Vu la requête enregistrée le 11 mai 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Khadija X..., demeurant ... (13003) ; Mme X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 16 février 1995 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 1er juin 1993 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Bordry, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Honorat, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1 - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2 - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ;
Considérant que Mme X... se trouvait, à la date de la décision par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, depuis huit années en France où elle était venue rejoindre son époux qui réside régulièrement sur le territoire national depuis 1972, et où vivent ses sept enfants, dont deux sont nés en France ; que, dans ces conditions, et alors même que l'intéressée était en situation irrégulière, la décision attaquée a porté au droit de Mme X... au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'ainsi les stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ; que, par suite, Mme X... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 1er juin 1993 ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 16 février 1995 et la décision du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 1er juin 1993 sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Khadija X... et au ministre de l'intérieur.