Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 31 mars 1994 et 29 juillet 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE A.S.P. dont le siège social est ..., représentée par son président-directeur général en exercice domicilié en cette qualité audit siège ; la SOCIETE A.S.P. demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision du 2 février 1994 par laquelle le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel a refusé d'attribuer à la série de téléfilms "Emmanuelle" la qualification d'oeuvre d'expression originale française ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée ;
Vu le décret n° 90-66 du 17 janvier 1990 modifié par le décret n° 92-279 du 27 mars 1992 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Lambron, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Bertrand, avocat de la SOCIETE A.S.P.,
- les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 5 du décret n° 90-66 du 17 janvier 1990 modifié par le décret n° 92-279 du 27 mars 1992 : "Constituent des oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles d'expression originale française les oeuvres réalisées intégralement ou principalement en version originale en langue française ou dans une langue régionale en usage en France" ;
Considérant que par la décision attaquée en date du 2 février 1994, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a refusé d'attribuer à la série de téléfilms "Emmanuelle", produits par la SOCIETE A.S.P., la qualification d'oeuvre d'expression originale française, au motif qu'après avoir procédé lors de la diffusion des épisodes à un examen de la langue de tournage, le conseil avait estimé que ladite série n'était pas réalisée principalement en version originale en langue française ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, pour parvenir à cette évaluation alors que la bande sonore des téléfilms résultait d'une post-synchronisation, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a fait procéder à un minutage du temps de dialogue respectivement prononcé en français et dans d'autres langues par les acteurs lors du tournage, en ayant, pour ce faire, recours à des experts qui déchiffraient ce dialogue sur les lèvres des acteurs sans entendre la bande sonore ; que, ce faisant, le Conseil supérieur de l'audiovisuel n'a pris en compte ni le texte dit par un récitant n'apparaissant pas à l'image, ni les éléments de dialogue prononcés par des acteurs ne faisant pas face à la caméra ;
Considérant qu'il est constant que le récit inséré sur la bande sonore par le procédé dit de la "voix off" est dit en français par une actrice incarnant l'un des principaux personnages des téléfilms et s'exprimant en français quant elle apparaît à l'image ; que, dans ces conditions, rien ne faisait obstacle à ce que la durée de ce récit soit prise en compte au titre des éléments de l'oeuvre réalisée en version originale en langue française ; qu'il appartenait au Conseil supérieur de l'audiovisuel de tenir compte au même titre des répliques dites par des acteurs s'étant exprimés en français lors du tournage, alors même qu'ils se trouvaient momentanément hors du champ de la caméra ; qu'en écartant ces éléments du calcul qu'il a opéré, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a fait, pour l'appréciation du caractère d'oeuvre d'expression originale française, une inexacte application des dispositions précitées de l'article 5 du décret du 17 janvier 1990 modifié ; que, par suite, la SOCIETE A.S.P. est fondée à demander l'annulation de la décision attaquée ;
Article 1er : La décision susvisée du Conseil supérieur de l'audiovisuel en date du 2 février 1994 est annulée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE A.S.P., au Conseil supérieur de l'audiovisuel, au centre national de la cinématographie et au Premier ministre.