Vu la requête, enregistrée le 28 novembre 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Achata X... demeurant ... ; Mme X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 4 octobre 1994 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 17 février 1994 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer une carte de résident en qualité de conjoint français ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ladite décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, notamment par la loi du 2 août 1989, la loi du 10 janvier 1990, la loi du 26 février 1992 et la loi du 24 août 1993 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Guyomar, Auditeur,
- les conclusions de M. Girardot, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X..., ressortissante comorienne, a épousé le 2 février 1989 aux Comores M. Mohamed Z...
Y..., ressortissant français ; qu'elle a demandé dès le 22 août 1990 la transcription de ce mariage sur les registres de l'état civil français ; qu'elle est entrée régulièrement en France, pour y rejoindre son mari, le 27 mai 1993, avec un visa de trente jours ; qu'à la date du 17 juin 1994, à laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité de conjoint de français, elle attendait un enfant ; qu'eu égard à l'ensemble de ces circonstances, la décision attaquée du préfet des Alpes-Maritimes a porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle a ainsi méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X..., épouse Z...
Y..., est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 4 octobre 1994 et la décision du préfet des Alpes-Maritimes en date du 17 février 1994 sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Achata X... épouse Z...
Y... et au ministre de l'intérieur.