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20/06/1997 | FRANCE | N°122151

France | France, Conseil d'État, 6 / 2 ssr, 20 juin 1997, 122151


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 7 janvier 1991 et 7 mai 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la VILLE DE PARIS, représentée par son maire en exercice ; la VILLE DE PARIS demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 8 novembre 1990 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé, à la demande de l'association des riverains du Maquis de Montmartre, l'arrêté du maire de Paris du 25 janvier 1990 accordant un permis de construire à la VILLE DE PARIS pour la réalisation d'un parc de stationnem

ent souterrain avec aménagement d'une aire de jeux en superstructu...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 7 janvier 1991 et 7 mai 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la VILLE DE PARIS, représentée par son maire en exercice ; la VILLE DE PARIS demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 8 novembre 1990 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé, à la demande de l'association des riverains du Maquis de Montmartre, l'arrêté du maire de Paris du 25 janvier 1990 accordant un permis de construire à la VILLE DE PARIS pour la réalisation d'un parc de stationnement souterrain avec aménagement d'une aire de jeux en superstructure sur un terrain situé ... et 8-10, passage dénommé M 18 à Paris 18ème ;
2°) rejette la demande présentée par l'association des riverains du Maquis de Montmartre devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la loi du 22 juillet 1912 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret n° 88-907 du 2 septembre 1988 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Fougier, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Foussard, avocat de la VILLE DE PARIS et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de l'association des riverains du Maquis de Montmartre,
- les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité du permis de construire :
Considérant, d'une part, qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1-1 du code de l'urbanisme, "la demande de permis de construire est présentée soit par le propriétaire du terrain ou son mandataire, soit par une personne justifiant d'un titre l'habilitant à construire sur le terrain, soit par une personne ayant qualité pour bénéficier de l'expropriation dudit terrain pour cause d'utilité publique" ;
Considérant, d'autre part, que la délivrance d'un permis de construire est, en vertu de l'article L. 421-3 du code de l'urbanisme, subordonnée au respect des dispositions législatives et réglementaires énoncées audit article, lesquelles ne comportent pas les servitudes de droit privé ; qu'au demeurant, un permis de construire est nécessairement délivré sous réserve du respect des droits que les tiers peuvent tenir de semblables servitudes ;
Considérant qu'il suit de là que sous réserve de l'hypothèse où l'autorité administrative a connaissance d'éléments établissant que le pétitionnaire ne dispose pas à l'évidence d'un titre satisfaisant aux exigences posées par l'article R. 421-1-1, cette autorité, lorsqu'elle est saisie d'une demande de permis de construire, ne saurait se faire juge d'un litige de droit privé qui s'élèverait entre le demandeur et des particuliers ; qu'elle ne peut ni trancher un tel litige, ni se fonder sur son existence pour refuser d'examiner la demande qui lui est présentée ;
Considérant que la VILLE DE PARIS a acheté le 23 juin 1966 un terrain situé ... dans le 18ème arrondissement et 8-10, voie provisoirement dénommée M 18, d'une superficie de sept cent quatre vingt sept mètres carrés ; qu'il ressort clairement d'un acte de droit privé établi le 24 août 1891 pour définir les règles de propriété et de jouissance de la voie M 18 que la propriété du terrain acquis par la ville emporte propriété de la moitié du sol de la voie au droit de la façade dudit terrain ; qu'au vu de ces éléments, la VILLE DE PARIS justifiait d'un titre l'habilitant à présenter une demande de permis de construire sur le terrain susmentionné ; que la circonstance que la réalisation de la construction projetée doive se faire dans le respect d'une servitude de passage établie par l'acte du 24 août 1891 est par elle-même sans incidence sur la régularité du dossier de présentation de la demande de permis de construire au regard de l'article R. 421-1-1 du code de l'urbanisme ; que l'obligation qui avait été faite aux propriétaires riverains du passage M 18 d'effectuer des travaux d'assainissement en applicationd'un arrêté du 20 septembre 1984 pris sur le fondement de la loi du 22 juillet 1912 modifiée n'a pas davantage eu d'incidence sur l'étendue du droit de propriété de la VILLE DE PARIS sur le terrain d'implantation de la construction projetée ;
Considérant, dans ces conditions, que c'est à tort que, pour annuler le permis de construire délivré le 25 janvier 1990 à la VILLE DE PARIS, le tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce que les travaux objet de la demande de permis affectent la voie M 18 et portent atteinte aux droits que les riverains de cette voie tiendraient de l'acte du 24 août 1891 ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués en première instance par l'association des riverains du Maquis de Montmartre à l'encontre du permis de construire contesté ;
Considérant que le plan d'occupation des sols de Paris, dont le Conseil de Paris a décidé l'application anticipée par délibération du 29 mai 1989" délimite une zone UL qui comprend des hameaux, villas et lotissements dont les auteurs du plan entendent "préserver l'intégrité et le caractère" ; qu'aux termes de l'article UL. 2-II du règlement du plan d'occupation des sols, sont interdites à l'intérieur de la zone UL, "les constructions ou installations qui, par leur nature, leur importance ou leur aspect, seraient incompatibles avec le caractère du paysage urbain environnant" ;
Considérant que le projet autorisé par le permis de construire litigieux consiste en la réalisation d'un parc de stationnement d'un rez-de-chaussée et cinq niveaux en sous-sol sur un terrain faisant partie de la zone UL mentionnée ci-dessus et jouxtant le passage M 18, lequel relie la rue Lepic à l'avenue Junot dans la zone dite Maquis de Montmartre à proximité du Moulin de la Galette ; que le projet, en raison de son lieu d'implantation, de ses incidences sur la végétation existante comme de son importance, est incompatible avec le caractère du paysage urbain environnant ; que, par suite, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens invoqués, le permis de construire, délivré le 25 janvier 1990 par le maire de Paris, méconnaît les dispositions précitées du plan d'occupation des sols et est ainsi entaché d'excès de pouvoir ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la VILLE DE PARIS n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé le permis de construire qui lui a été délivré le 25 janvier 1990 ;
Sur les conclusions de l'association des riverains du Maquis de Montmartre tendant à l'application de l'article 1er du décret du 2 septembre 1988 :
Considérant que le décret n° 88-907 du 2 septembre 1988 ayant été abrogé par le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, les conclusions de l'association intimée doivent être regardées comme demandant la condamnation de l'Etat sur le fondement de l'article 75-I de ladite loi ; que, par application de ce dernier texte, il y a lieu de condamner la VILLE DE PARIS à payer à l'association des riverains du Maquis de Montmartre la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de la VILLE DE PARIS est rejetée.
Article 2 : la VILLE DE PARIS est condamnée à payer à l'association des riverains du Maquis de Montmartre la somme de 14 232 F en application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la VILLE DE PARIS, à l'association des riverains du Maquis de Montmartre et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

68-03 URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - PERMIS DE CONSTRUIRE.


Références :

Code de l'urbanisme R421-1-1, L421-3
Décret 88-907 du 02 septembre 1988 art. 1
Décret 91-1266 du 19 décembre 1991
Loi du 22 juillet 1912
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation: CE, 20 jui. 1997, n° 122151
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Fougier
Rapporteur public ?: M. Piveteau

Origine de la décision
Formation : 6 / 2 ssr
Date de la décision : 20/06/1997
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 122151
Numéro NOR : CETATEXT000007930611 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1997-06-20;122151 ?
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