Vu l'ordonnance en date du 6 mars 1995, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 13 mars 1995, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nancy, a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la requête de Mlle Régine Y... et autres ;
Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Nancy le 27 janvier 1995, présentée par Mlle Régine Y..., par M. Gérard X... demeurant à Haybes (08170) respectivement ...
..., et par l'ASSOCIATION "LE SANGLIER SOUS TENSION" ayant son siège social ..., représentés par Me Delgenès, avocat au barreau des Ardennes ; Mlle Y... et autres demandent :
- l'annulation du jugement du 29 novembre 1994 par lequel le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a rejeté la demande de Mlle Y... et M. X... tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 6 juillet 1992 du préfet des Ardennes portant établissement des servitudes d'appui de passage, d'ébranchage et d'abattage sur le territoire des communes de Fumay, Revin et Haybes ; - l'annulation dudit arrêté préfectoral ;
-la condamnation de l'Etat à verser les dépens de l'instance ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 15 juin 1906, sur les distributions d'énergie, notamment son article 12 ;
Vu la loi du 8 avril 1946, notamment son article 35 modifié ensemble le décret n° 70-492 du 11 juin 1970 portant réglement d'administration publique ;
Vu les décrets n° 77-1141 du 12 octobre 1977, n° 85-453 du 23 avril 1985 et n° 93-629 du 25 mars 1993 ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 83-630 du 12 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Zémor, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Coutard, Mayer, avocat d'Electricité de France,
- les conclusions de Mme Bergeal, Commissaire du gouvernement ;
Sur l'intervention en appel de l'ASSOCIATION "LE SANGLIER SOUS TENSION" :
Considérant que l'ASSOCIATION "LE SANGLIER SOUS TENSION" a intérêt à l'annulation du jugement en date du 29 novembre 1994 du tribunal administratif de Châlons-sur-Marne rejetant la demande de Mlle Y... et de M. X... tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 juillet 1992 du préfet des Ardennes ; que, dès lors, son intervention est recevable ;
Sur la légalité de l'arrêté prefectoral du 6 juillet 1992 approuvant pour l'établissement des servitudes le projet de détail du tracé de la ligne à 63/90kv Revin-Haybes et établissant les servitudes d'appui, de passage, d'ébranchage et d'abattage sur le territoire des communes concernées :
En ce qui concerne l'exception d'illégalité de l'arrêté ministériel du 30 octobre 1984 déclarant d'utilité publique, en vue de l'application des servitudes, les travaux de construction de la ligne 63/90 kv Revin-Haybes :
Considérant qu'il ressort des dispositions du décret susvisé du 11 juin 1970, danssa rédaction applicable en l'espèce, que la déclaration d'utilité publique des ouvrages de distribution d'électricitré n'est prononcée par arrêté préfectoral que pour les ouvrages afférents aux lignes de tension inférieure à 63 kv et par arrêté ministériel pour les autres ; que dès lors le ministre était compétent pour prendre l'arrêté du 30 octobre 1984 déclarant d'utilité publique les travaux de construction de la ligne 63/90 kv Revin-Haybes ;
Considérant qu'en vertu de l'alinéa 2 de l'article 1er de la loi susvisée du 12 juillet 1983, relative à la démocratisation des enquêtes publiques et à la protection de l'environnement, la liste des catégories d'opérations précédées d'une enquête publique soumises aux prescriptions de la même loi en application de son alinéa premier, ainsi que les seuils et critères techniques qui servent à les définir sont fixés par décret en Conseil d'Etat ; qu'à la date de l'arrêté du 30 octobre 1984, ce décret n'ayant pas été pris, l'alinéa 1er de la loi du 12 juillet 1983 n'étant pas applicable, ses dispositions n'ont pu être méconnues par l'arrêté précité, dont les requérants ne sauraient invoquer pour ce motif l'illégalité ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que ni les atteintes à l'environnement, ni les risques allégués mais non établis pour la santé des riverains, ni les inconvénients présentés par le passage de la ligne 63/90 Revin-Haybes en surplomb des propriétés des requérants, ne sont excessifs eu égard aux avantages que ladite ligne électrique est destinée à procurer ; que les travaux afférents à son établissement présentent, par suite, un caractère d'utilité publique ; qu'il n'appartient pas au Conseil d'Etat d'apprécier l'opportunité du choix du mode de réalisation d'un tel ouvrage ;
En ce qui concerne la légalité de l'arrêté préfectoral du 6 juillet 1992 :
Considérant qu'aucune des dispositions prises, notamment pour l'application de la loi précité du 12 juillet 1983, antérieurement à l'arrêté attaqué en date du 6 juillet 1992, n'a exigé que la déclaration d'utilité publique d'une opération qui ne comporte que l'établissement de servitudes soit précédée d'une enquête publique ; qu'ainsi, en tout état de cause, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que, en raison du changement des circonstances de droit intervenu depuis l'arrêté ministériel du 30 octobre 1984, l'arrêté attaqué ne pouvait plus être pris sur le fondement dudit arrêté ;
Considérant que l'arrêté du 6 juillet 1972 portant approbation du tracé de détail d'une ligne électrique et établissant des servitudes pris par le préfet des Ardennes n'a pas le caractère d'une décision individuelle et n'avait pas, par suite, à être motivé en application des dispositions de la loi susvisée du 11 juillet 1979 ;
Considérant que ni le décret susvisé 11 juin 1970 concernant la procédure de déclaration d'utilité publique des travaux d'électricité qui ne nécessitent que l'établissement de servitudes ainsi que les conditions d'établissement desdites servitudes, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n'imposait la consultation des communes et des départements intéressés au cours de la procédure préalable à l'arrêté établissant ces servitudes ; que les dispositions invoquées de la loi susvisée du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie qui prévoient un avis du conseil municipal au cours de l'enquête ne concernent que l'enquête préalable à la délivrance d'une concession ; que celles de l'article 50 du décret du 29 juillet 1927 ne visent que les consultations des propriétaires intéressés par des servitudes ;
Considérant que la rectification par l'arrêté attaqué du tracé de la ligne de tension 63 kv intervenue lors des études de détail de la seconde phase des travaux, présente un caractère mineur au regard des emplacements retenus par la déclaration d'utilité publique du30 octobre 1984 ; qu'ainsi cette modification ne vicie pas l'arrêté préfectoral attaqué ;
Considérant qu'il résulte de tout de ce qui précède que Mlle Y... et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 juillet 1992 du préfet des Ardennes ;
Article 1er : L'intervention de l'ASSOCIATION "LE SANGLIER SOUS TENSION" est admise.
Article 2 : La requête de Mlle Y... et autres est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mlle Régine Y..., à M. Gérard X..., à l'ASSOCIATION "LE SANGLIER SOUS TENSION", à Electricité de France et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.