Vu la requête, enregistrée au secrétariat de la Section du contentieux le 6 janvier 1998, présentée par Mme Fatiha Y... épouse X..., demeurant 310, le Grand Mail, Saint-Guilhem II, n. 9, 34080 Montpellier, et tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 26 septembre 1997 rapportant le décret du 2 janvier 1995 en tant que ce décret la naturalisait ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Mary, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Martin Laprade, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 21-16 du code civil : "Nul ne peut être naturalisé s'il n'a en France sa résidence au moment de la signature du décret de naturalisation" ; qu'aux termes de l'article 27-2 du même code : "Les décrets portant naturalisation ou réintégration peuvent être rapportés sur avis conforme du Conseil d'Etat dans le délai d'un an à compter de leur publication au Journal officiel si le requérant ne satisfait pas aux conditions légales. Si la décision a été obtenue par mensonge ou fraude, ces décrets peuvent être rapportés dans le délai de deux ans à partir de la découverte de la fraude" ;
Considérant que Mme Fatiha Y..., épouse X..., a obtenu la nationalité française, par décret du 2 janvier 1995 ; que, pour rapporter, par le décret en date du 26 septembre 1997, sa décision de naturaliser l'intéressée, le gouvernement s'est fondé sur la circonstance que cette dernière a déclaré être célibataire lors du dépôt de sa demande, alors qu'elle aurait dans les jours précédant cette demande épousé un ressortissant marocain résidant au Maroc ;
Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier, en particulier du certificat établi le 7 octobre 1992, par le service compétent de la préfecture de l'Hérault que Mme Y... a déposé sa demande le 3 octobre 1992 ; que la requérante affirme sans être contredite que la date du 13 novembre 1992 que l'administration a retenue comme étant celle du dépôt de la demande, correspond au jour où elle a fourni des renseignements complémentaires à ce même service ; que le mariage de Mme Y... ayant été célébré le 9 novembre 1992, la postulante ne saurait être considérée comme ayant fait à la date du 3 octobre 1992 une déclaration mensongère sur sa situation matrimoniale ; qu'ainsi le décret attaqué est entaché d'erreur de fait ; que Mme Y... est fondée à en demander l'annulation ;
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que Mme Y... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à l'Etat la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le décret du 26 septembre 1997 rapportant le décret du 2 janvier 1995, en tant qu'il prononçait la naturalisation de Mme Y..., est annulé.
Article 2 : Les conclusions du ministre de l'emploi et de la solidarité tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Y... et au ministre de l'emploi et de la solidarité.