Vu la requête enregistrée le 6 décembre 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Yaya Y..., demeurant 1 Emmanuel Z..., Ojota Lagos, (Nigeria) ; M. Y... demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 3 octobre 1996 par laquelle le chef de chancellerie au Nigéria a refusé de lui délivrer un visa de long séjour ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Ribadeau-Dumas, Auditeur,
- les conclusions de M. Hubert, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut yavoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ;
Considérant que le ministre des affaires étrangères soutient que pour refuser par décision du 3 octobre 1996 à M. Y..., ressortissant nigérian, le visa de long séjour que celui-ci avait demandé pour rejoindre son épouse, Mme X..., de nationalité française, avec qui il s'était marié à Lagos le 4 octobre 1995, le chef de chancellerie au Nigéria s'est fondé sur le fait que M. Y... serait rentré à deux reprises sur le territoire belge sous couvert d'une fausse identité, qu'il se serait maintenu irrégulièrement sur ce territoire après le rejet d'une demande d'asile et que le mariage n'a pas été suivi de vie commune entre les époux du fait du retour en France de Mme X... ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et qu'il n'est d'ailleurs même pas soutenu, que ce mariage aurait un caractère frauduleux ; que dans ces conditions, et en l'absence de toute autre allégation sur la menace que la présence en France de l'intéressé ferait peser sur l'ordre public, le refus de visa a porté au droit de M. Y... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ce refus lui a été opposé et a, par suite, méconnu les dispositions de l'article 8 de la convention précitée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y... est fondé à demander l'annulation de la décision attaquée ;
Article 1er : La décision du 3 octobre 1996 du chef de chancellerie au Nigéria est annulée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Yaya Y... et au ministre des affaires étrangères.