Vu la requête, enregistrée le 11 avril 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la REGION DU LIMOUSIN, représentée par son président en exercice, domicilié à l'Hôtel de Région, ... ; la REGION DU LIMOUSIN demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision rendue publique par un communiqué de presse du 9 février 1994, par laquelle le gouvernement français a notamment arrêté la répartition, entre les régions concernées, de la dotation attribuée à la France par la Commission des Communautés européennes au titre des crédits d'engagement des fonds structurels pour l'objectif n° 5 b) défini par le règlement (CEE) n° 2052/88, modifié, du Conseil, pour la période 1994-1999 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le règlement (CEE) n° 2052/88 du Conseil des Communautés européennes du 24 juin 1988, modifié par le règlement (CEE) n° 2081/93 du Conseil du 20 juillet 1993 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Collin, Auditeur,
- les observations de la SCP Defrénois, Lévis, avocat du président du conseil régional du Limousin,
- les conclusions de M. Courtial, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 4 du règlement (CEE) n° 2052/88 du Conseil des Communautés européennes du 24 juin 1988, modifié par le règlement (CEE) n° 2081/93 du Conseil du 20 juillet 1993, concernant les missions des fonds à finalité structurelle, leur efficacité ainsi que la coordination de leurs interventions entre elles et celles de la Banque européenne d'investissement et des autres instruments financiers existants : "L'action communautaire est conçue comme un complément des actions nationales correspondantes ou une contribution à celles-ci. Elle s'établit par une concertation étroite entre la Commission, l'Etat membre concerné, les autorités et les organismes compétents désignés par l'Etat membre au niveau national, régional, local ou autre, toutes les parties étant des partenaires poursuivant un but commun. Cette concertation est ci-après dénommée "partenariat". Le partenariat porte sur la préparation, le financement, ainsi que sur l'appréciation ex ante, le suivi et l'évaluation ex post des actions ..." ; qu'aux termes du paragraphe 3 de l'article 11 bis du même règlement, relatif à l'"objectif n° 5b)", qui vise à faciliter le développement rural et l'ajustement structurel des zones rurales : "Dès l'entrée en vigueur du présent règlement, et après prise en compte des informations communautaires relatives aux dispositions visées aux paragraphes 1 et 2, les Etats membres concernés proposent à la Commission, sur la base des dispositions desdits paragraphes, et eu égard au principe de concentration, la liste des zones qu'ils estiment devoir bénéficier de l'action au titre de l'objectif n° 5b), et lui communiquent toutes les informations utiles à cet égard. Sur la base de ces éléments et de son appréciation d'ensemble des propositions soumises, et en tenant compte des priorités et situations nationales, la Commission arrête, en concertation étroite avec l'Etat membre concerné et selon la procédure visée à l'article 17, la liste des zones éligibles ..." ; que le même article 11 bis prévoit, en son paragraphe 5, que "les Etats membres concernés présentent à la Commission les plans de développement rural ..." et, en son paragraphe 6, que "la Commission apprécie les plans proposés en fonction de leur cohérence avec les objectifs du présent règlement ainsi qu'avec les dispositions et politiques visées aux articles 6 et 7. Elle établit, sur la base de ces plans, dans le cadre du partenariat visé à l'article 4 paragraphe 1 et en accord avec l'Etat membre concerné, le cadre communautaire d'appui au développement rural pour les interventions structurelles communautaires ..." ; qu'aux termes, enfin, du paragraphe 4 de l'article 12 du règlement (CEE) n° 2052/88, modifié : "La Commission établit, suivant des procédures transparentes, des répartitions indicatives par Etat membre pour chacun des objectifs 1 à 4 et 5b) des crédits d'engagement des Fonds structurels ..." ;
Considérant que, par une décision du 26 janvier 1994, la Commission a arrêté, en application du paragraphe 3 de l'article 11 bis précité, la liste des zones rurales éligibles au titre de l'objectif 5b) des fonds à finalité structurelle pour la période 1994-1999 ; que, par une décision du 28 février 1994, la Commission a fixé, en application du paragraphe 4 de l'article 12, précité, la répartition indicative entre les Etats membres des crédits d'engagement des fonds à finalité structurelle pour l'objectif 5b) au titre de la période 1994-1999, le montant des crédits alloués à la France par cette décision s'élevant à 2 238 millions d'écus, contre 720 millions d'écus au titre de la période 1989-1994 ; qu'antérieurement à l'adoption formelle de cette décision par la Commission, le ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire avait, par un communiqué de presse du 9 février 1994, rendu public le tableau, arrêté par le gouvernement français, de la répartition indicative entre les régions françaises comprenant des zones rurales éligibles au titre de l'objectif 5b), de la dotation allouée à la France, les montants ainsi déterminés devant servir de référence à chaque préfet de région pour proposer, aux fins de la procédure définie au paragraphe 5 de l'article 11 bis, précité, un programme de développement rural ayant vocation à être cofinancé à l'aide des ressources des fonds structurels de la Communauté qui contribuent à la réalisation de l'objectif 5b) ; que le communiqué du 5 février 1994 précisait que les sommes réparties entre les régions conserveraient un caractère indicatif, tant que les plans de développement rural n'auraient pas été présentés à la Commission, "puis négociés et arrêtés avec elle" ;
Considérant que la REGION DU LIMOUSIN demande l'annulation de la décision rendue publique par le communiqué du ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire du 9 février 1994 ;
Sur la recevabilité de la requête :
Considérant que, bien qu'elle ne soit destinée qu'à préparer les plans de développement rural qu'il appartient aux autorités françaises, en application du paragraphe 5 de l'article 11 bis précité, de présenter à la Commission, la décision du 9 février 1994, qui définit les limites des financements communautaires dont les régions concernées pourront bénéficier, fait grief à ces dernières ; que, par suite, la REGION DU LIMOUSIN est recevable à déférer cette décision au juge de l'excès de pouvoir ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Considérant que la répartition indicative, effectuée par cette décision entre les régions comprenant des zones rurales éligibles au titre de l'objectif 5b), de la dotation allouée à la France par la décision, précitée, de la Commission du 28 février 1994, a pour objet, ainsi qu'il a été dit, de servir de référence à chaque préfet de région pour proposer un programme de développement rural ayant vocation à être cofinancé à l'aide des ressources des fonds structurels de la Communauté qui contribuent à la réalisation de l'objectif 5b) ; qu'elle constitue ainsi une étape de la préparation, confiée aux Etats membres par le règlement (CEE) n° 2052/88, modifié, des plans de développement rural à présenter à la Commission ; que la REGION DU LIMOUSIN n'est, par suite, pas fondée à soutenir que les autorités françaises auraient été incompétentes pour procéder à la répartition indicative ci-dessus mentionnée ;
Considérant que la même région soutient que cette répartition a été faite en méconnaissance de la règle énoncée au paragraphe 4 de l'article 11 bis du règlement (CEE) n° 2052/88, modifié, selon laquelle "dans la sélection des zones rurales et lors de la programmation de l'intervention des Fonds, la Commission et les Etats membres veillent à assurer une concentration effective des interventions sur les zones souffrant des problèmes de développement rural les plus graves ...", en raison, d'une part, de l'accroissement du nombre des régions françaises déclarées éligibles au titre de l'objectif 5b), qui regroupent, pour la période 1994-1999, une population de 9,7 millions de personnes contre 5,8 millions pour la période 1989-1994 et, d'autre part, de la diminution, du fait de l'adoption de critères de répartition ne tenant pas compte du degré de fragilité des différentes régions, de la part relative de la REGION DU LIMOUSIN, dont la dotation n'a été multipliée, par rapport à celle de la période précédente, que par 1,95, alors que le montant total de la dotation française a été, dans le même temps, multipliée par 3,10 ;
Considérant que la liste des régions françaises éligibles au titre de l'objectif 5b) a été arrêtée par la décision, précitée, de la Commission du 26 janvier 1994 ; que le moyen tiré de ce que cette liste aurait été fixée en méconnaissance du principe de concentration des interventions est, par suite, inopérant à l'encontre de la décision attaquée du gouvernementfrançais du 9 février 1994 ; que, eu égard à l'augmentation du nombre de régions françaises éligibles au titre de l'objectif 5b) et de la nécessité de les doter de crédits permettant la mise en oeuvre effective de cet objectif, le gouvernement a pu, sans méconnaître le principe de concentration ci-dessus rappelé, recourir, pour arrêter la répartition indicative contestée à des critères ayant trait à la population et à la superficie des régions concernées, corrigés par l'attribution aux régions qui avaient déjà été retenues au titre de programmes antérieurs, en raison des problèmes de développement rural qui les caractérisent, d'un préciput prélevé sur la dotation globale allouée à la France ; qu'en outre, cette répartition indicative ne préjuge en rien du caractère concentré des interventions que la Commission décidera, au vu des plans de développement rural présentés par les autorités françaises sur la base des propositions des préfets de région, de financer dans les régions éligibles au titre de l'objectif 5b) ;
Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la REGION DU LIMOUSIN n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision attaquée du 9 février 1994 ;
Article 1er : La requête de la REGION DU LIMOUSIN est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la REGION DU LIMOUSIN et au ministre de l'intérieur.