Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 7 février 1994 et 7 juin 1994, présentés pour l'ASSOCIATION GENERALE DES CONSERVATEURS DES COLLECTIONS PUBLIQUES DE FRANCE, dont le siège est au palais du Louvre à Paris (75041 cédex 01), agissant poursuites et diligences de ses représentants statutaires dûment habilités à cet effet, domiciliés en cette qualité audit siège ; l'association requérante demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêté du 8 novembre 1993 modifiant l'arrêté du 17 décembre 1992 fixant la liste des établissements ou services dans lesquels peuvent être créés des emplois de conservateur territorial du patrimoine et de conservateur en chef territorial du patrimoine ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ;
Vu le décret n° 91-839 du 2 septembre 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Lambron, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, avocat de l'ASSOCIATION GENERALE DES CONSERVATEURS DES COLLECTIONS PUBLIQUES DE FRANCE,
- les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que l'ASSOCIATION GENERALE DES CONSERVATEURS DES COLLECTIONS PUBLIQUES DE FRANCE demande l'annulation de l'arrêté du 8 novembre 1993 modifiant l'arrêté du 17 décembre 1992 fixant la liste des établissements ou services dans lesquels peuvent être créés des emplois de conservateur territorial du patrimoine et de conservateur en chef territorial du patrimoine ;
Sur la légalité des dispositions des articles 2 et 3 du décret du 2 septembre 1991 :
Considérant que l'association requérante entend soulever, par voie d'exception, à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'arrêté susvisé, l'illégalité des dispositions des alinéas 3 et 4 de l'article 2, et 2 et 3 de l'article 3 du décret n° 91-839 du 2 septembre 1991 portant statut particulier du cadre d'emplois des conservateurs territoriaux du patrimoine ; que les alinéas 3 et 4 de l'article 2 de ce décret, relatifs aux conservateurs territoriaux du patrimoine, disposent que ces derniers "exercent leurs fonctions dans les établissements ou services figurant sur une liste qui détermine, pour chaque établissement ou service, le nombre des emplois de conservateur territorial du patrimoine pouvant être créés. Ils ont vocation à occuper les emplois de direction de ces établissements et services. La liste mentionnée à l'alinéa précédent est établie par arrêté conjoint du ministre chargé des collectivités territoriales et du ministre chargé de la culture, sur proposition de l'autorité territoriale. Ne peuvent figurer sur cette liste que les établissements et services qui ont une importance comparable à celle des établissements similaires de l'Etat auxquels sont affectés des conservateurs du patrimoine. Le nombre des emplois pouvant être créés dans chacun de ces établissements ou services est fixé par référence au nombre des emplois existant dans les établissements ou services similaires de l'Etat." ; qu'aux termes des alinéas 2 et 3 de l'article 3 du même décret, relatif aux conservateurs en chefs territoriaux du patrimoine, les intéressés "exercent leurs fonctions dans les établissements ou services figurant sur une liste qui détermine, pour chaque établissement ou service, le nombre des emplois de conservateur en chef territorial du patrimoine pouvant être créés. La liste mentionnée à l'alinéa précédent est établie par arrêté conjoint du ministre chargé des collectivités territoriales et du ministre chargé de la culture, sur proposition de l'autorité territoriale. Ne peuvent figurer sur cette liste que les établissements et services qui ont une importance comparable à celle des établissements similaires de l'Etat auxquels sont affectés des conservateurs en chef du patrimoine. Le nombre des emplois pouvant être créés dans chacun de ces établissements ou services est fixé par référence au nombre des emplois existant dans les établissements ou services similaires de l'Etat" ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée par la loi du 13 juillet 1987 : "Les fonctionnaires territoriauxappartiennent à des cadres d'emplois régis par des statuts particuliers, communs aux fonctionnaires des communes, des départements, des régions et de leurs établissements publics. - Ces statuts particuliers ont un caractère national. - Un cadre d'emplois regroupe les fonctionnaires soumis au même statut particulier, titulaires d'un grade leur donnant vocation à occuper un ensemble d'emplois. Chaque titulaire d'un grade a vocation à occuper certains des emplois correspondant à ce grade ..." et qu'aux termes de l'article 6 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée par la loi du 13 juillet 1987 : "Les statuts particuliers sont établis par décret en Conseil d'Etat. Ils précisent notamment le classement de chaque cadre d'emplois, emploi ou corps dans l'une des quatre catégories mentionnées à l'article 5 du présent titre" ; qu'en chargeant le gouvernement d'établir lesdits statuts particuliers, l'article 6 précité de la loi du 26 janvier 1984 l'a nécessairement habilité à définir, sur proposition des autorités territoriales, les fonctions du cadre d'emplois des conservateurs territoriaux du patrimoine ainsi que les conditions dans lesquelles elles seraient exercées ; que, par suite, en prenant les dispositions attaquées, le gouvernement n'a pas excédé les limites de l'habilitation qu'il tenait dudit article ; que, dès lors, l'association requérante ne saurait utilement se prévaloir, à l'encontre desdites dispositions, de l'article 34 de la Constitution, qui réserve au législateur la détermination des principes fondamentaux de la libre administration des collectivités locales ;
Considérant, en deuxième lieu, que pour établir la liste des établissements ou services, les auteurs du décret tenaient de l'habilitation ci-dessus rappelée, le pouvoir de se référer à un critère tiré de l'importance desdits établissements ou services par rapport aux établissements similaires de l'Etat et de fixer, dans la limite de cette même habilitation et sans porter atteinte aux principes fondamentaux de la libre administration des collectivités locales, pour chaque établissement ou service un nombre d'emplois par référence à ceux existant dans les établissements ou services similaires de l'Etat ;
Considérant, enfin, que les dispositions précitées du décret du 2 septembre 1991 n'ont ni pour objet ni pour effet de priver, ainsi que le soutient la requérante, les collectivités territoriales et établissements publics concernés de la possibilité de remplir leur mission de conservation de leur patrimoine muséographique ;
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le directeur général des collectivités locales et le directeur de l'administration générale du ministère de la culture et de la francophonie, disposaient régulièrement de la délégation de signature de leurs ministres respectifs ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que les propositions des autorités territoriales, telles qu'exigées par les articles 2 et 3 précités du décret du 2 septembre 1991, ont été dûment recueillies dans le cadre de l'établissement de la liste dont il s'agit ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'obligeait les ministres chargés des collectivités territoriales et de la culture à consulter à nouveau les autorités territoriales concernées s'ils n'entendaient pas donner suite à leurs propositions ni à arrêter une liste d'établissements et de services ayant un caractère exhaustif et définitif ;
Considérant que si l'association requérante soutient que la liste annexée à l'arrêté du 8 novembre 1993 porterait atteinte au déroulement de la carrière dans le cadre d'emplois des conservateurs territoriaux, les conditions d'établissement de cette liste sont sans incidence sur le déroulement de carrière des conservateurs territoriaux du patrimoine ;
Considérant que si l'association requérante soutient que certains établissements auraient dû être mentionnés sur la liste annexée à l'arrêté dont s'agit, elle n'apporte aucun élément de nature à établir que ces établissements remplissaient les conditions réglementaires pour y figurer ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de l'ASSOCIATION GENERALE DES CONSERVATEURS DES COLLECTIONS PUBLIQUES DE FRANCE doit être rejetée ;
Article 1er : La requête de l'ASSOCIATION GENERALE DES CONSERVATEURS DES COLLECTIONS PUBLIQUES DE FRANCE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION GENERALE DES CONSERVATEURS DES COLLECTIONS PUBLIQUES DE FRANCE, à la ministre de la culture et de la communication et au ministre de l'intérieur.