Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 25 septembre 1997 et 26 janvier 1998, présentés pour la FEDERATION SYNDICALE UNITAIRE, dont le siège est ... ; la FEDERATION SYNDICALE UNITAIRE demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande d'abrogation du décret n° 96-1028 du 27 novembre 1996 relatif à l'attribution de l'indemnité d'éloignement aux magistrats et aux fonctionnaires titulaires et stagiaires de l'Etat en service dans les territoires d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Mayotte ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 50-772 du 30 juin 1950 ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droit et obligations des fonctionnaires, ensemble la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
Vu le décret du 2 mars 1910 portant réglement sur l'affectation, le solde et les allocations accessoires des fonctionnaires, employés et agents des services coloniaux et les décrets qui l'ont modifié, en particulier le décret du 12 décembre 1978 ;
Vu le décret n° 82-450 du 28 mai 1982 relatif au conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Gendreau-Massaloux, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Ryziger, Bouzidi, avocat de la FEDERATION SYNDICALE UNITAIRE,
- les conclusions de Mme Daussun, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la FEDERATION SYNDICALE UNITAIRE a demandé l'abrogation du décret du 27 novembre 1996 relatif à l'attribution de l'indemnité d'éloignement aux magistrats et aux fonctionnaires titulaires et stagiaires en service dans les territoires d'outremer et dans la collectivité territoriale de Mayotte ; que le silence gardé pendant plus de quatre mois sur cette demande a fait naître une décision implicite de rejet dont la FEDERATION SYNDICALE UNITAIRE demande l'annulation ;
Sur le moyen tiré du défaut de consultation du conseil supérieur de la fonction publique :
Considérant qu'aux termes de l'article 14 de la loi susvisée du 11 janvier 1984, "Le conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat ... connaît toute question d'ordre général concernant la fonction publique de l'Etat dont il est saisi soit par le Premier ministre soit à la demande écrite du tiers de ses membres ..." ; qu'aux termes de l'article 2 du décret susvisé du 28 mai 1982 relatif au conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat, "Le conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat est ... saisi des projets de décret relatifs à la situation des agents publics de l'Etat ainsi que des projets de décret comportant des dispositions communes à plusieurs corps de fonctionnaires de l'Etat ... Le conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat est également saisi des projets de décret concernant des corps interministériels ou à vocation interministérielle relevant du Premier ministre ou régissant des emplois communs à l'ensemble des administrations ..." ; que le décret attaqué, qui porte sur les modalités de calcul de l'indemnité d'éloignement et les conditions dans lesquelles elle est versée, n'est pas au nombre de ceux dont l'intervention doit être, en vertu des dispositions précitées, précédée de la consultation du conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat ; qu'ainsi le moyen doit être écarté ;
Sur le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 :
Considérant que le décret attaqué, dans ses articles 3 et 4, lie le droit à indemnité d'éloignement aux conditions de séjour fixées par le décret susvisé du 26 novembre 1996 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 : "L'autorité compétente procède au mouvement des fonctionnaires après avis des commissions administratives paritaires. Dans les administrations ou services où sont dressés des tableaux périodiques de mutation, l'avis des commissions est donné au moment de l'établissement de ces tableaux. Toutefois, lorsqu'il n'existe pas de tableau de mutation, seules les mutationscomportant changement de résidence ou modification de la situation de l'intéressé sont soumises à l'avis des commissions ; Dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service, les affectations prononcées doivent tenir compte des demandes formulées par les intéressés et de leur situation de famille. Priorité est donnée aux fonctionnaires séparés de leurs conjoints pour des raisons professionnelles, aux fonctionnaires ayant la qualité de travailleur handicapé reconnus par la commission prévue à l'article L. 323-11 du code du travail et aux fonctionnaires qui exercent leurs fonctions pendant une durée et selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles. Dans le cas où il s'agit de remplir une vacance d'emploi compromettant le fonctionnement du service et à laquelle il n'est pas possible de pourvoir par un autre moyen, même provisoirement, la mutation peut être prononcée sous réserve d'examen ultérieur par la commission compétente." ;
Considérant que les dispositions du décret du 26 novembre 1996, dont le requérant invoque l'illégalité, ne font pas obstacle à la prise en compte des demandes de mutation formulées par les intéressés et de leur situation de famille et n'ont ni pour objet ni pour effet de modifier la procédure de consultation des commissions administratives paritaires ; que, dès lors, le moyen doit être écarté ;
Sur le moyen tiré de ce que le décret attaqué ajoute aux dispositions de la loi susvisée du 30 juin 1950 :
Considérant qu'aux termes de la loi susvisée du 30 juin 1950, l'indemnité d'éloignement est allouée au personnel "appelé à servir soit en dehors de la métropole, soit de son territoire soit du pays ou territoire où il réside habituellement" ; que la résidence habituelle est le lieu où se trouve le centre des intérêts moraux et matériels de l'intéressé ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que le décret attaqué, qui subordonne le versement de l'indemnité d'éloignement à la condition que l'affectation entraîne pour l'agent concerné un déplacement effectif pour aller servir en dehors du territoire dans lequel est situé le centre de ses intérêts matériels et moraux ajouterait aux dispositions de la loi susvisée du 30 juin 1950 manque en fait ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la FEDERATION SYNDICALE UNITAIRE n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande d'abrogation du décret du 27 novembre 1996 relatif à l'attribution de l'indemnité d'éloignement aux magistrats et aux fonctionnaires titulaires et stagiaires en service dans les territoires d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Mayotte ;
Article 1er : La requête de la FEDERATION SYNDICALE UNITAIRE est rejetée.
Article 2 : la présente décision sera notifiée à la FEDERATION SYNDICALE UNITAIRE, au secrétaire d'Etat à l'outre-mer, au ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation et au Premier ministre.