Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 9 avril et 5 août 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Société nouvelle ALT, dont le siège est ..., représentée par ses dirigeants légaux en exercice ; la société nouvelle ALT demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 11 février 1997 de la cour administrative d'appel de Paris, en tant, d'une part, qu'il maintient à sa charge des intérêts et indemnités de retard en ce qui concerne les suppléments d'impôt sur les sociétés et les compléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle reste assujettie au titre de l'année 1983 et de la période correspondante et ne fait, ainsi, que partiellement droit à sa requête dirigée contre le jugement du 17 mars 1994 du tribunal administratif de Paris, d'autre part, qu'il remet à sa charge la pénalité de 1 565 520 F qui lui avait été assignée, en application de l'article 1763 A du code général des impôts et fait, ainsi, droit au recours du ministre du budget contre le même jugement ;
2°) condamne l'Etat à lui payer une somme de 20 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, modifiée ;
Vu les articles 108 et 109 de la loi n° 92-1376 du 30 décembre 1992, portant loi de finances pour 1993 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme de Saint Pulgent, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la Société nouvelle ALT,
- les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'une vérification de sa comptabilité, effectuée d'octobre 1985 à septembre 1986 par la direction nationale des vérifications de situations fiscales, la Société nouvelle ALT a été, notamment, assujettie, au titre de l'année 1983 et de la période coïncidant avec cette année, sur les bases correspondant aux redressements qui lui avaient été notifiés le 25 novembre 1986 selon la procédure de rectification d'office, alors applicable, à un supplément d'impôt sur les sociétés et à un complément de taxe sur la valeur ajoutée, respectivement mis en recouvrement les 31 et 3 juillet 1989 ; qu'elle a, en outre, été soumise à la pénalité fiscale prévue par l'article 1763 A du code général des impôts, à raison du montant des bénéfices, réputés distribués, sur lesquels a porté le redressement dont elle a fait l'objet en matière d'impôt sur les sociétés au titre de l'année 1983, faute d'avoir indiqué à l'administration, dans le délai de trente jours qu'elle lui avait imparti à cet effet, l'identité du ou des bénéficiaires de cette distribution ; qu'elle se pourvoit contre l'arrêt rendu le 11 février 1997 par la cour administrative d'appel de Paris sur les appels formés tant par elle-même que par le ministre du budget contre le jugement du tribunal administratif de Paris du 17 mars 1994, en tant que, par cet arrêt, la Cour a, d'une part, maintenu à sa charge des intérêts et indemnités de retard substitués aux majorations pour mauvaise foi dont le supplément d'impôt sur les sociétés et le complément de taxe sur la valeur ajoutée ci-dessus mentionnés avaient été initialement assortis, d'autre part, rétabli la pénalité prévue par l'article 1763 A du code général des impôts, dont le tribunal administratif l'avait déchargée ;
En ce qui concerne les intérêts et indemnités de retard appliqués au supplément d'impôt sur les sociétés et au complément de taxe sur la valeur ajoutée assignés à la Société nouvelle ALT :
Considérant qu'aux termes de l'article 108 de la loi n° 92-1376 du 30 décembre 1992, portant loi de finances pour 1993 : "Sauf dispositions contraires, les règles de procédure fiscale ne s'appliquent qu'aux formalités accomplies après leur date d'entrée envigueur, quelle que soit la date de la mise en recouvrement des impositions. Ces dispositions s'appliquent aux formalités accomplies avant la publication de la présente loi" ; qu'aux termes de l'article 109 de la même loi : "Les vérifications de comptabilité engagées par la direction nationale des vérifications de situations fiscales avant l'entrée en vigueur de l'arrêté du 28 septembre 1992 modifiant l'arrêté du 17 mars 1983 portant sur la réorganisation de certaines directions des services extérieurs de la direction générale des impôts sont réputées régulières en tant qu'elles sont contestées par le moyen tiré de l'absence d'engagement d'une vérification approfondie de situation fiscale personnelle d'une personne physique ayant eu des liens avec la personne physique ou morale dont la comptabilité fait l'objet d'une vérification" ; que ces dispositions, qui ont eu pour seul objet de régulariser, avec effet rétroactif, des procédures de contrôle et d'imposition effectuées par l'administration, ne modifient en rien les obligations fiscales des contribuables ; qu'ainsi, la cour administrative d'appel de Paris n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que, bien que la régularité de la vérification de comptabilité et de la procédure de rectification d'office, supprimée à compter du 1er janvier 1987, par l'article 81-I de la loi de finances pour 1987, n° 86-1317 du 30 décembre 1986, dont la Société nouvelle ALT avait fait l'objet, tînt aux dispositions, précitées, des articles 108 et 109 de la loi du 30 décembre 1992, le supplément d'impôt sur le revenu et le complément de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pouvaient être assorties d'intérêts et d'indemnités de retard ;
En ce qui concerne l'application de la pénalité prévue par l'article 1763 A du code général des impôts :
Considérant que, pour demander la décharge de cette pénalité, la Société nouvelle ALT avait, notamment, soutenu, devant le tribunal administratif de Paris, que celle-ci n'avait pas fait l'objet de la motivation exigée par la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ; que la cour administrative d'appel a réformé le jugement du 17 mars 1994 du tribunal administratif de Paris, en tant qu'il avait prononcé, pour un autre motif, la décharge de la pénalité dont il s'agit, sans examiner ce moyen, opérant, dont elle se trouvait saisie par l'effet dévolutif de l'appel ; que la Société nouvelle ALT est, par suite, fondée à demander l'annulation, sur ce point, de l'arrêt attaqué ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, sur le même point, de régler l'affaire au fond, par application de l'article 11, deuxième alinéa, de la loi du 31 décembre 1987 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 72 de la loi du 18 janvier 1980, portant loi de finances pour 1980, ultérieurement repris à l'article 1763 A du code général des impôts, "Les sociétés et autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240 du code général des impôts, elles ne relèvent pas l'identité ... sont soumises à une pénalité fiscale calculée en appliquant au montant des sommes versées ou distribuées le double du taux maximum de l'impôt sur le revenu" ; que cette pénalité a pour fait générateur l'expiration du délai de trente jours imparti, en vertu de l'article 117 du code général des impôts, à la société ou autre personne morale qui a distribué les revenus pour révéler à l'administration l'identité du ou des bénéficiaires de cette distribution ; qu'il ne résulte cependant, ni de l'article 1763 A, ni d'aucune autre disposition, que la pénalité dont il s'agit doive être établie au titre d'une année déterminée ; que le ministre chargé du budget est, dès lors, fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris s'est fondé, pour décharger la Société nouvelle ALT de la pénalité à laquelle elle avait été soumise en application de l'article 1763 A, à raison, ainsi qu'il a été dit, des revenus réputés distribués correspondant aux redressements dont elle avait fait l'objet, en matière d'impôt sur les sociétés au titre de l'année 1983, sur ce que le fait générateur de cette pénalité s'était produit en 1987, de sorte que la société n'avait pu être légalement assujettie à ladite pénalité "au titre de l'année 1983" ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la Société nouvelle ALT devant le tribunal administratif de Paris ;
Considérant que la procédure prévue par l'article 117 du code général des impôts peut être mise en oeuvre à l'égard d'une société ou autre personne morale passible de l'impôt sur les sociétés à raison de l'excédent des distributions résultant du rehaussement de ses bénéfices, concomitamment avec la recherche du ou des véritables bénéficiaires de ces distributions, en tout cas jusqu'à ce que ceux-ci aient été assujettis à des impositions devenues définitives ; qu'ainsi, le seul fait que l'administration ait demandé à la Société nouvelle ALT de lui faire connaître l'identité du ou des bénéficiaires de l'excédent de ses distributions, en même temps qu'elle notifiait à son gérant un redressement portant, en matière de revenus de capitaux mobiliers, sur le même excédent, ne mettait pas obstacle à ce qu'elle appliquât à la société, à défaut de réponse de sa part, dans le délai imparti, à l'invitation qui lui avait été adressée en application de l'article 117, la pénalité prévue, en pareil cas, par l'article 1763 A ;
Considérant que le fait générateur de pénalité s'étant produit, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, au cours de l'année 1987, la Société nouvelle ALT n'est pas fondée à soutenir que la prescription édictée par l'article L. 188 du livre des procédures fiscales aurait été acquise lorsque la pénalité a été mise en recouvrement, le 31 juillet 1989 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ; "Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent" ; que, selon l'article 42 de la loi du 30 décembre 1986, portant loi de finances pour 1987, repris à l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : "1° Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 ... quand un document ou une décision adressé au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait a porté la motivation à la connaissance du contribuable ..." ; que la pénalité fiscale prévue à l'article 1763 A du code général des impôts est au nombre des sanctions auxquelles s'appliquent ces dispositions ; qu'il résulte de l'instruction qu'après avoir invité la Société nouvelle ALT, par une lettre du 3 décembre 1986, qui se référait à l'article 117 du code général des impôts, à désigner, dans un délai de trente jours, le ou les bénéficiaires de l'excédent des distributions résultant du rehaussement de ses bénéfices imposables, au titre de l'année 1983, l'administration lui a fait connaître, le 27 avril 1987, que faute d'avoir déféré à cette invitation, elle se verrait appliquer la pénalité prévue par l'article 1763 A du code général des impôts et lui en a précisé la base ; que, par suite, la société n'est pas fondée à soutenir que cette pénalité n'aurait pas fait l'objet d'une motivation suffisante au regard de la loi du 11 juillet 1979 ;
Considérant, enfin, qu'il résulte de l'ensemble des dispositions du code général des impôts et, notamment, de son article 1736, que, jusqu'à l'entrée en vigueur de l'article 112 de la loi du 30 décembre 1992, portant loi de finances pour 1993, le législateur avait entendu exclure l'obligation pour l'administration de suivre une procédure contradictoire pour l'établissement de pénalités fiscales, y compris celle que prévoit l'article 1763 A ; qu'ainsi, la Société nouvelle ALT n'est pas fondée à soutenir que l'administration était tenue de lui accorder un délai de trente jours pour présenter les observations en réponse à la lettre du 27 avril 1987, l'informant que la pénalité prévue à l'article 1763 A lui serait appliquée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre chargé du budget est fondé à demander que cette pénalité soit remise à la charge de la Société nouvelle ALT et que le jugement du tribunal administratif de Paris du 17 mars 1994 soit réformé en ce sens ;
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la Société nouvelle ALT la somme qu'elle demande, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'article 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 11 février 1997 est annulé.
Article 2 : La pénalité de 1 565 520 F à laquelle la Société nouvelle ALT a été soumise en application de l'article 1763 A du code général des impôts, est remise à sa charge.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 17 mars 1994 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 ci-dessus.
Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes présentées par la Société nouvelle ALT devant la cour administrative d'appel de Paris et devant le Conseil d'Etat est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la Société nouvelle ALT et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.