Vu le recours sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 janvier et 20 mai 1994 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le MINISTRE DU BUDGET ; celui-ci demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 8 avril 1993, dont le dispositif a été rectifié par un arrêt de la même Cour du 18 novembre 1993, en tant que, faisant partiellement droit aux conclusions de l'appel formé contre le jugement du tribunal administratif de Besançon du 10 octobre 1991 par la S.A. Brisard-Nogues, elle a déchargé celle-ci des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle avait été assujettie au titre de l'année 1984, à concurrence des droits correspondant à un montant de base d'imposition de 3 000 000 F ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Dulong, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Boré, Xavier, avocat de la S.A. Brisard-Nogues,
- les conclusions de M. Loloum, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la S.A. Brisard-Nogues a, au cours de l'exercice clos le 31 décembre 1984, consenti à sa filiale, la S.A. J.B. Morel, un abandon de créance de 3 000 000 F avant de céder à un tiers, pour le prix de un franc l'une, les 5 976 actions qu'elle possédait dans le capital de cette société et qu'elle avait acquises en 1978 pour une somme de 375 000 F ; que, devant la cour administrative d'appel de Nancy, qui a répondu à ce moyen, le MINISTRE DU BUDGET a soutenu que l'abandon par la S.A. Brisard-Nogues de sa créance de 3 000 000 F sur la S.A. J.B. Morel avait constitué un élément indissociable de la cession de ces titres et avait ainsi concouru à la formation de leur prix de vente, de sorte que l'opération avait fait apparaître une moins-value à long terme, soumise au régime spécifique prévu par les 5. et 6. de l'article 39 duodeciès et par le 2. de l'article 39 quindéciès du code général des impôts, qui, ne pouvant, en l'espèce, être imputée sur une plusvalue à long terme, devait, à l'inverse d'une charge déductible, rester sans influence sur les résultats imposables de l'exercice clos le 31 décembre 1984 ;
Considérant que, même s'il a été l'une des conditions de la réalisation d'une cession d'un élément d'actif, un abandon de créance ne peut être regardé comme un élément du prix de cette cession et contribuer, le cas échéant, à la formation d'une moins-value à long terme soumise au régime ci-dessus rappelé, dès lors que l'administration n'établit ou ne conteste pas que la cession effectuée l'a été à son juste prix ; que, par suite, la cour administrative d'appel de Nancy n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que l'abandon de créance consenti, dans son propre intérêt, par la S.A. Brisard-Nogues à la S.A. J.B. Morel en vue de permettre la cession des 5 976 actions qui lui assuraient le contrôle de cette dernière, pour une somme symbolique de un franc par action, dont le caractère de juste prix n'était pas contesté par l'administration, constituait une charge déductible des résultats de l'exercice, clos le 31 décembre 1984, au cours duquel cette cession avait été faite ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Article 1er : Le recours du MINISTRE DU BUDGET est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à la S.A. Brisard-Nogues.