Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 28 novembre 1995 et 19 mars 1996, présentés pour la société CIMAMED dont le siège est ..., représentée par son président en exercice ; la société CIMAMED demande que le Conseil d'Etat annule l'ordonnance du 12 octobre 1995 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 3 mars 1995 rejetant sa demande d'annulation de l'arrêté du 14 janvier 1993 par lequel le maire de Port-la-Nouvelle a refusé de lui délivrer un permis de construire pour un projet de construction d'un bâtiment à usage industriel destiné au stockage de ciment ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu les articles 57-3 à 57-10 ajoutés au décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 par le décret n° 88-905 du 2 septembre 1988 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Lagumina, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Choucroy, avocat de la société CIMAMED et de Me Blondel, avocat de la commune de Port-la-Nouvelle,
- les conclusions de Mme Bergeal, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article L. 600-3 du code de l'urbanisme : "En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un document d'urbanisme ou d'une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant un document d'urbanisme ou une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol. L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif" ; qu'il ressort de ces dispositions que le législateur, en employant l'expression "décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code", n'a entendu viser, conformément à l'objectif de sécurité juridique poursuivi par la loi, que les décisions valant autorisation d'occupation ou d'utilisation du sol qui sont régies par le code de l'urbanisme ; qu'il en résulte qu'un refus de permis de construire ne constitue pas une décision entrant dans le champ de l'article L. 600-3 du code de l'urbanisme ; que par conséquent, l'appel dirigé contre un jugement ayant statué sur la légalité d'une décision de refus de permis de construire n'est pas assujetti au respect des formalités de notification prévues par l'article L. 600-3 du code de l'urbanisme ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en rejetant la requête de la société CIMAMED, dirigée contre le jugement par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de la décision du maire de Port-la-Nouvelle lui refusant un permis de construire, au motif qu'elle n'avait pas été précédée des formalités prévues à l'article L. 600-3 du code de l'urbanisme, le président de la première chambre de la cour administrative d'appel de Bordeaux a entaché son ordonnance d'une erreur de droit ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par la commune de Port-la-Nouvelle ;
Considérant qu'aux termes de l'article R.111-2 du code de l'urbanisme : "Lepermis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique" ;
Considérant que, par un arrêté du 14 janvier 1993, le maire de Port-la-Nouvelle a refusé à la société CIMAMED un permis de construire un bâtiment à usage industriel destiné au stockage de ciment en vrac au motif qu'une telle construction, située à proximité immédiate d'installations de stockage d'hydrocarbures de la société Total, était susceptible de porter atteinte à la salubrité et à la sécurité publiques ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si, compte tenu des précautions prises, le bâtiment projeté par la société CIMAMED n'aurait pas porté atteinte à la salubrité publique, le maire aurait pris la même décision en se fondant sur le seul motif de ce que la construction d'un bâtiment à usage industriel destiné au stockage de ciment en vrac à proximité d'une installation de stockage d'hydrocarbures était susceptible, compte tenu du voisinage de maisons d'habitation, de porter atteinte à la sécurité publique ;
Considérant que la décision attaquée n'a pas été prise pour l'application de l'arrêté du 16 décembre 1992 du préfet de l'Aude portant classement de l'installation de stockage d'hydrocarbures de la société Total ; que, par suite, le moyen tiré de l'interprétation erronée de cet arrêté est inopérant ;
Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société CIMAMED n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué en date du 3 mars 1995, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 14 janvier 1993 par lequel le maire de Port-la-Nouvelle a refusé de lui délivrer un permis de construire ;
Sur les conclusions de la commune de Port-la-Nouvelle tendant à la suppression de passages des mémoires de la société CIMAMED :
Considérant qu'aucun passage des mémoires de la société CIMAMED devant la cour administrative d'appel ne présente de caractère injurieux ou diffamatoire ; que, par suite, les conclusions tendant à leur suppression doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la société CIMAMED à payer à la commune de Port-la-Nouvelle la somme de 20 000 F qu'elle demande au titre des frais exposés par elle tant en appel qu'en cassation et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'ordonnance du 12 octobre 1995 du président de la première chambre de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulée.
Article 2 : La requête présentée par la société CIMAMED devant la cour administrative d'appel est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Port-la-Nouvelle devant la cour administrative d'appel sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société CIMAMED, à la commune de Port-la-Nouvelle et au ministre de l'intérieur.