Vu la requête enregistrée le 2 juin 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Yamina X..., demeurant ... ; Mme X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 6 avril 1995 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 2 juin 1994 par laquelle le ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville a rejeté sa demande de réintégration dans la nationalité française ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Bordry, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Honorat, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 2 juin 1994 :
Considérant qu'aux termes de l'article 24-1 du code civil : "la réintégration par décret peut être obtenue à tout âge et sans condition de stage. Elle est soumise, pour le surplus, aux conditions et aux règles de la naturalisation" ; qu'aux termes de l'article 21-24 dudit code : "Nul ne peut être naturalisé s'il ne justifie de son assimilation à la communauté française, notamment par une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue française" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et en particulier du procès-verbal d'assimilation établi le 3 juillet 1992 que Mme X... faisait preuve d'un degré de compréhension nul de la langue française, ne parlait pas intelligiblement le français et ne savait ni le lire ni l'écrire ; que la circonstance que Mme X..., eu égard à sa condition, n'ait jamais reçu d'instruction notamment en langue française, n'était pas de nature à infirmer cette constatation ; que, par suite, le ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville n'a pas fait une application erronée des dispositions précitées de l'article 21-24 du code civil en se fondant sur l'insuffisante assimilation de Mme X... à la communauté française pour rejeter sa demande de réintégration dans la nationalité française ;
Considérant que si Mme X... invoque les articles 21-2 et 21-14 du code civil instituant deux cas d'acquisition de la nationalité française par déclaration, ces moyens sont inopérants à l'appui d'un recours dirigé contre le rejet d'une demande de réintégration ; qu'enfin, l'ancienneté du séjour en France de la requérante est sans influence sur la légalité de la décision attaquée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale ;
Sur les conclusions de Mme X... tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à Mme X... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de Mme X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Yamina X... et au ministre de l'emploi et de la solidarité.