Vu la requête enregistrée le 25 février 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Malika X..., demeurant ... ; Mme X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 31 décembre 1993 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 novembre 1992 par laquelle le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;
2°) d'annuler la décision préfectorale précitée ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 538 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié par l'avenant du 22 décembre 1985 ;
Vu l'ordonnance n° 46-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mlle de Silva, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : "1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ; qu'il résulte de l'instruction que Mme X..., ressortissante algérienne, a contracté mariage le 3 janvier 1992 à Thionville avec M. Nourredine X..., titulaire d'un certificat de résidence valable dix ans, qui réside en France depuis 1970, dont elle a eu un enfant de nationalité française le 13 septembre 1992 ; qu'à la date de l'arrêté lui refusant le séjour, elle était enceinte d'un deuxième enfant ; qu'une partie de sa famille proche réside en France ; que dans les circonstances de l'espèce, la décision du préfet de la Moselle en date du 18 novembre 1992 lui refusant l'admission au séjour en France au titre du regroupement familial a porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été prise la mesure attaquée ; qu'ainsi, les stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à payer la somme de 3 538 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit auxdites conclusions et de condamner l'Etat à verser à Y... KATEB la somme qu'elle demande ;
Article 1er : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Strasbourg en date du 31 décembre 1993 et l'arrêté susvisé du préfet de la Moselle en date du 18 novembre 1992 sont annulés.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à Y... KATEB la somme de 3 538 F en application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Malika X... et au ministre de l'intérieur.