Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 10 mars et 10 juillet 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jérôme X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat d'annuler un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 9 janvier 1997, statuant sur renvoi à la suite d'une décision du Conseil d'Etat du 31 mars 1995 ayant cassé l'arrêt précédemment rendu par la cour administrative d'appel de Paris, rejetant la demande du requérant tendant à l'annulation du jugement du 24 novembre 1988 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1980 dans les rôles de la ville de Paris et des pénalités y afférentes, ensemble à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme de 20 000 F en application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Liebert-Champagne, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Blondel, avocat de M. Jérôme X...,
- les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de l'arrêt attaqué :
Considérant que selon l'article R. 200 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, les jugements des tribunaux administratifs et les arrêts des cours administratives d'appel doivent notamment indiquer que le rapporteur de l'affaire a été entendu et mentionner le nom des membres de la juridiction qui ont concouru à la décision ; qu'il ressort des mentions portées sur l'arrêt attaqué de la cour administrative d'appel de Bordeaux que celui-ci a été rendu sur le rapport de M. Bec, conseiller, que la formation de jugement était composée de M. Berger, président de chambre, de M. Y..., président-rapporteur, et de MM. Desramé, Bec et Chemin, conseillers ; que le fait que M. Y..., magistrat ayant le grade de président de tribunal administratif, ait été mentionné dans l'arrêt sous l'appellation de président-rapporteur, n'a pas été de nature à créer une équivoque sur l'identité de l'unique rapporteur de l'affaire qui était M. Bec ; que, dès lors, M. Jérôme X... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêt serait irrégulier en la forme ;
Sur le bien-fondé de l'arrêt :
Considérant qu'aux termes de l'article 150 A du code général des impôts : "sous réserve des dispositions particulières qui sont propres aux bénéfices professionnels et aux profits de construction, les plus-values effectivement réalisées par des personnes physiques ou des sociétés de personnes lors de la cession à titre onéreux de biens ou de droits de toute nature, sont passibles de l'impôt sur le revenu suivant les règles particulières définies aux articles 150 B à 150 T, selon que ces plus-values proviennent de biens immobiliers cédés plus de deux ans ou de biens mobiliers cédés plus d'un an après l'acquisition" ; qu'aux termes de l'article 151 septies "les plus-values réalisées dans le cadre d'une activité agricole, artisanale, commerciale ou libérale par des contribuables dont les recettes n'excèdent pas les limites du forfait ou de l'évaluation administrative, sont exonérées, à condition que l'activité ait été exercée pendant au moins cinq ans et que le bien n'entre pas dans le champ d'application de l'article 691 ... Lorsque ces conditions ne sont pas remplies, il est fait application des règles prévues aux articles 150 A à 150 S" ; que pour bénéficier de cette exonération, le contribuable doit justifier que le bien dont la cession a dégagé une plus-value a été affecté à l'activité professionnelle ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, que M. Jérôme X... est associé dans quatre sociétés en nom collectif constituées en 1970 en vue del'acquisition d'un terrain situé à Valbonne et de la construction en vue de la vente de 138 villas, et qu'à la suite des difficultés pour obtenir les permis de lotir et de construire pour la réalisation de leur objet, celles-ci l'ont élargi en 1974 à la gestion d'un patrimoine immobilier et à son exploitation ainsi qu'à des prestations de services dans tous les domaines ayant trait à l'immobilier ; qu'une autorisation de lotir ayant été finalement obtenue pour 30 villas sur une partie du terrain en cause, celui-ci a été vendu le 25 avril 1980 à la société anonyme Corail ; que l'administration a imposé sur le fondement de l'article 35-I-1° la plus-value résultant de la vente du terrain entre les mains des associés dont M. Jérôme X... ;
Considérant que, par une décision du 31 mars 1995, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris, qui avait rejeté la requête de M. Jérôme X..., au motif que la cour ne pouvait faire application des dispositions relatives à l'article 35-I-1° sans rechercher si l'intéressé se livrait de façon habituelle à des opérations d'achat et de revente en l'état d'immeubles ; que, devant la cour administrative d'appel de Bordeaux, désignée comme juridiction de renvoi, le ministre a invoqué par la voie de la substitution de base légale les dispositions des articles 150 A et suivants pour fonder les impositions ;
Considérant que l'administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, de demander qu'une nouvelle base légale soit substituée à celle qu'elle avait primitivement retenue afin de justifier les impositions en litige, pourvu que cette substitution ne prive le contribuable d'aucune des garanties qui lui sont conférées par la loi ; que M. Jérôme X... n'a été privé d'aucune de ces garanties par le fait que l'administration devant la cour administrative d'appel de Bordeaux a entendu fonder le redressement dont il a fait l'objet sur les dispositions de l'article 150 A du code général des impôts par substitution aux dispositions de l'article 35-I-1° initialement retenues ; que ladite substitution de base légale n'est pas, en tout état de cause, contraire aux dispositions de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la circonstance qu'à la suite d'une erreur, M. Jérôme X... a été désigné dans l'arrêt comme associé majoritaire alors qu'il ne détenait que 48 % des parts est sans incidence sur l'application des dispositions de l'article 150 A lesquelles ont pour objet d'imposer les plus-values réalisées par les sociétés de personnes entre les mains des associés à due concurrence de leurs parts, sans qu'ait une incidence une détention de parts majoritaire ou non ;
Considérant que pour juger que les dispositions précitées de l'article 150 A étaient applicables et refuser au requérant l'application de l'exonération qu'il demandait, prévue à l'article 151 septies précité, la cour administrative d'appel de Bordeaux a estimé que le terrain de Valbonne a été acquis en vue de la revente, qu'il n'a pas cessé d'avoir cette destination, après la modification de l'objet social des sociétés en nom collectif, et que sa présence dans leur patrimoine n'était pas nécessaire à leur nouvel objet social ; qu'elle a ainsi porté sur les faits qui lui étaient soumis, sans les dénaturer une appréciation souveraine, qui n'est pas susceptible d'être discutée devant le juge de cassation ; qu'en en déduisant que dès lors, le terrain en cause devait être considéré comme un stock et en écartant par conséquent l'application des dispositions de l'article 151 septies du code général des impôts, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ; que la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier en estimant que M. Jérôme X... n'apportait aucun élément de nature à justifier une diminution du montant de la plus-value retenue par l'administration ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Jérôme X... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Sur l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. Jérôme X..., la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. Jérôme X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Jérôme X... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.