements effectués par les titulaires de bénéfices non commerciaux pour obtenir le droit d'exercer, qui ne constituent pas, lorsque ce droit n'est pas cessible, le prix d'acquisition d'un élément d'actif, n'ont pas à l'origine, lorsqu'ils sont remboursables, le caractère de dépenses professionnelles déductibles du revenu, ils acquièrent ce caractère à la date à laquelle il est constaté que leur remboursement n'est plus possible ; qu'il appartient au contribuable d'établir le caractère irrecouvrable des sommes en cause au cours de l'année d'imposition concernée ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par une résolution de son assemblée générale du 3 février 1982, la Compagnie des syndics de Paris a, à la demande du ministre de la justice, décidé de supprimer de ses statuts les stipulations relatives au droit d'entrée et à la bourse commune ; que cette suppression sans contrepartie a eu pour effet, comme l'admet le ministre chargé du budget qui ne conteste d'ailleurs pas la licéité du droit d'entrée institué par les statuts de la Compagnie, que les membres de la Compagnie cessant leurs fonctions nepouvaient plus obtenir à l'avenir, à compter de cette date, le reversement du droit d'entrée qu'ils avaient acquitté lors de leur entrée en fonctions ; que les membres de la compagnie ont subi de ce fait en 1982 une perte ayant le caractère d'une dépense professionnelle et d'un montant égal à celui du droit d'entrée qu'ils avaient acquitté ;
Considérant que les dépenses professionnelles des contribuables dont le résultat d'activité est imposable dans la catégorie des bénéfices non commerciaux doivent être déduites dans leur intégralité au titre de l'année au cours de laquelle elles ont été exposées ; qu'ainsi, que le ministre le soutient, M. X... ne pouvait imputer la dépense professionnelle résultant de la perte de son droit au reversement du droit d'entrée que sur ses bénéfices de l'année 1982, à l'exclusion des années précédentes ou des années suivantes ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de 1982 ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt du 19 mai 1994 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.
Article 2 : M. X... est déchargé du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1982.
Article 3 : Le jugement du 10 juillet 1992 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : L'Etat versera à M. X... la somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... devant la cour administrative d'appel de Paris est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Alain X... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.