Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 mars 1995 et 30 mars 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. José X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision en date du 22 décembre 1994 par laquelle le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens a rejeté sa demande dirigée contre la décision en date du 25 mai 1992 par laquelle la chambre de discipline du conseil régional des pharmaciens d'Ile-de-France lui a infligé la sanction d'interdiction d'exercer la pharmacie pendant une durée de trois mois ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Keller, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Choucroy, avocat de M. José X... et de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens,
- les conclusions de M. Salat-Baroux, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 6-1° de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ..." ;
Considérant qu'il résulte de l'article L. 527 du code de la santé publique que le Conseil national et les conseils régionaux de l'Ordre des pharmaciens peuvent prononcer, notamment, la sanction de l'interdiction temporaire ou définitive d'exercer la pharmacie ; qu'ainsi les décisions de ces instances sont susceptibles de porter atteinte au droit d'exercer la profession de pharmacien, lequel revêt le caractère d'un droit civil au sens des stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il suit de là que les stipulations de l'article 6-1° précitées s'appliquent à la procédure suivie devant les conseils régionaux et le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens statuant en chambres de discipline, et sont méconnues par les articles 5027 et 5037 du code de la santé publique applicables aux audiences de ces instances et aux termes desquels les audiences ne sont pas publiques ;
Considérant qu'il ressort des termes mêmes de la décision attaquée que celle-ci a été prise à la suite d'une séance non publique et donc après une procédure irrégulière ; que M. X... est dès lors fondé à demander l'annulation de la décision en date du 22 décembre 1994 par laquelle le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens a rejeté sa demande dirigée contre la décision en date du 25 mai 1992 de la chambre de discipline du conseil régional des pharmaciens d'Ile-de-France lui infligeant la sanction d'interdiction d'exercer la pharmacie pendant une durée de trois mois ; qu'il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens ;
Article 1er : La décision du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens en date du 22 décembre 1994 est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au Conseil national de l'Ordre des pharmaciens.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. José X..., au Conseil national de l'Ordre des pharmaciens et au ministre de l'emploi et de la solidarité.