Vu la requête enregistrée le 3 mai 1995 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE PRESTIGE CORPORATION INC., dont le siège est : Apartado 8753, Panama 5 (République de Panama) ; la SOCIETE PRESTIGE CORPORATION INC. demande que le Conseil d'Etat ;
1°) annule l'arrêt du 2 mars 1995 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris du 15 mai 1992 rejetant sa demande en décharge de l'impôt sur les sociétés et de la retenue à la source auxquels elle a été assujettie au titre des années 1981 à 1984 ;
2°) condamne l'Etat à lui payer une somme de 20 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et une somme de 75 000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Maïa, Auditeur,
- les observations de la SCP Gatineau, avocat de la SOCIETE PRESTIGE CORPORATION INC.,
- les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'il incombe à l'administration d'informer le contribuable dont elle envisage d'arrêter, en tout ou partie, les bases d'imposition par voie de taxation ou d'évaluation d'office, de la teneur des renseignements qu'elle a pu recueillir par l'exercice de son droit de communication et a effectivement utilisés pour procéder aux redressements, afin que l'intéressé ait la possibilité de demander, avant la mise en recouvrement des impositions, que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition ;
Considérant que la cour administrative d'appel de Paris a rejeté le moyen tiré par la société de droit panaméen PRESTIGE CORPORATION INC. de ce que l'administration fiscale a illégalement refusé de mettre à sa disposition les documents contenant les renseignements qu'elle avait recueillis par l'exercice de son droit de communication et utilisés pour la regarder comme imposable en France à l'impôt sur les sociétés et l'assujettir à cet impôt par voie de taxation d'office, par le motif que, si l'administration n'avait pas répondu aux demandes de la société, il n'était pas allégué que le conseil de celle-ci se soit présenté au service ou ait demandé à y être reçu sans avoir pu obtenir communication des documents réclamés ; que la cour, en jugeant ainsi qu'il incombe à un contribuable ayant demandé à l'administration, avant la mise en recouvrement d'impositions mises à sa charge par voie de taxation d'office, de lui communiquer les documents contenant les renseignements qu'elle a recueillis par l'exercice de son droit de communication et utilisés pour établir ces impositions, de se rendre spontanément dans les locaux du service pour y prendre connaissance de ces pièces, a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit, dès lors, être annulé ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987, de régler l'affaire au fond ;
Considérant, ainsi qu'il a dit ci-dessus, que les documents contenant lesrenseignements que l'administration a recueillis par l'exercice de son droit de communication et utilisés pour établir l'impôt sur les sociétés et la retenue à la source mis à la charge de la SOCIETE PRESTIGE CORPORATION INC. au titre des années 1981 à 1984, n'ont pas été communiqués à cette société, en dépit de la demande formulée par son conseil, avant la mise en recouvrement de ces impositions ; que faute, pour l'administration d'avoir répondu à cette demande, le cas échéant, en proposant à la société des modalités pratiques de communication destinées à tenir compte de la nature et du volume des documents demandés, la procédure d'imposition a été irrégulière ; que, dans ces conditions, la SOCIETE PRESTIGE CORPORATION INC. est fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 15 mai 1992, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des impositions contestées, ainsi que des pénalités y afférentes ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat, par application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991, à payer à la SOCIETE PRESTIGE CORPORATION INC. une somme de 6 000 F, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 2 mars 1995 est annulé.
Article 2 : La SOCIETE PRESTIGE CORPORATION INC. est déchargée de l'impôt sur les sociétés et de la retenue à la source, ainsi que des pénalités y afférentes auxquels elle a été assujettie au titre des années 1981 à 1984.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 15 mai 1992 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : L'Etat paiera à la SOCIETE PRESTIGE CORPORATION INC. une somme de 6 000 F, au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE PRESTIGE CORPORATION INC. et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.