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20/05/1998 | FRANCE | N°183579

France | France, Conseil d'État, 10 ss, 20 mai 1998, 183579


Vu la requête enregistrée le 12 novembre 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Selami X..., demeurant Bent Y... n° 24, 03400 Dinar-Afyon (Turquie) et Mme Blandine Z..., épouse X... ; M. et Mme X... demandent que le Conseil d'Etat annule la décision du 14 octobre 1996 par laquelle l'ambassade de France en Turquie a rejeté la demande de visa de long séjour de M. X... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre

1945 modifiée, relative à l'entrée et au séjour des étrangers en Franc...

Vu la requête enregistrée le 12 novembre 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Selami X..., demeurant Bent Y... n° 24, 03400 Dinar-Afyon (Turquie) et Mme Blandine Z..., épouse X... ; M. et Mme X... demandent que le Conseil d'Etat annule la décision du 14 octobre 1996 par laquelle l'ambassade de France en Turquie a rejeté la demande de visa de long séjour de M. X... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France ;
Vu la loi n° 86-1205 du 9 septembre 1986 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 modifiée par la loi n° 95-125 du 8 février 1995 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Dayan, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Daussun, Commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité de la décision attaquée :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1°- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance, 2°- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., de nationalité turque, a contracté mariage, le 10 mars 1994, en Turquie, avec Mme Z..., de nationalité française ; que si le ministre des affaires étrangères relève que les époux n'ont jamais eu de vie commune, cette circonstance, à la supposer établie, alors surtout que les pièces produites par Mme X... démontrent que cette dernière maintient, dans la mesure de ses possibilités, ses relations avec M. X... depuis le refus de visa attaqué n'était pas de nature, à elle seule, à justifier le refus attaqué ; que, n'étant pas par ailleurs allégué que la présence de M. X... sur le territoire français constituerait une menace pour l'ordre public, et nonobstant la circonstance qu'il aurait effectué un séjour irrégulier en France, le refus opposé dans ces conditions à la demande de visa de long séjour de M. X... par l'ambassadeur de France à Ankara a, dans les circonstances de l'espèce, porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ce refus lui a été opposé, et a, par suite, méconnu les dispositions de l'article 8 précité de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme X... sont fondés à demander l'annulation de la décision attaquée ;
Sur les conclusions tendant à ce que soit prescrite, sous astreinte, la délivrance d'un visa à M. X... :

Considérant qu'aux termes de l'article 6-1 introduit dans la loi du 16 juillet 1980 par la loi du 8 février 1995 : "Lorsqu'il règle un litige au fond par une décision qui implique nécessairement une mesure d'exécution dans un sens déterminé, le Conseil d'Etat, saisi de conclusions en ce sens, prescrit cette mesure et peut assortir cette décision d'une astreinte à compter d'une date qu'il détermine." ; que, eu égard aux motifs de la présente décision, l'exécution de celle-ci implique normalement la délivrance d'un visa à M. X... ; que toutefois il appartient au Conseil d'Etat, lorsqu'il est saisi, sur le fondement des dispositionsprécitées, de conclusions tendant à ce que soit prescrite une mesure d'exécution dans un sens déterminé, de statuer sur ces conclusions en tenant compte de la situation de droit et de fait existant à la date de sa décision ; qu'invité par lettre du président de la dixième sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat à faire savoir si la situation de M. X... avait été modifiée, en fait ou en droit, depuis l'intervention de la décision litigieuse, dans des conditions telles que sa demande serait devenue sans objet, ou que des circonstances postérieures à la date de ladite décision permettraient désormais de fonder légalement une nouvelle décision de rejet, le ministre des affaires étrangères n'a fait état d'aucun changement survenu dans la situation de M. X... ; que par suite il y a lieu pour le Conseil d'Etat de prescrire à l'autorité compétente la délivrance à M. X... du visa sollicité dans un délai d'un mois ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à M. et Mme X... la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La décision du 14 octobre 1996 par laquelle l'ambassadeur de France en Turquie a refusé de délivrer un visa à M. X... est annulée.
Article 2 : Il est enjoint à l'autorité compétente de délivrer un visa à M. X... dans un délai d'un mois.
Article 3 : L'Etat est condamné à verser à M. et Mme X... la somme de 10 000 F en application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Selami X... et au ministre des affaires étrangères.


Synthèse
Formation : 10 ss
Numéro d'arrêt : 183579
Date de la décision : 20/05/1998
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-01 ETRANGERS - SEJOUR DES ETRANGERS.


Références :

Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 8
Loi 80-539 du 16 juillet 1980
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75
Loi 95-125 du 08 février 1995


Publications
Proposition de citation : CE, 20 mai. 1998, n° 183579
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Dayan
Rapporteur public ?: Mme Daussun

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1998:183579.19980520
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