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06/11/1998 | FRANCE | N°171927

France | France, Conseil d'État, 9 / 8 ssr, 06 novembre 1998, 171927


Vu le recours et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 août et 6 décembre 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 14 juin 1995 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 août 1993, a déchargé la société civile immobilière Paradis-Prat du prélèvement sur les profits de construction, auquel elle avait été assujettie au titre de

l'année 1984 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code génér...

Vu le recours et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 août et 6 décembre 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 14 juin 1995 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 août 1993, a déchargé la société civile immobilière Paradis-Prat du prélèvement sur les profits de construction, auquel elle avait été assujettie au titre de l'année 1984 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Dulong, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Ricard, avocat de la société civile immobilière Paradis-Prat,
- les conclusions de M. Loloum, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 206-2, 34 et 35 du code général des impôts, les sociétés civiles sont passibles de l'impôt sur les sociétés si elles se livrent à une exploitation ou à des opérations dont les bénéfices sont imposés à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux lorsqu'ils sont réalisés par des personnes physiques ; qu'il en est ainsi, notamment, selon l'article 35-I-1° du code, des personnes qui, habituellement, achètent en leur nom des biens immeubles en vue, soit de les revendre en l'état, soit d'édifier un ou plusieurs bâtiments et de les vendre en bloc ou par locaux ; que, toutefois, aux termes de l'article 239 ter du même code : "I - Les dispositions de l'article 206-2 ne sont pas applicables aux sociétés civiles ... qui ont pour objet la construction d'immeubles en vue de la vente, à la condition que ces sociétés ne soient pas constituées sous la forme de sociétés par actions ou à responsabilité limitée et que leurs statuts prévoient la responsabilité indéfinie des associés en ce qui concerne le passif social. - Les sociétés civiles visées à l'alinéa précédent sont soumises au même régime que les sociétés en nom collectif effectuant les mêmes opérations ; leurs associés sont imposés dans les mêmes conditions que les membres de ces dernières sociétés ..." ; que, selon les dispositions, alors applicables, de l'article 235 quinquiès du code général des impôts : "I - Les profits réalisés du 1er janvier 1982 jusqu'au 31 décembre 1986 à l'occasion de cessions habituelles d'immeubles ou de fractions d'immeubles construits en vue de la vente ou de droits s'y rapportant, par des personnes physiques et par des sociétés visées aux articles 8 et 239 ter, sont soumis, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, à un prélèvement de 50 %. Il est assis sur les résultats de l'ensemble des opérations effectuées au cours de l'année civile ... II - ... Il s'impute sur le montant de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés ..." ;
Considérant que le régime d'imposition prévu par les dispositions précitées de l'article 239 ter du code général des impôts cesse de s'appliquer aux sociétés civiles qui, tout en remplissant, par leur objet statutaire et par leur forme, les conditions exigées par ces dispositions, se livrent à d'autres opérations que celles qui se rapportent à la construction d'immeubles en vue de la vente, à moins qu'il n'apparaisse que la réalisation de ces autres opérations, telles, en particulier, que la location accessoire et préalable à leur cession, des immeubles construits, n'a constitué qu'une des modalités par lesquelles la société a mené à bien, conformément à son objet social, la vente de ces immeubles ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société civile immobilière Paradis-Prat a construit à Marseille, sur un terrain qu'elle avait acquis à cette fin, un immeuble à usage de commerces et de bureaux ; qu'en raison des difficultés, tenant à l'état défavorable du marché, qui l'ont empêché de vendre les différents lots composant cet immeuble dès l'achèvement de celui-ci, la société a temporairement donné en location, au cours de la période écoulée entre 1974 à 1984, sur laquelle la commercialisation de ces lots s'est étalée, les locaux qui n'étaient pas encore vendus ; qu'à la suite d'une vérification de sa comptabilité, qui a porté sur les résultats des exercices clos en 1984, 1985 et 1986, l'administration a soumis au prélèvement de 50 % prévu par les dispositions, précitées, de l'article 235 quinquiès du code général des impôts les profits qu'elle avait retirés des ventes de lots effectuées en 1984 ; que, par l'arrêt contre lequel est dirigé le pourvoi en cassation duMINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES, la cour administrative d'appel de Lyon a déchargé la société de cette imposition, par le motif que les locations qu'elle avait consenties lui ayant procuré des ressources importantes, excédant, pour certaines des années 1979 à 1984, le montant des ventes réalisées, n'avaient pas présenté un caractère accessoire et ne pouvaient donc être regardées comme ayant constitué une modalité de réalisation de l'objet social de construction-vente qui était le sien, de sorte qu'elles avaient eu pour effet de la soustraire au régime d'imposition prévu par l'article 239 ter du code général des impôts et, partant, à l'obligation d'acquitter le prélèvement institué par l'article 235 quinquiès du même code ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressort des pièces du dossier qui lui était soumis que les recettes tirées par la société civile immobilière Paradis-Prat de son activité temporaire de location n'ont excédé qu'au cours des années 1982 et 1983 celles qui ont résulté de la vente des lots de son immeuble, et n'ont représenté, sur l'ensemble de la période écoulée de 1979 à 1984, que moins de 5 % du total des ventes effectuées et revêtu ainsi un caractère accessoire, la Cour a, comme le soutient le ministre, dénaturé les faits de la cause et commis une erreur de droit ; que le ministre est, dès lors, fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article 11, deuxième alinéa, de la loi du 31 décembre 1987, de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'il découle de ce qui a été dit ci-dessus que les profits tirés par la société Paradis-Prat des ventes qu'elle a réalisées au cours de l'année 1984 étaient passibles du prélèvement de 50 % institué par l'article 235 quinquiès du code général des impôts ; que, dès lors, cette société n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 9 août 1993, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande en décharge de cette imposition ;
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la société Paradis-Prat la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 14 juin 1995 est annulé.
Article 2 : La requête présentée par la société civile immobilière Paradis-Prat devant la cour administrative d'appel de Lyon ainsi que les conclusions qu'elle a présentées devant le Conseil d'Etat au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991, sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à la société civile immobilière Paradis-Prat.


Synthèse
Formation : 9 / 8 ssr
Numéro d'arrêt : 171927
Date de la décision : 06/11/1998
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19 CONTRIBUTIONS ET TAXES.


Références :

CGI 206-2, 34, 35, 239 ter, 235 quinquies
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 06 nov. 1998, n° 171927
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Dulong
Rapporteur public ?: M. Loloum

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1998:171927.19981106
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