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23/02/1998 | FRANCE | N°185554

France | France, Conseil d'État, 9 ss, 23 février 1998, 185554


Vu la requête, enregistrée le 13 février 1997 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA SOMME ; le PREFET DE LA SOMME demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 30 janvier 1997 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté de reconduite à la frontière et la décision fixant le Ghana comme pays de destination de la mesure prise le 23 janvier 1997 à l'encontre de M. Benjamin X..., ressortissant de nationalité ghanéenne ;
2°) de rejeter la demande présentée par

M. X... devant le tribunal administratif d'Amiens ;
Vu les autres pièces d...

Vu la requête, enregistrée le 13 février 1997 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA SOMME ; le PREFET DE LA SOMME demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 30 janvier 1997 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté de reconduite à la frontière et la décision fixant le Ghana comme pays de destination de la mesure prise le 23 janvier 1997 à l'encontre de M. Benjamin X..., ressortissant de nationalité ghanéenne ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif d'Amiens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, notamment par les lois du 2 août 1989, du 10 janvier 1990 et du 24 août 1993 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. de Froment, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Le Prado, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la demande de M. Benjamin X..., de nationalité ghanéenne, entré en France le 21 janvier 1992, tendant à obtenir le statut de réfugié politique, a été rejetée le 22 avril 1992 par l'office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la commission des recours des réfugiés, le 3 septembre 1992, lesquels depuis ont à quatre reprises rejeté de nouvelles demandes ; que le PREFET DE LA SOMME a invité M. X... à quitter le territoire par une décision notifiée le 22 septembre 1992 ; que M. X... s'étant maintenu sur le territoire français plus d'un mois après cette date, il était ainsi dans le cas visé au 3° de l'article 22-I de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière, ainsi qu'il l'a fait successivement par ses arrêtés du 30 novembre 1992, 3 août 1993 et enfin du 23 janvier 1997, dernier arrêté que le conseiller délégué par le président du tribunal administratif d'Amiens a annulé ;
Considérant qu'il ressort de la motivation même de l'arrêté attaqué que le PREFET DE LA SOMME ne s'est pas seulement fondé sur les rejets successifs opposés aux demandes faites par M. X... en vue d'obtenir le statut de réfugié mais a procédé à l'examen de la situation d'ensemble de l'intéressé au regard des règles applicables à la reconduite à la frontière ; que, par suite, c'est à tort que le conseiller délégué par le président du tribunal administratif d'Amiens a estimé, pour annuler l'arrêté attaqué, que le PREFET DE LA SOMME n'avait pas procédé à l'examen de la situation d'ensemble de l'intéressé au regard des règles applicables à la reconduite à la frontière ;
Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. X... devant le tribunal administratif d'Amiens ;
Considérant, d'une part, que le moyen tiré de ce que M. X... courrait des risques importants s'il devait retourner au Ghana ne saurait être utilement invoqué à l'appui d'un recours dirigé contre l'arrêté attaqué, qui n'indique pas le pays vers lequel l'intéressé devra être reconduit ;
Considérant, d'autre part, que si M. X... fait valoir qu'il est bénéficiaire d'une promesse d'embauche et qu'il est bien intégré en France, ces éléments ne suffisent pas à établir que le PREFET DE LA SOMME aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur la situation personnelle de l'intéressé ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA SOMME est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté de reconduite à la frontièrepris le 23 janvier 1997 à l'encontre de M. X... ;
Sur la légalité de la décision complémentaire fixant le pays de destination de la reconduite :

Considérant qu'il appartient à l'autorité administrative chargée de prendre la décision fixant le pays de renvoi d'un étranger qui a fait l'objet d'un arrêté d'expulsion ou de reconduite à la frontière de s'assurer, sous le contrôle du juge, en application du deuxième alinéa de l'article 27 bis de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945, que les mesures qu'elle prend n'exposent pas l'étranger à des risques sérieux pour sa liberté ou son intégrité physique, non plus qu'à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il ressort du dossier qu'au soutien de ses affirmations selon lesquelles il aurait été condamné à mort dans son pays à la suite du coup d'Etat de novembre 1982 auquel il aurait participé, qu'il serait encore aujourd'hui recherché et que sa famille restée au pays serait harcelée, M. X... apporte des documents dont le préfet ne conteste ni la nature, ni la portée ; que, dans ces conditions, M. X... doit être regardé comme établissant l'existence de circonstances faisant obstacle à sa reconduite à destination du pays dont il a la nationalité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA SOMME n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision distincte par laquelle le Ghana a été fixé comme pays de destination vers lequel l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontre de M. X... devait être exécuté ;
Article 1er : Le jugement du conseiller du tribunal administratif d'Amiens en date du 30 janvier 1997 est annulé en tant qu'il a annulé l'arrêté du 23 janvier 1997 décidant la reconduite à la frontière de M. X....
Article 2 : La demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif d'Amiens est rejetée en tant qu'elle est dirigée contre l'arrêté de reconduite à la frontière du 23 janvier 1997.
Article 3 : Le surplus des conclusions du PREFET DE LA SOMME est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA SOMME, à M. Benjamin X... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 9 ss
Numéro d'arrêt : 185554
Date de la décision : 23/02/1998
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 3
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22, art. 27 bis


Publications
Proposition de citation : CE, 23 fév. 1998, n° 185554
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. de Froment
Rapporteur public ?: M. Goulard

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1998:185554.19980223
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