Vu le recours du MINISTRE DU BUDGET, enregistré le 21 juin 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DU BUDGET demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 21 avril 1994, en tant qu'il décharge M. Costantini, au titre de l'année 1984, d'un complément d'impôt sur le revenu correspondant à des revenus d'origine indéterminée d'un montant de 22 000 F ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Dulong, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Choucroy, avocat de M. et Mme X...,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : "En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable ... des justifications, lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus, plus importants que ceux qu'il a déclarés ..." ; qu'aux termes de l'article L. 69 du même livre : " ... Sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes ... de justifications prévues à l'article L. 16" ; qu'il résulte de ces dispositions que, si l'administration, après avoir procédé à une vérification approfondie de la situation fiscale d'ensemble d'un contribuable, reste en droit de lui demander, au vu des renseignements qu'elle a obtenus, tant à la suite de cette vérification que par l'exercice de son droit de communication, des justifications relatives à ses revenus d'origine inexpliquée et, en cas de réponse insuffisante de l'intéressé, de le taxer d'office, elle ne peut, toutefois, eu égard à la sanction attachée au défaut de production par le contribuable des justifications demandées, lui adresser une telle demande de justifications qu'à la condition de lui avoir, au préalable, restitué les documents, utiles à sa réponse, qu'il lui avait auparavant remis ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. Costantini a fait l'objet d'une vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble ayant porté sur les années 1982 à 1984 et, par la suite, étendue à l'année 1985 ; qu'à l'occasion de ce contrôle, M. Costantini a remis des relevés bancaires au vérificateur, le 4 avril 1986, relatifs aux années 1984 et 1985 ; que les relevés concernant l'année 1984 lui ont été restitués le 10 avril 1986, en même temps qu'une demande complémentaire de justifications lui était adressée à propos des crédits enregistrés sur ses comptes au cours de cette même année 1984 ; que les relevés concernant l'année 1985 n'ont été restitués à M. Costantini que le 17 juin 1986 ; qu'à la suite de la vérification approfondie de la situation fiscale d'ensemble de M. Costantini, des redressements lui ont été notifiés au titre notamment de l'année 1984 ; que le MINISTRE DU BUDGET se pourvoit contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 21 avril 1994, en tant que celle-ci a déchargé M. Costantini du complément d'impôt sur le revenu auquel il avait été assujetti, au titre de l'année 1984, à raison de revenus d'origine indéterminée d'un montant de 22 000 F ;
Considérant qu'après avoir relevé que les relevés bancaires concernant l'année 1985 n'avaient été restitués à M. Costantini qu'après la date du 10 avril 1986 à laquelle une demande complémentaire de justifications portant sur des crédits bancaires afférents à l'année 1984 lui a été adressée, la Cour n'a pu, sans erreur de droit, déduire de ce seul fait que cette demande avait été irrégulière, sans rechercher si, en conservant jusqu'à une date ultérieure les relevés de l'année 1985, le vérificateur avait privé l'intéressé d'éléments utiles à la réponse qu'il devait fournir au sujet des crédits enregistrés sur son compte en 1984 ; que l'arrêt de la Cour doit donc, dans ladite mesure, être annulé ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article 11, deuxième alinéa, de la loi du 31 décembre 1987, de régler l'affaire au fond ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'il est constant que les crédits enregistrés, en 1984, sur les comptes bancaires de M. Costantini se montaient à 1 884 314 F, tandis que les revenus qu'il avait déclarés, au titre de la même année, s'élevaient à 648 876 F ; qu'en raison de cet écart, l'administration était en droit de demander des justifications à l'intéressé, en application del'article L. 16 précité, du livre des procédures fiscales ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les explications fournies par M. Costantini en réponse à la demande de justifications du 10 avril 1986, ont pour la plupart été admises par l'administration ; que, toutefois, celles qui ont porté sur les sommes restant en litige, ont pu à bon droit, en raison de leur imprécision et de leur caractère invérifiable, être regardées comme équivalant à un défaut de réponse, et être, par suite, régulièrement taxées d'office en application de l'article L. 69, précité, du livre des procédures fiscales ;
Considérant qu'il ressort de l'examen des relevés bancaires concernant l'année 1985, que le vérificateur a retenus jusqu'au 17 juin 1986, qu'ils n'étaient pas utiles à la formulation de la réponse que M. Costantini devait fournir à propos des crédits enregistrés sur ses comptes bancaires en 1984 ; que, dès lors, la procédure d'imposition n'a pas été, du fait de cette rétention, entachée d'irrégularité ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant que, si M. Costantini soutient que le crédit de 22 000 F enregistré sur ses comptes le 28 décembre 1984, correspond à la régularisation de son compte "salaires" dans la société "Cantine moderne Parisienne", dont il était, à la fois, le salarié et l'associé, il n'apporte, à l'appui de cette allégation, aucune justification de son bien-fondé ; qu'il n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 28 février 1992, le tribunal administratif de Paris a regardé cette somme de 22 000 F comme un revenu d'origine indéterminée et décidé qu'elle avait été légalement taxée d'office ;
Article 1er : Les articles 2 et 3 de l'arrêt du 21 avril 1994 de la cour administrative d'appel de Paris sont annulés, en tant qu'ils déchargent M. Costantini du supplément d'impôt sur le revenu auquel il avait été assujetti, au titre de l'année 1984, à raison de revenus d'origine indéterminée d'un montant de 22 000 F.
Article 2 : Les conclusions de la requête présentée par M. Costantini devant la cour administrative d'appel de Paris tendant à la décharge du supplément d'impôt sur le revenu mentionné à l'article 1er ci-dessus sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à M. Antoine Costantini.