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18/09/1998 | FRANCE | N°154968

France | France, Conseil d'État, 9 / 8 ssr, 18 septembre 1998, 154968


Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 5 janvier 1994, présentée pour M. Raphaël X..., demeurant ... ; M. HAMOU demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 15 juin 1993 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête dirigée contre le jugement du tribunal administratif de Paris du 20 mars 1992 en tant que celui-ci a rejeté sa demande en décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 1983 au 31 août 1985 et, faisant

droit au recours incident du ministre du budget, l'a condamné à rembour...

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 5 janvier 1994, présentée pour M. Raphaël X..., demeurant ... ; M. HAMOU demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 15 juin 1993 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête dirigée contre le jugement du tribunal administratif de Paris du 20 mars 1992 en tant que celui-ci a rejeté sa demande en décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 1983 au 31 août 1985 et, faisant droit au recours incident du ministre du budget, l'a condamné à rembourser à l'Etat la somme de 10 000 F que le même jugement lui avait allouée au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
2°) de condamner l'Etat à lui payer une somme de 20 000 F, au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Dulong, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Baraduc-Bénabent, avocat de M. Raphaël X...,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 223 de l'annexe II au code général des impôts, pris sur le fondement de l'article 273 du même code : "1. La taxe dont les entreprises peuvent opérer la déduction est, selon les cas : - celle qui figure sur les factures d'achat qui leur sont délivrées par leurs fournisseurs, dans la mesure où ces derniers étaient légalement autorisés à la faire figurer sur lesdites factures ..." ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. HAMOU, qui exploitait à Paris une entreprise individuelle de confection de vêtements, a été assujetti, par voie de rectification d'office, à la suite d'une vérification de sa comptabilité, à des compléments de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 1983 au 31 août 1985, par avis de recouvrement émis le 17 novembre 1986, en conséquence du refus de l'administration d'admettre la déduction de la taxe ayant figuré sur un certain nombre de factures d'achat, au motif qu'il s'agissait de factures de complaisance dont les auteurs étaient des sociétés sans existence réelle, faisant partie d'un réseau d'établissement de fausses factures ;
Considérant qu'il appartenait à l'administration lorsqu'elle entendait faire usage de la procédure de rectification d'office alors prévue par l'article L. 75 du livre des procédures fiscales, d'apporter la preuve que la comptabilité de l'entreprise concernée, même régulière en la forme, était dénuée de valeur probante ; que la cour administrative d'appel de Paris a dénié une telle valeur à la comptabilité de M. HAMOU en relevant qu'il résultait de l'instruction que celui-ci ne pouvait ignorer l'existence et la nature du réseau de fraude auquel participaient les sociétés qui lui avaient délivré les factures mentionnant les taxes qu'il avait déduites ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si l'administration apportait effectivement la preuve, à sa charge, des faits ci-dessus rappelés, retenus par elle à l'encontre de M. HAMOU, et s'ils étaient de nature à justifier l'emploi, en l'espèce, de la procédure de rectification d'office, la Cour a méconnu les règles ayant trait, en la matière, à la dévolution du fardeau de la preuve ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, M. HAMOU est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article 11, deuxième alinéa, de la loi du 31 décembre 1987, de régler l'affaire au fond ;

Considérant que le ministre du budget, qui n'est pas fondé à soutenir que la lettre du 24 février 1986 par laquelle le juge d'instruction chargé de l'information ouverte à l'encontre des dirigeants des sociétés ayant délivré des factures à M. HAMOU avait indiqué à ce dernier "qu'en contrepartie de ces factures, une prestation de services (avait) été réellement effectuée et que (sa) bonne foi ne (pouvait) être mise en doute sur le fait (qu'il avait) cru que ces prestations de services ont été réellement effectuées", ne serait pas susceptible d'être invoquée contre l'administration, au motif qu'elle serait dépourvue de l'autorité de la chose jugée au pénal n'établit pas, en se bornant à faire état de la connaissance réciproque que doivent avoir l'un de l'autre le fournisseur et son client, qu'il aurait existé une collusion entre M. HAMOU et les dirigeants des sociétés lui ayant délivré des factures, de nature à prouver qu'il s'agissait de factures de complaisance dont l'intéressé ne pouvait ignorer la nature ; que, dans ces conditions, le ministre n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, du défaut de caractère probant de la comptabilité de M. HAMOU, de sorte que l'administration n'était pas en droit d'user de la procédure de rectification d'office pour établir les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle lui a réclamés ; que M. HAMOU est donc fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 3 de son jugement du 20 mars 1992, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge, en droits et pénalités, de la fraction de ces impositions non comprise dans le dégrèvement partiel qui lui a été accordé au cours de l'instance devant ce tribunal ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, d'une part et en application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991, de condamner l'Etat à payer à M. HAMOU une somme de 15 000 F au titre des frais exposés par lui devant le Conseil d'Etat et non compris dans les dépens, d'autre part, de rejeter les conclusions du recours incident présenté par le ministre du budget devant la cour administrative d'appel de Paris et tendant à ce qu'il soit ordonné à M. HAMOU de rembourser la somme de 10 000 F que, sur le fondement de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à lui verser ; que les conclusions de M. HAMOU qui tendent à l'augmentation de cette dernière somme par le juge d'appel ne peuvent, faute d'être chiffrées, qu'être rejetées ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 15 juin 1993 est annulé.
Article 2 : M. HAMOU est déchargé, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, restant en litige, qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 1983 au 31 août 1985.
Article 3 : L'article 3 du jugement du tribunal administratif de Paris du 20 mars 1992 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : L'Etat paiera à M HAMOU une somme de 15 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête présentées par M. HAMOU devant la cour administrative d'appel de Paris et le recours incident formé devant la même Cour par le ministre du budget sont rejetés.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Raphaël HAMOU et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 9 / 8 ssr
Numéro d'arrêt : 154968
Date de la décision : 18/09/1998
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-06-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILEES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE.


Références :

CGI 273
CGI Livre des procédures fiscales L75
CGIAN2 223
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 18 sep. 1998, n° 154968
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Dulong
Rapporteur public ?: M. Goulard

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1998:154968.19980918
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